L’église du Sacré cœur d’Audincourt : Monument d’art sacré du XXe siècle

Emblématique du renouveau de l’art sacré des années 50 du XXe siècle, et classée « monument d’art sacré du XXe » siècle en 1996, l’église d’AUDINCOURT (DOUBS) fut une aventure collective tant spirituelle qu’esthétique. « L’abbé Prenel refusait le plagiat du passé, faux roman ou faux gothique ; il voulait un sanctuaire simple, mais beau, témoignage incontesté des couleurs du XXe siècle. » Il sollicita les artistes les plus « visibles » de son temps, dont deux qui ne confessaient pas la foi chrétienne : Jean Bazaine et Fernand Léger. La grande nouveauté était l’introduction de l’art dit « non figuratif » dans une église.

Jean Bazaine (1904†2001), figure majeure de la peinture d’avant-garde française du XXe siècle, venait de dessiner dans un registre non-figuratif, la grande mosaïque en façade de l’église, y insérant ce verset du Siracide (Livre de l’Ecclésiastique), 24,31-32: «Aujourd’hui mon fleuve est devenu mer. Au matin je ferai luire la Parole », où il estimait trouver la référence au baptême par l’eau et la lumière. Il hésita à accepter la commande de la verrière du baptistère : « Je suis très tenté, mais je crois qu’il n’est pas possible, ni souhaitable, que j’impose une seconde œuvre de moi aux paroissiens de l’abbé Prenel.Ceux-ci en effet, privés de leurs repères iconiques, ont difficilement accepté la mosaïque qu’ils jugent hermétique voire scandaleuse, plus habitués aux pratiques religieuses qu’à la mystique.1 ».

Bazaine réalisa finalement le claustra en dalles de verre du baptistère, qui fut achevé en 1954 par les Ateliers Barillet.

Fernand Léger réalisa pour Audincourt une de ses dernières œuvres : le vitrail dit « des cinq plaies du Christ » tout au long du centre du chœur. Il s’inspira des visions du Sacré Cœur de Sainte Marguerite Marie Alacoque : sur les cinq plaies de Jésus « qui brillaient comme des soleils »et sur « ce divin cœur ne pouvant contenir en lui les flammes de son ardente charité, il faut qu’il les répande ». L’incroyant communiste a su ainsi « déchiffrer la profondeur spirituelle du grand mystère chrétien »2.

« Figuratives ou non figuratives, les formes vraies sont des formes vivantes. Dans cette ombre où résident les choses méconnues, leur énergie s’accumule : un jour vient où les fils et petits-fils vivent de ces trésors que leurs pères avaient reçus- méritoirement-dans la foi. (..) La gloire de Dieu ne consiste pas dans la richesse et l’énormité, mais dans la perfection d’une œuvre pure »3 a commenté le P. Marie-Alain Couturier.

Bibliographie

Père Axel Isabey « L’église du Sacré Cœur d’Audincourt », Diocèse de Belfort-Montbéliard, 2022.
Y. Bouvier et C. Cousin, « Audincourt, le sacre de la couleur » Neo Editi

Article publié dans la revue Una Voce n°338 de Septembre – Octobre 2022

  1. Jean Bazaine à Maurice Novarina, courrier du 20 septembre 1951
  2. Pierre Gouet, sj. Revue « Christus »
  3. P. Marie-Alain Couturier, in « Revue de l’art sacré N° 3-4, nov. 1951.

Art sacré : à la plus grande gloire de Dieu ?

À découvrir : ART SACRÉ AU XXe siècle (II)

Nous proposons dans cette réflexion un retour sur la façon dont les artistes ont, au XXe siècle, tenté de renouveler l’esthétique de l’architecture et de la décoration des églises, abbayes, monastères, en insufflant dans leurs pratiques une modernité qui n’effaçait pas le caractère religieux de leurs œuvres ni, pour les plus fervents d’entre eux, son caractère sacré : des luttes ponctuées de scandales et d’incompréhensions.

Art sacré, art religieux, art moderne : le débat du XXe siècle

En leur temps, les bâtisseurs de cathédrales et dans leur sillage les artistes qui ont décoré les églises étaient soucieux de pédagogie et de représenter le visage du Christ, de la Vierge, ses saints et martyrs, aux fins de proclamation de l’Évangile et de la foi catholique.

Pie X avait exprimé en son temps le souhait qu’on permît aux chrétiens de « prier sur de la beauté ». Dès 1872, une « Société de Saint Jean pour le développement de l’art chrétien » avait été fondée, qui essaima à Lille (en « Société de saint Marc », 1925) et à Perros-Guirec (« Atelier breton d’art chrétien », 1927).

Après le tumulte de la loi de 1905, d’autres associations virent le jour, en vue de fixer des règles concernant l’architecture et la décoration des églises, à la suite de Maurice DENIS, auteur des « Théories » (1890-1910)1 : ainsi la Société « Les Catholiques des Beaux-Arts » fondée en 1907 et qui se dota en 1926 d’une section féminine dont une figure marquante fut Marthe Flandrin2, nièce du peintre Hippolyte Flandrin. Quelques années plus tard, la nécessaire reconstruction matérielle de l’après Première guerre mondiale stimula ces recherches et d’autres associations ou groupes de travail virent le jour, portant la même exigence : que les créations, si abstraites et « modernes » fussent-elles dans leur esthétique (jusqu’à faire scandale comme le Christ à la colonne de Desvallières3(1910)), fussent marquées du caractère chrétien et étayées de spiritualité chrétienne.

L’effervescence créative des années 1906-1920

Le Groupe des « artistes et artisans catholiques des Beaux-Arts » fondé par Paul Regnault en 1909, présidé par l’architecte Paul Tournon, se définissait comme un « groupement corporatif et religieux dont le but est la Beauté » et permit au verrier Louis Barillet, aux peintres en vitrail Jean Hébert-Stevens et Marguerite Huré, d’exposer au Village français de l’exposition internationale des arts décoratifs industriels et modernes en 1925, dont le pavillon des vitraux fut le plus visité.Paul Tournon fut un réel promoteur de l’art sacré « moderne » , très impliqué dans la « mission » de pédagogie et de communication auprès de la hiérarchie ecclésiastique : on lui doit la « chapelle des missions » de l’Exposition coloniale internationale de 19314, ainsi que le « Pavillon pontifical »de l’exposition internationale des arts et techniques de 1937.

L’Arche (1918) réunit deux architectes dont un clerc (Dom Bellot), la peintre Valentine Reyre et les sculpteurs Henri Charlier et Denise PY, l’orfèvre Luc Lanel, les architectes Jacques Droz et Maurice Brissart et la brodeuse Sabine Desvallières, fille de George Desvallières et religieuse clarisse, sous la coordination de Maurice Storez, lui-même peintre, historien, musicien et choriste. Le rayonnement spirituel devait être lié à une certaine austérité esthétique. « Parce que l’Arche est le premier navire construit pour résister au Déluge, or à nos yeux le Déluge, c’est le désordre et nous voulons passionnément l’ORDRE ; le Déluge, c’est l’ANARCHIE, c’est l’Individualisme, fruit du schisme du XVIe siècle, qui en séparant l’homme de Dieu pour en faire une nouvelle divinité, en instituant le subjectivisme comme critère du Beau et du Vrai, nous a plongé dans l’anarchie artistique dont nous souffrons tous » écrivait Maurice Storez5. Et Maurice Denis toujours pionnier d’ajouter : « «la foi personnelle de l’artiste (…), son expérience religieuse ont le pouvoir d’informer son imagination, de l’exalter, de la renouveler et de lui arracher des inventions qui touchent l’âme comme des cris du cœur »6

Les « Artisans de l’Autel » (1919) que rejoignit Paul Tournon, permirent au sculpteur spécialiste du mobilier d’église Paul Croix-Marie, à son confrère Dufrasne, au verrier et mosaïste Le Chevallier de travailler ensemble, en privilégiant les matériaux modernes.

Les Ateliers d’art sacré (1919) de George Desvallières et Maurice Denis, qui rassemblèrent Pierre Dubois, Robert Boulet, François Quelvée, Édouard Goerg et Valentine Reyre, avaient pour ambition de fonctionner comme une sorte de guilde médiévale afin de valider une production artistique qui devait refléter l’expérience religieuse et la foi des artistes, et de former des artistes chrétiens. Le programme de formation comportait des enseignements de dessin et de techniques artistiques (hors vitrail) aux côtés des enseignements religieux et de la liturgie. Parmi leurs réalisations figurent la chapelle du Collège Saint Michel de Picpus de Paris et l’église Notre Dame de la Consolation du Raincy en région parisienne (1923)

Notre Dame du Raincy Marie guidant à la victoire de l’Ourcq, 1914

La revue « l’Art sacré » : une référence (1935-1969)

Cette revue fondée en juillet 1935 par Joseph Pichard (1892-1973), critique d’art, avait pour ambition de mettre en valeur les artistes des « Ateliers d’art sacré » mais aussi de contribuer à des échanges féconds avec la création contemporaine : peintres, fresquistes, ferronniers, dinandiers et verriers, et de donner au clergé des bases de culture artistique.

La reprise de la revue par les Editions du Cerf en 1936, sous la direction du Père Marie-Alain Couturier (1897-1954), peintre et verrier, et Raymond Pie Régamey (1900-1996), historien de l’art, tenta de favoriser une renaissance de l’art chrétien en sensibilisant ses lecteurs, clercs et laïcs, à la valeur religieuse des œuvres modernes .Volontairement interrompue pendant la guerre que le père Couturier passa aux États Unis, la publication reprit en juillet 1945 .Elle traita de sujets aussi variés que « L’éclairage des églises » (Dom Pierret,osb, 1946), « problèmes de musique sacrée » (hors-série de 48 pages sous la direction du R.P. François Florand, 1946) ou « programme d’éducation artistique du clergé », en créant deux collections supplémentaires «  Nefs et clochers » et « L’art et Dieu » .

On pouvait traiter dans le même numéro, en noir et blanc, de Rouault, d’Henri Charlier et de Dom Robert (enlumineur et tapissier de l’abbaye bénédictine d’En Calcat (Tarn), et publier une étude critique de représentations contemporaines de la Crucifixion, comparant les œuvres du peintre Manessier7, d’Yves Alix et d’André Marchand, aux tableaux de Grünewald à Colmar et Karlsruhe, commentant avec emphase :

« On n’exagérera jamais le tragique chrétien. Des œuvres qui ne nous disent aucunement que le Christ est vainqueur de la souffrance et de la mort, et que le -mystère de notre souffrance et de notre mort est celui de notre Résurrection, des œuvres qui ne nous disent aucunement cela, mais qui au contraire retournent le mystère du salut en un pur et simple désespoir, ne sont pas chrétiennes. (…) ne nous lassons pas de répéter qu’une œuvre, pour être chrétienne, doit parler par les moyens proprement picturaux, aux yeux de la foi au-delà des yeux de la chair. (..) plus on dit aux yeux de chair que la Croix est abjecte, plus on doit dire, dans le même regard, aux yeux de la foi, qu’elle est le mystère de l’espérance. »8

La revue devint un organe de réflexion artistique et de spiritualité, d’une présentation très soignée en noir et blanc et commença de faire place aux grands débats artistiques de l’après-guerre à la faveur de la reconstruction. Après le décès du Père Couturier, elle fut confiée aux P. Jean Capellades et Cocagnac et monta à plusieurs milliers d’abonnés malgré la concurrence d’une autre revue de Joseph Pichard « Art chrétien ». Restée sans équivalent, elle a cessé de paraître en 1969.

La « querelle de l’art sacré » : après la deuxième guerre mondiale

Le père Marie-Alain Couturier encouragea à son retour en France des chantiers « novateurs » au moment de la reconstruction d’après-guerre, et spécialement celui de Notre Dame de Toute Grâce en Savoie. Autour de l’architecte Maurice Novarina, intervinrent les peintres Fernand Léger,Pierre Bonnard, Georges Braque , Marc Chagall, Ladislas Kijno et Henri Matisse , les sculpteurs Germaine Richier et Jacques Lipschitz, le tapissier Jean Lurçat, les peintres Jean Bazaine, Georges Rouault et le P. Couturier lui-même pour les vitraux, les vitrailliers Paul Bony et son épouse Adeline Hébert-Stevens , et Marguerite Huré.

L’ensemble d’une totale abstraction dérouta tant que le Christ de Germaine Richier, déposé à la demande de l’évêque d’Annecy quelques mois seulement après la consécration de l’église en 1950, n’y reprit sa place qu’en 1971. La revue de La Pierre-qui-Vire, ZODIAQUE, publia dans son premier numéro (mars 1951) à un plaidoyer pour l’art sacré abstrait , et le Père Raymond Pie Régamey lui-même a consacré un ouvrage à « La querelle de l’art sacré , Art sacré au XXe siècle ? » en 1952 .Il y mentionne et commente aussi la chapelle dominicaine de Vence et l’église du Sacré Cœur d’Audincourt ( voir page suivante) , faisant échos à ses propos de 1945 dans « La Revue de l’art sacré » : « oui, notre principale raison d’être est bien de travailler à la beauté de la maison de Dieu. Mais l’art sacré doit être vivant. Les œuvres les plus intéressantes de notre temps sont affectées par les crises de la foi, de l’espérance et de l’amour ».

Et Alfred Manessier d’insister : « Il nous faut accepter avec amour notre époque dans la totalité de ses manifestations et de ses rêves et essayer de les vivre à la lumière de l’Évangile. (…) Les matériaux sont là ; à la lumière évangélique de les éclairer, de les magnifier, de les transfigurer par notre vie intérieure. »9

Quelques années plus tard, le Pape Pie XII, s’adressant aux artistes italiens10, « vous à qui il est donné de parler un langage » assurait que vouloir séparer la religion et l’art était une erreur. « L’art s’élève à l’idéal et à la vérité artistique avec une probabilité d’heureux succès d’autant plus grands qu’il reflète avec une plus grande clarté l’Infini et le divin. Ainsi, plus l’artiste vit la religion, et mieux est-il préparé à parler la langue de l’art, à en entendre les harmonies, à en communiquer les frémissements ». Et de qualifier l’artiste chrétien d’élu, « parce que c’est le propre des Elus de contempler, d’apprécier et d’exprimer les perfections de Dieu », en proposant aux artistes la mission d’éduquer les esprits à la délicatesse et au goût du spirituel.

Bibliographie

Françoise Perrot « Art sacré » (Encyclopaedia Universalis)
Françoise Caussé « les artistes, l’art et la religion en France. Les débats suscités par la revue « L’art sacré » entre 1945 et 1954, thèse de doctorat Université de Bordeaux, 1999.
M-A Couturier « Art sacré »(textes choisis par Dominique de Ménil et Pie Duployé) Neuchâtel, 1983.
Sabine de Lavergne « Art sacré et modernité. Les grandes années de la revue « l’Art sacré », Editions Lessius , 1998.
R.P. Régamey « La querelle de l’art sacré », Cerf,1951.
R.P. Régamey « Art sacré au XXe siècle ? » Cerf, 1952.
Marie-Alain Couturier « Art et catholicisme, chroniques », 1945.
Hélène Guéné « L’Arche, un moment du débat sur l’art religieux,1919-1934 », revue « Chrétiens et Société » année 2000.

Passage Radio Courtoisie du vendredi 13 janvier 2023

Art sacré sur les ondes
Suite à l’article publié par Catherine Jeulin dans la revue Una Voce de septembre-octobre 2022, « Art sacré au XXe siècle » consacré au renouveau de l’art sacré au cours de la première partie du XXe siècle, Radio Courtoisie a interrogé Catherine Jeulin dans le cadre de son émission hebdomadaire consacrée aux artistes et artisans exerçant leur art dans la décoration des églises, le mobilier et les habits liturgiques.

Radio Courtoisie – Libre journal des artisans du 13 janvier 2023 – Durée : 32 min
Lien de l’émission : https://www.radiocourtoisie.fr/2023/01/13/libre-journal-des-artisans-du-13-janvier-2023/

Article publié dans la revue Una Voce n°338 de Septembre – Octobre 2022

  1. Maurice Denis (1870-1943) fit suivre en 1922 cet ouvrage de « Nouvelles théories. Sur l’art moderne, sur l’art sacré,1914-1921 »
  2. Peintre, sculpteur et céramiste,elle a réalisé avec Elisabeth Faure de vastes compositions murales, dont « La vie de Sainte Catherine de Sienne » à l’église du Saint Esprit de Paris.
  3. Voir le numéro 336 de la revue UNA VOCE
  4. L’ensemble fut remonté après l’Exposition à Epinay-sur-Seine et consacré sous le vocable de « Notre Dame- des -Missions-du-cygne-d’Enghien en 1932.
  5. Fonds Storez, cité par Hélène Guéné.
  6. Manifeste du Parti de l’Intelligence, 1919.
  7. Alfred Manessier (1911-1993), peintre et vitraillier converti au christianisme en 1943 après un séjour à la Trappe de Soligny, est considéré comme le créateur de la peinture sacrée abstraite dans la lignée de Rouault (1871-1958). La hiérarchie catholique demanda sans succès la dépose des premiers vitraux abstraits réalisés par lui en 1947 pour l’église des Bréseux,( Doubs).
  8. « Cahiers de l’art sacré », numéro 3 après reparution, 3° T 1945.
  9. Interview d’Alfred Manessier sur l’art sacré, 1948.
  10. « Allocution aux artistes italiens », 8 avril 1952

Dom André Bouton, Moine Imagier (1914-1980)

Les manuscrits enluminés par les moines dans les abbayes bénédictines destinés à une riche clientèle royale et seigneuriale ont permis de développer une créativité, un génie inventif en matière d’illustration des textes sacrés, que les moines n’ont pas hésité à mettre dès le Moyen Âge au service de l’édition d’indulgences et d’images gravées sur bois destinées à tous ceux qui ne pouvaient acquérir de luxueuses œuvres d’art.

C’est dans cet art « populaire » qu’excella le moine André Bouton dit « FRAB », passionné de dessin, qui était entré à l’abbaye Saint Paul de Wisques à 20 ans et fut ordonné prêtre à Orléans en 1940, juste avant d’être mobilisé. Ayant été blessé et fait prisonnier, il s’évada de l’hôpital où il était soigné en Belgique et séjourna un an à l’abbaye Saint Pierre de Solesmes. C’est là qu’il commença à publier des chroniques de guerre pour soutenir les moines prisonniers par des récits illustrés de la vie de la Communauté. Après la guerre, il développa à Wisques un atelier de céramique, puis épanouit son talent de graveur dans les ateliers d’art de l’abbaye, réalisant des miniatures et des images peintes à la main et recherchant des techniques de reproduction faciles, ce qui l’amena de la gravure sur bois à la linogravure (technique de gravure en taille d’épargne sur linoléum).

Il quitta Wisques en 1949 pour le Maghreb : en Algérie et au Maroc où il décora des églises avec son frère Jacques, et accompagna la fondation du monastère de Tlemcen sous l’impulsion de Dom Raphaël Walzer (de Beuron, Allemagne). Diplômé de l’École biblique de Jérusalem en 1963, il a réalisé dans cette ville les fresques de la chapelle abbatiale de la Dormition (Bénédictins de Beuron extra congregationes, dépendant directement de la confédération bénédictine). Il poursuivit son apostolat au Vietnam où il a décoré une dizaine d’églises dont les cathédrales de Pusan et de Daejeong. Rapatrié en France (à Wisques) en 1977 alors qu’il se trouvait au Japon, il est décédé à Lille en 1980.

La « Règle de Saint Benoît » illustrée

L’éditeur Goossens, spécialisé dans les beaux livres au sein de sa maison Le Grenier à Sel, souhaitait publier une Règle de Saint Benoît à l’occasion du quatorzième centenaire de la mort de saint Benoît. Ce code monacal vénérable n’avait plus fait l’objet d’une présentation artistique luxueuse depuis les tout premiers incunables de Venise et Paris (XV- XVIe) et l’édition Regula emblematica de 1780 de Melk (Dom Gallner).

Ayant retenu le texte de Dom Calmet (1734), l’éditeur souhaitait que le graveur fût très au fait du sujet : la recherche d’un bénédictin talentueux en linogravure ne pouvait qu’aboutir à Dom Bouton. La maîtrise de sa technique du clair-obscur qui a satisfait l’éditeur peut déconcerter par sa facture très « moderne », tempérée par des lettrines rouges plus classiques. Le texte est présenté en français et latin (le latin en italiques) en caractère « Garamond ». Le coffret est en trois couleurs, gravé d’effigies de saint Benoît et sainte Scholastique dans la manière des estampes populaires que Dom Bouton maîtrisait aussi très bien. Sa facture est très représentative de l’« art sacré » : l’artiste et le religieux au service du Beau.

Image funéraire inspirée de Péguy, Dom Bouton

Bibliographie

« Frab, Frère André Bouton moine et artiste » de Marie Lehy, Michel Rossi, Michel Tillie, Père Vianney Arnauld, Editions de Solesmes 2012, 80 p. 11 euros.
« Un moine imagier : Dom André Bouton : de l’imagerie populaire au livre de luxe » de René Saulnier, in « L’artisan et les arts liturgiques » N°1, XVIIIe année, 1949.

Article publié dans la revue Una Voce n°338 de Septembre – Octobre 2022

La tapisserie de Jean des Prés à la collégiale Saint Martin de Montpezat-de-Quercy

Réalisée au début du XVe siècle à la demande de Jean IV des Prés, seigneur de Montpezat, doyen du chapitre collégial et co-adjuteur de l’évêque de Montauban, elle se présente dans le chœur en une série de cinq panneaux de tapisserie portant ses armes tissées et timbrées de la crosse et de la mitre, qui racontent la vie de Saint Martin.

Un donateur prestigieux pour une petite collégiale à l’ombre des papes

Montpezat de Quercy était à l’époque médiévale une importante seigneurie appartenant à la famille des Prés. Une modeste chapelle dédiée à Saint Martin se dressait au pied du château tandis que l’église principale dédiée à St Just et saint Pasteur se tenait en contrebas du bourg de Montpezat. Le seigneur Pierre des Prés, né en 1280, commença sa carrière dans la magistrature royale après avoir obtenu son doctorat de droit de l’Université de Toulouse1. En 1317, le pape Jean XXII2 lui confia l’instruction du procès d’Hugues Géraud, évêque de Cahors, accusé avec plusieurs complices de tentatives d’envoûtement et de sorcellerie sur les personnes du pape et de certains membres de la Curie avignonnaise. Récompensé par l’évêché de Riez, puis l’archevêché d’Avignon, Pierre des Prés fut créé cardinal de Palestrina en 1323, avant de prendre en charge la diplomatie et les relations extérieures du Saint-Siège jusqu’à sa mort en 1361.

Il n’oublia jamais pour autant son Quercy3 natal qui profita de ses largesses : c’est ainsi qu’il fonda à Montpezat une petite communauté de religieux dans l’église Saint Martin. Le Pape Benoît XII transforma ce petit établissement en collégiale et un descendant de Pierre des Prés, Jean des Prés, en devint doyen en 1502. Il fit don de la tapisserie de Saint Martin à la Collégiale entre 1520 et 1530, alors qu’il venait d’être nommé évêque coadjuteur de Montauban.(1517). La décoration de la cathédrale de Montauban inspira ses commandes pour Montpezat , où fut d’ailleurs transporté le buffet d’orgues lorsqu’il offrit à sa cathédrale de nouvelles orgues, en 1538.

Cette tenture est traditionnellement attribuée aux ateliers flamands, peut-être tournaisiens. Restaurée par la Manufacture des Gobelins entre 1920 et 1927, elle a retrouvé un nouvel éclat après un nettoyage en 2001.

L’histoire de Saint Martin selon Sulpice Sévère

Cinq pièces présentant seize scènes de la vie de Saint Martin sont déployées contre le mur du chœur, et non plus au-dessus des stalles comme c’était le cas jusqu’en 1778. Chacun des épisodes est expliqué par un quatrain en vieux français placé dans une banderole rouge au-dessus de la scène. Ces scènes s’inspirent de la Vita sancti Martini de Sulpice Sévère, ainsi que de certaines variantes du récit du poète latin , la Vie et miracles de Monseigneur Saint Martin de nouvel translaté de latin en français (ouvrageanonyme publié à Tours en 1496, puis à Paris en 1500 et 1516, ainsi que du Mystère de saint Martin d’Andrieu de la Vigne joué en 14964 qui emprunta lui-même à Sulpice Sévère, à Jacques de Voragine et à Pean Gatineau. Sulpice Sévère pourrait être le clerc à bonnet carré tenant un livre sous le bras, présent auprès de Saint Martin dans la majorité des scènes représentées.

Pièce 1

Scène 1 : le partage du manteau : riches couleurs et élégance caractérisent le vêtement de Martin sortant de la ville d’Amiens, ainsi que le harnachement de son cheval. Sa précieuse épée fend le tissu de son manteau, ne lui en donnant que la moitié selon la règle de l’armée qui était propriétaire de l’autre moitié. Un cavalier maure le précède : on retrouve ce personnage dans d’autres scènes de la tapisserie de Montpezat.

Scène 2 : l’apparition en songe du Christ, portant dans ses bras la moitié du manteau et prononçant la phrase inscrite dans un phylactère blanc «  Martinus adhuc catecumenus hac me veste contexit »(«  Martin encore catéchumène m’a couvert de ce manteau »)

Scène 3 : le passage des Alpes « Es alpes depuis larons deux luy feirent quelque arestement, le vueillant rober mais ung de eulx mercy lui pria prestement » (Tandis qu’il traversait les Alpes, deux brigands l’arrêtèrent afin de le voler, mais l’un d’eux lui demanda vite pardon)

Scène 4 : le sacre

Pièce 2

Scène 5 : la destruction d’un temple païen

Scène 6 : le miracle du pin. Comme dans la scène 5, le tapissier a modifié le récit de Sulpice Sévère : Martin, par un signe de croix, éloigna le pin, arbre sacré des païens, destiné à l’écraser, pour qu’il tombât à côté et non sur les païens qui se convertirent au christianisme. Sur cette scène en revanche, les païens sont bien tués par l’effondrement de l’arbre.

Pièce 3 :

Scène 7 : Deuxième destruction d’un temple païen

Scène 8 : les miracles de Trèves : Martin opère de nombreuses guérisons dans cette ville :celle d’une jeune paralytique, et celle du serviteur du consul Tetrardius possédé du démon ,dont un petit diable ailé s’échappe de la bouche au moment où Martin le bénit.

Scène 9 : la guérison du lépreux (au bonnet rouge), scène rapportée par Jacques de Voragine dans La légende dorée. L’église où officie Martin reprend les canons de la Renaissance.

Pièce 4 :

Scène 10 : le diable fait chuter Martin : récit absent des écrits de Sulpice Sévère et de Jacques de Voragine. Le diable est représenté deux fois, l’une où il fait tomber Martin, l’autre à l’arrière-plan alors que des serviteurs le portent vers son lit, sous le regard moqueur d’un singe enchaîné à un billot.

Scène 11 : l’apparition de la Vierge : Martin est soigné par les anges qui entourent la Vierge, élégamment vêtue mais sans voile. « Qui lui fust de nuict aporte par la vierge et mère Marie, dusquel fust oint et conforte dont sa froissure fut guérie » (« qui lui fut apporté la nuit par la Vierge et mère Marie avec lequel il fut oint et sa blessure guérie »).

Scène 12 : l’apparition du diable : elle se situe dans la cellule monacale de Martin, d’après Sulpice Sévère, et non dans un riche palais comme représenté sur cette scène, avec un diable habillé d’or et d’hermine comme un souverain.

Pièce 5

Scène 13 : le miracle du feu, épisode rapporté par Sulpice Sévère dans « Lettre à Eusèbe » : le diable affublé d’ailes de chauve-souris et les pieds fourchus, crache sur la paille où se repose Martin pour l’enflammer, mais l’intervention divine sous forme de rayons de soleil perçant les nuages, sauve le saint des flammes.

Scène 14 : la messe de Saint Martin, l’épisode sans doute le plus célèbre. En route pour célébrer la messe, Martin s’impatiente car son diacre tarde à faire l’aumône au pauvre à l’entrée de l’église : il lui tend alors son manteau pour revêtir lui-même la tunique apportée au miséreux. C’est la « seconde charité » de Martin que des anges parent de lourds bracelets pour cacher la nudité de ses bras. (épisode inventé par la cartonnier) alors qu’une flamme vient du ciel le couronner. Une multitude de détails agrémente la scène : réserve eucharistique suspendue au-dessus de l’autel au moyen d’une crosse terminée par un ange aux ailes déployées, retable orné d’une représentation de Moïse entouré d’anges thuriféraires, coffre à décor de plis de serviette, mitre précieuse, missel à tranche dorée et filetée, antependium orné de quadrilobes.

Scène 15 : les commères. Le message délivré par cette dernière scène est clair : il vaut mieux écouter la messe que bavarder, car le Diable toujours poilu aux ailes de chauve-souris veille et consigne tout sur son parchemin. L’intérieur de l’église représentée est de style Renaissance et on y trouve de nombreux détails : pyxide, crosseron, retable avec Moïse, missel, baldaquin circulaire, burettes d’étain, faldistoire(fauteuil réservé aux évêques), coffre à poignées trilobées.

La Collégiale renferme en outre un trésor témoignant, comme la tapisserie de Jean des Prés,

d’une splendeur passée : baptistère en bois polychrome du XVIe siècle, Vierge aux colombes(années 1340), retable en cinq plaques d’albâtre polychrome réalisé au début XVe siècle par les ateliers de Nottingham, Pietà en grès peint de la fin du XVe siècle, coffret de mariage du XVe siècle, gisants en calcaire peint du cardinal Pierre des Prés et d’un de ses neveux , un autre Jean des Prés, évêque de Coïmbra, et plusieurs tableaux du peintre toulousain Bernard Bénézet(1835-1897).

La tapisserie de Jean des Prés a été classée monument historique dès 1898.

Bibliographie 

«  Montpezat de Quercy, la collégiale Saint Martin » d’Emmanuel MOUREAU, Amis de la collégiale Saint Martin ,2009, Editions Edicausse 46090 ARCAMBAL
« Le trésor de l’église de Montpezat » Chanoine Firmin Galabert, 1918, imprimerie J.Thévenot .

Article publié dans la revue Una Voce n°337 de Mai – Juin 2022

  1. l’Université de Toulouse a été fondée en 1229 par Raymond VII, comte de Toulouse, à la suite du traité de Meaux de 1229 par lequel Raymond VII dut céder au roi de France Louis IX la partie orientale de son territoire( et au Saint-Siège le marquisat de Provence, devenu comtat venaissin). Par ce même traité, était prévu l’entretien pendant dix ans de quatorze professeurs pour l’Université, consacrée « Studium » par le pape Grégoire IX.
  2. Le cadurcien Jacques Duèze.
  3. Quercy : le pays des chênes (quercus).
  4. Secrétaire des ducs de Savoie Amédée, Philippe 1er, Philibert le Beau, et rédacteur pour le roi Charles VIII du « Journal de l’expédition de Naples »(1495)

Les églises consacrées au Cœur Immaculé de Marie à Paris

L’église dite « église espagnole », dans le XVIe arrondissement de Paris, et l’église de Suresnes dans les Hauts-de-Seine n’ont pas été consacrées au Cœur Immaculé de Marie à la même date ni pour les mêmes raisons. L’église espagnole est d’abord liée aux missionnaires clarétains ou « missionnaires du Cœur immaculé de Marie », qui l’administrent encore de nos jours. L’église de Suresnes a été, elle, édifiée et consacrée au Cœur immaculé de Marie en 1907.

La dévotion au Sacré Cœur de Marie remonte vraisemblablement à 1770 quand la fille de Louis XV, Louise de France, entra au Carmel de Saint Denis. Cette dévotion prit un caractère officiel avec la création de l’archiconfrérie de Sacré Cœur de Marie, approuvée en 1838, devenue « Confrérie du Cœur immaculé de Marie » après la proclamation du dogme de l’immaculée Conception en 1854.

La venue à Paris en 1853 du Pape Pie IX, pour le couronnement de la statue de la Vierge à l’Enfant de l’église Notre Dame des Victoires1, lieu de pèlerinage depuis 1836, avait déjà provoqué un regain de dévotion mariale dans la capitale. Le décret de 1807 du Vatican avait confirmé le décret impérial de Napoléon 1er de 1806 instituant la fête du 15 août comme étant celle de la protectrice des Français… et du chef de l’État. Napoléon III rappela en 1852 son caractère national.

L’église dite « espagnole »

Les Carmes déchaussés du couvent de Vaugirard possédaient une chapelle au 22, rue de la Pompe2 et y érigèrent en 1898 en une chapelle de style néo-gothique au 51bis, rue de la Pompe, mais ils en furent chassés en 19013. Transformés brièvement en dispensaire pour enfants tuberculeux de 1907 à 1911, le bâtiment alentour et la chapelle furent transmis à la Communauté espagnole par décision du Roi Alphonse XIII en 1913 afin de pourvoir aux besoins spirituels et cultuels des réfugiés espagnols de Paris, et confiés aux Missionnaires clarétains. La première messe y a fut célébrée le 15 octobre 1914 en la fête de sainte Thérèse d’Avila La paroisse de Passy prit ombrage du succès des missionnaires clarétains qui aurait diminué le casuel de son curé et obtint en 1916 de l’Archevêque de Paris la limitation de ses droits par une ordonnance aux allures d’un Motu proprio4. L’État espagnol en est propriétaire depuis 1921 et a installé dans l’ancien dispensaire une école espagnole en 1980. En accord avec le diocèse de Paris, des messes en français y sont célébrées, et l’œuvre des clarétains (éducation, service d’accueil et d’aide des nouveaux arrivants hispanophones à Paris) s’y poursuit au service des Espagnols et Hispano-américains de Paris.

C’est à l’occasion du trentenaire de la Mission espagnole que le peintre Lucien Jonas réalisa les fresques de la chapelle, seize scènes sur huit panneaux sur la longueur de la nef et dans le chœur décrivant toute l’histoire de la Vierge Marie. Né en 1880, second Prix de Rome en 1905,Lucien Jonas fut agréé « peintre militaire » en 1915, peintre officiel de la Marine en 1916 et peintre de l’Air en 1932, et, accessoirement, dessina des billets pour la Banque de France en 1933.Il décora pas moins de dix églises et peignit vingt-huit chemins de Croix.

La nef compte deux niveaux d’élévation séparés par des fresques latérales réalisées par le peintre Lucien Jonas en 1944 et reprenant les thèmes de la vie de la Vierge. Les vitraux historiés sont pour la plupart dédiés aux saints et saintes d’Espagne.

L’église de Suresnes

L’ornementation intérieure se compose de vingt verrières historiées montrant des scènes de la vie de la Vierge Marie et des scènes de la vie paroissiale à Suresnes, oeuvres du cartonnier Henri Brémond et du peintre verrier Henri Carot réalisées en 1908 et 1909. Les scènes de la vie à Suresnes mettent en valeur deux saints locaux, Saint Leufroy (IXème siècle) et Sainte Marguerite Nezot , qui se dévoua aux malades et aux miséreux et mourut de la peste en 1633.

La prière du Père Antoine-Marie Claret devant le Saint Sacrement

Nous en donnons ici un résumé. C’est un modèle de direction spirituelle. Antoine-Marie invite à se tenir devant le Saint Sacrement pendant un quart d’heure et se mettre à l’écoute des exhortations de Jésus :

Pour Me plaire, il n’est pas nécessaire d’avoir beaucoup d’instruction ; il suffit que tu M’aimes beaucoup. Parle-Moi avec simplicité, comme tu parlerais avec ton ami le plus intime. 
As-tu quelque chose à Me demander pour quelqu’un ?
Et pour toi-même, n’as-tu pas besoin de quelque chose ?
As-tu actuellement un projet ?
Peut-être te sens-tu triste ou de mauvaise humeur ?
Et n’as-tu pas peut-être une joie à Me faire partager ?
Ne voudrais-tu pas Me promettre quelque chose ?
Garde autant que tu le peux silence, modestie, recueillement intérieur et amour du prochain
Aime ma Mère qui est aussi la tienne !
Et reviens de nouveau avec le cœur encore plus rempli d’amour, encore plus abandonné à mon Esprit. Alors tu trouveras chaque jour dans mon Cœur un nouvel amour, de nouveaux bienfaits et de nouvelles consolations.

Bibliographie

Bulletin de la Société historique d’Auteuil et de Passy, tome XXI N° 162 « La décoration de l’église espagnole de la rue de la Pompe »par François Dutemple, et N° 163 « l’Église espagnole de la rue de la Pompe » par Hubert Demory. Site : https://histoire-auteuil-passy.org

« Un patrimoine de lumière, 1800-2000 » Éditions du Patrimoine 2003, 381 p.

Article publié dans la revue Una Voce n°337 de Mai – Juin 2022

  1. Fondée en 1629 par Louis XIII en reconnaissance de toutes les victoires remportées tant sur les « rebelles hérétiques » que sur les ennemis du Royaume. Il en posa la première pierre le 8 décembre 1629, en la fête de la « Sacrée Conception ».
  2. La rue porte ce nom à cause de la présence au XVIIIe siècle d’une pompe alimentant en eau le Château de la Muette.
  3. Ils sont aujourd’hui installés dans le VIe arrondissement, à proximité de l’ancien couvent de Vaugirard. Leur éviction de la rue de la Pompe fut facilitée par le fait que la construction n’aurait pas été déclarée dans les règles.
  4. « Aucune prédication en langue française, à moins d’une permission spéciale de Mgr l’Archevêque, baptêmes réservés aux seules familles ouvrières de langue espagnole, Extrême-Onction, Saint Viatique et mariage sous réserve d’obtenir la permission du curé(plus l’autorisation du diocèse pour le mariage). Seule la Communion et les confessions ne faisaient pas l’objet de restrictions(Ordonnance du 24 octobre 1916, Archives de l’Archevêché de Paris)

George Desvallières

« Le peintre de l’homme de douleurs et de l’héroïsme chrétien »

C’est ainsi que le peintre Maurice Denis qualifia son ami et confrère George Desvallières avec qui il fonda les « Ateliers d’art sacré » en 1919. Surtout connu pour sa peinture aux couleurs fauves de la Grande guerre où il perdit un fils, il a porté à une forme d’incandescence la peinture à caractère religieux qui porte la marque de sa conversion vers 1905 : « J’ai cherché Dieu partout, j’ai longtemps couru après Dieu. »

Un ami médecin de son grand-père, Ernest Legouvé, auteur
dramatique connu pour son « Adrienne Lecouvreur » co-écrit avec
Eugène Scribe, avait assuré à celui-ci « je ne dis pas qu’il sera un grand peintre… mais il ne sera pas autre chose qu’un peintre », alors que George1, né en 1861 à Paris, avait quinze ans. Aussi son grand-père, ami d’artistes de son temps, lui fit-il donner des cours de peinture par Élie Delaunay (1828-1891)2 et lui permit-il d’aménager un atelier dans la maison familiale de la rue Saint-Marc, à Paris.

Les trois « périodes » inspirant la peinture de Desvallières

L’« oncle des Fauves »

À 22 ans, George Desvallières est reçu au Salon pour son « Portrait de jeune fille » et deux ans plus tard pour un « Condottiere » et entreprend la décoration de la salle à manger de la rue Saint-Marc (qui restera inachevée). L’inspiration plus religieuse de sa « Première communion » (tableau détruit), d’une « Tête de Christ » (1888), de « Sainte Marie, rose mystique », vient plutôt du désir de faire plaisir à sa pieuse mère, car il cesse de pratiquer vers l’âge de quinze ans – « je n’y comprends rien ! je n’y comprends rien ! j’étais incapable de comprendre le sacrifice ». Il se lie d’amitié avec Rouault, Matisse et surtout
Gustave Moreau. Vice-Président du Salon d’Automne en 1903, il veut mettre en valeur les talents de ses pairs refusés aux Salons traditionnels : Maurice de Vlaminck, Albert Marquet, Charles Camoin, Henri Manguin. Leur présence et leur peinture (et celle d’Henri Matisse et
de Marc Chagall) toute en teintes vives inspirent au critique Louis Vauxcelles la formule restée célèbre à propos d’un petit buste en marbre très classique : « C’est Donatello chez les fauves ! »

Alors qu’il se cherche, George Desvallières se met à arpenter les rues de Paris, de Londres « n’importe où et partout, c’est le contact avec le monde qui s’amuse, avec la vie nocturne, la pauvreté de tout ça contrastant avec la vie spirituelle, qui m’a réveillé et montré la voie.
Je me suis mis à regarder la vie, tous les spectacles m’intéressaient : le Moulin Rouge, les rues de Paris, Notre-Dame-des-Victoires, ma paroisse, où j’étais souvent dès l’ouverture des portes. (…) à chaque instant le drame humain apparaissait, on entrevoyait des mystères3 ».

La conversion (vers 1905)

Marié depuis 1890 avec Marguerite Lefebvre, George Desvallières est déjà père de famille de trois enfants – Sabine née en 18914, Richard né en 1893 qui deviendra artiste forgeron, Daniel né en 1898 qui mourra au front en 1915 – lorsqu’il entend « de façon particulièrement impérieuse : en voilà assez, tu vas réciter le Credo, à tel endroit, le front sur une pierre ». Il rapporte : « Et j’y suis allé. Je suis entré à Notre-Dame-des-Victoires, dans le premier confessionnal, par hasard. Je me disais : pourvu que ce ne soit pas ce saligaud, ce prêtre qui est si dégoûtant. C’était justement lui et il m’a fait un bien immense. » George Desvallières assure avoir été l’objet d’une grâce par une vision « du divin Enfant, venant à moi les bras tendus, porté par son père adoptif », alors que le prêtre l’avait exhorté à prier saint Joseph. Son épouse Marguerite accompagne et soutient ce retour à la foi.

Dès 1905, il expose au Salon d’Automne un « Christ » et une « Madeleine5 ».
Et c’est son « Sacré-Cœur » qui crée le trouble au Salon des Indépendants. Maurice Denis qualifie ce tableau de « pathétique comme un Grünewald »

Léon Bloy6 qui avait ressenti au Salon d’Automne « fatigue et ennui d’une peinture épouvantable » revient sur ses propos dans une lettre à George Desvallières : « J’ai reçu de votre tableau une forte commotion d’art. Certains malins pourront dire qu’ils trouvent là du Grünewald, de l’Albert Dürer, du Moreau peut-être. N’étant pas un malin, je ne sais voir que du Desvallières, c’est-à-dire rien d’autre que votre âme de chrétien palpitant, de chrétien emporté vers Jésus, précipité à Jésus qui souffre. Je n’avais pas aimé votre Christ du Salon d’Automne,
et je comprends maintenant : c’est celui-là que vous cherchiez. Vous avez fait ce que personne, aujourd’hui, ne saurait faire : un Sacré-Cœur à pleurer et à trembler. (…) le Cœur de Jésus avait besoin d’un peintre, et aucun peintre ne se présentait. »

George Desvallières peint alors avec ferveur « Notre-Seigneur Jésus-Christ flagellé », le « Christ à la Colonne » (acheté par Maurice Denis), l’ « Annonciation » (collection particulière), le « Bon larron »
(musée de Tokyo), la « Fuite en Égypte », la « Sainte Famille » (collection Rouché), le « Sacré-Cœur de la famille » dont deux
personnages ont les traits de sa mère et de sa sœur Sabine dans les années 1910-1914, « L’hommage à la Bienheureuse Jeanne d’Arc », réalisé après un vœu fait en famille pour la guérison obtenue de
son cinquième enfant, Monique, âgée de trois ans (Musée du Luxembourg) et le « Confessionnal » en 1919, allusion sans détours au confessionnal de Notre-Dame-des-Victoires (Musée de Boulogne-Billancourt). Il fait en 1926 sa profession de foi de tertiaire dominicain,
récitant chaque jour le Petit Office de la Vierge, pour lequel il compose une suite d’illustrations en 1947. Il intervient aussi pour la décoration du pavillon pontifical de l’Exposition universelle de 1937.

La Première Guerre mondiale

Engagé en 1915, à cinquante-trois ans, George Desvallières a la douleur de perdre au front son fils Daniel, âgé de dix-sept ans, et vit des heures héroïques dans les Vosges en contribuant avec le 6e BTCA à la percée décisive du Langenfeld, ce qui lui vaut la croix de guerre en 1916. C’est au cours de cette aventure nocturne en territoire ennemi qu’il se
promet de consacrer son art à Dieu s’il en réchappe. « J’ai fermé les yeux. J’ai récité un De profundis pour les pauvres gens qui mouraient. Je n’ai pas pris un croquis, sinon quelques-uns au repos. Je me disais : si j’en reviens, je ne ferai plus que des Saintes Vierges bleues et roses. Un jour, un de mes hommes m’a apporté un drapeau du Sacré-Cœur qu’il avait trouvé, en me disant : le Sacré-Cœur, c’est la victoire. Je ne comprenais pas ce qu’il voulait dire, mais ça m’a travaillé et, après la guerre, j’ai fait comme malgré moi Notre-Seigneur qui met son Cœur au centre d’un drapeau tricolore, au milieu de fils de fer barbelés qui le déchirent. »

Sur le front, à tous les endroits dangereux, il mettait une statue de la Sainte Vierge. Il raconte7 qu’une fois « un petit bonhomme insignifiant a porté des branchages et des fleurs pour la décorer ; les Allemands le voyaient et tiraient sur lui, on lui criait de se cacher ; et lui a très tranquillement continué jusqu’à ce qu’il ait employé tout ce qu’il avait apporté ».

Après la démobilisation, c’est à George Desvallières que sont confiés les cartons des vitraux de l’ossuaire de Douaumont. Le projet de construction d’un édifice destiné à recevoir les ossements des morts des cinquante-deux secteurs de l’ancien champ de bataille de Verdun est lancé dès 1919 et soutenu par Desvallières qui réalise à cette fin une affiche « Projet pour le monument de Douaumont », exposée au Salon des Tuileries et au Pavillon de Marsan. Les travaux commencés en 1920 sous la direction de Léon Azéma, Grand Prix de Rome, aboutissent en 1932 à l’inauguration de l’Ossuaire de Douaumont par Albert Lebrun, Président de la République.

Le chapelain de l’Ossuaire et l’évêque de Verdun, Mgr Ginisty, avaient demandé à l’artiste de fixer en images la pensée chrétienne sur la Grande guerre : pour les six vitraux de droite et de gauche, L’Ascension et la mort du soldat, L’entrée de Jeanne d’Arc à Orléans, Le Calvaire, La rencontre de Notre-Seigneur avec Véronique, et deux autres sujets de son choix, que Desvallières choisira de réaliser plus proches de sa vie de commandant sur le front. La Rédemption et L’Ascension seront traités en tryptiques. Le maître-verrier des Ateliers d’Art sacré, Jean Hébert-Stevens, réalisera quatorze des vitraux et son jeune collaborateur, Alain Rinuy, les vitraux de la crypte (triptyque de la Vierge et des Saints et Saintes de France). Ces vitraux furent tous financés par les familles de soldats tués au front dont Desvallières s’est efforcé de reproduire les traits et portent des dédicaces personnalisées.
Les huit petits vitraux du chœur devaient être des ornements plutôt que des figures. La chapelle ainsi entièrement décorée est inaugurée en 1927.

Les “Ateliers d’art sacré”

C’est en 1919 que George Desvallières fonde avec Maurice Denis les “Ateliers d’art sacré”. Auparavant, il avait rejoint en 1910, aux côtés du même et de Paul-Hippolyte Flandrin la « Société de Saint-Jean » dont il souhaita faire évoluer les buts : « Façonner des artistes qui sachent parler à l’indifférent qui passe, comme nos ancêtres savaient parler à leurs contemporains dans les histoires sacrées qu’ils leur contaient tout au long des murailles de la cathédrale. Mais la foi n’existe plus, me dit-on. Soyons assurés surtout que l’intelligence est basse. (…) il nous faut créer une mentalité qui fasse jaillir la foi. Nous ne saurions y atteindre que par le développement parallèle de notre intelligence de chrétien et de notre science d’artiste, les cours de plastique se complétant de cours de science religieuse. Dieu nous demande un effort pour se montrer à nous. Cette école française, placée sous la protection de Notre-Dame, veut donner aux artistes l’occasion de faire cet effort. À Dieu de faire le reste8. »
À la veille de la Première Guerre mondiale, il persiste et signe : « Une ambiance de beauté, de noblesse, même si l’on n’est pas apte à la comprendre, laisse le champ libre à l’âme pour s’élever à Dieu. » « La peinture religieuse ne peut exister qu’en s’appuyant sur la nature, en arrachant au corps humain, à la figure humaine, sa ressemblance avec Dieu. »

Rien ne rapprochait au départ George Desvallières et Maurice Denis dont le premier contact fut peu cordial. D’origine sociale très différente, ils sont réunis par une commande commune, celle de Jacques Rouché, directeur de l’Opéra de Paris, pour son hôtel particulier rue d’Offémont. Auparavant, Denis avait qualifié le panneau décoratif Aeternum transvertere exposé par Desvallières à la Société nationale des Beaux-Arts de « triste romantisme9 ». Le critique d’art et cousin de Desvallières, Roger Vallery-Radot, a bien résumé leur complémentarité : « À l’un a été donné la grâce de chanter les Mystères joyeux, à l’autre les mystères douloureux10. » Leur programme, en fondant les Ateliers, était bien de « faire se rencontrer les réalités de la vie religieuse et celles de l’art », de porter par les œuvres « à l’homme moderne qui se cherche, équipé de si effroyables moyens de jouir et de souffrir, de s’accomplir et de se détruire, un supplément d’âme. Nous l’avons, ce supplément d’âme, c’est notre foi, ce sont les dons de l’Esprit, les Béatitudes ! ».
Cette démarche audacieuse trouvera des adeptes dans une mouvance d’artistes, de verriers et de mosaïstes de l’époque et intéressera le clergé. La revue L’Art sacré fondée en 1935 rendra compte durant plusieurs décennies des débats autour de la notion même d’« art sacré ».
Desvallières tient bon : « Je comprends très bien que ma peinture puisse déplaire. Sa place serait peut-être dans une chapelle, de côté, où elle attirerait le visiteur et lui prêcherait à sa façon », ajoutant plus tard avec humilité : « Des gens nous ont dit à Denis et à moi que nous allions être condamnés par Rome. Cela m’a bien étonné. Mais si c’était arrivé, cela nous aurait seulement appris que nous nous trompions et nous nous serions inclinés tout simplement8. »

Les églises

« Je voudrais qu’on fasse quelque part, dans un endroit très fréquenté de Paris, près de théâtres, de music-halls, de bars, une église qui serait décorée tout autour par un grand chemin de Croix en vitraux. La nuit, on l’éclairerait du dedans. Il faut provoquer la rencontre des gens au plus fort de leur noce, dans leurs moments de dépression, de dégoût, avec Notre-Seigneur souffrant11. »
George Desvallières s’est donc efforcé de mettre ses convictions et son art au service de créations tout au long de sa vie : les églises de Sainte-Barbe de Wittenheim en Alsace (Chemin de Croix) en 1930, Saint-Jean de Pawtucket (Rhode Island, États-Unis) en 1926 avec un format 4 x 5m, la chapelle de la Cité du Souvenir à Paris en 1931, la cathédrale d’Arras (Nativité et Résurrection) en 1939-1942, l’église de Seine-Port (« In memoriam », 1916), Verneuil-sur-Avre ( Le drapeau du Sacré-Cœur, 1918, et l’église du Saint-Esprit à Paris (1934-1936).
Jacques Rouché rencontré peu de temps après leur démobilisation lui commanda la décoration de la chapelle de son château de Saint-Privat (Gard), dont un des panneaux, transporté aux États-Unis et exposé en 1923 au Carnegie Institute de Pittsburgh (Pennsylvanie) fut qualifié par le New York Times de « la plus saisissante des toiles françaises, qui fait que les autres semblent très loin de l’âme de l’art ».

Claude-Roger Marx résume de cette formule pertinente l’empreinte décisive qu’a laissée George Desvallières dans la peinture religieuse : « Son génie a consisté à faire coïncider le conflit du provisoire et de l’éternel avec le conflit pictural12. » Desvallières lui-même a bien précisé ce qui guidait son pinceau : « Si peu que l’esprit s’élève vraiment vers le sacré, toute l’âme s’apaise et fait silence. Les disputes d’aujourd’hui à propos du sacré attestent d’un désarroi profane des esprits. »

Article publié dans la revue Una Voce n°336 de Mars – Avril 2022

  1. « George » écrit sans « s » en référence aux origines écossaises de sa mère.
  2. Disciple d’Ingres, Prix de Rome en 1856, auteur de décors à l’Opéra de Paris, à l’Hôtel de ville de Paris, au Conseil d’État et au Panthéon.
  3. Cité par Pie Régamey « Desvallières au Saulchoir », 1933. Desvallières, tertiaire dominicain, avait été invité au Saulchoir en mars 1933 pour la fête de saint Thomas d’Aquin, et il y donna une conférence, rapportée par Pie Régamey.
  4. Elle prit le voile au couvent des Clarisses de Mazamet en 1926 mais, atteinte de tuberculose, décéda en 1935.
  5. Ces tableaux se trouvent actuellement au musée Ohara de Kurashiki (Japon).
  6. George Desvallières qui le fréquenta ensuite disait à son sujet : « Il n’entendait absolument rien à l’art. Ce qu’il y avait de beau en lui, c’était sa foi, son sens très fort de ce que doit être un chrétien. »
  7. Albert Garreau « George Desvallières », Les Amis de Saint François, 1942.
  8. Pie Régamey, op.cit.
  9. Desvallières lui-même le jugeait « assez médiocre d’ailleurs ».
  10. Roger Vallery-Radot, « George Desvallières, peintre de l’Incarnation » in La revue des jeunes, 1928.
  11. Françoise Caussé, Les artistes, l’art et la religion en France : les débats suscités par la revue « L’Art sacré », thèse de doctorat Bordeaux III, 1999.
  12. Claude-Roger Marx, « Hommage à Desvallières » in L’Art Sacré, n° 29, mai 1938.

Le Jugement Dernier de la chapelle des Scrovegni de Padoue

Moins connue que la Sixtine, la chapelle des Scrovegni n’est pas moins admirable. Chef-d’œuvre de Giotto, la série de ses fresques la mieux conservée y mène le visiteur, sous un ciel étoilé, de la vie de la Vierge et du Christ jusqu’au Jugement dernier.

De la Nativité de Marie à celle de Jésus, jusqu’à la Résurrection puis la Pentecôte, les fresques de Giotto déroulent sous une voûte bleu ciel trente-huit panneaux décrivant la vie de la Vierge et du Christ, au-dessus de soubassements représentant les vices et les vertus. C’est la famille Scrovegni de Padoue qui consacra à la Vierge cette chapelle dénommée « Arena », du nom de la place où s’élevait dans l’Antiquité l’amphithéâtre romain.

Giotto au service des Scrovegni

Quand il entreprend ce grand ensemble à Padoue en 1305, Giotto di Bondone (1266-1337), élève de Cimabue, a déjà réalisé la mosaïque de la Navicella1 à Saint-Pierre de Rome et la loggia du palais de Latran à la demande du pape Boniface VIII, ainsi que les fresques de la basilique supérieure d’Assise. Son talent est reconnu, au point que Robert d’Anjou l’appelle à Naples où il peint une galerie d’Hommes illustres (disparue) et devient en 1332 peintre officiel de la Cour et maître d’œuvre pour le palais royal. Rentré à Florence, il termine le retable de la Maesta dans l’église d’Ognissanti et se voit confier la direction de tous les travaux d’architecture, spécialement le Dôme qui sera terminé après sa mort par Andrea Pisano et Francesco Talenti. Il travaille aussi à Rimini, au Crucifix du temple Malatesta. Il termine la chapelle de l’Arena par un Crucifix en 1317 et réalise au palais de la Raison de Padoue un programme de fresques à thème astrologique. Avant sa mort en 1337, il venait d’entrer au service des Visconti.

Enrico Scrovegni (mort en 1336), banquier et prêteur, a fait ériger cette chapelle pour le rachat de l’âme de son père Reginaldo, usurier notoire.
À l’époque, l’absolution de ce péché et l’évitement des peines de l’Enfer étaient subordonnées à la restitution symbolique des gains générés par l’usure : aussi Enrico appela-t-il à cette fin le meilleur artiste peintre de l’époque. En outre, il cherchait probablement la compétition avec ses voisins de la chapelle des Augustiniens (aujourd’hui musée dei Eremitani) qui d’ailleurs s’opposèrent à une partie des travaux2. Il était membre d’une confrérie, les Cavalieri Gaudenti, dont le devoir était la lutte contre l’usure sous l’égide de la Vierge. Son intention était sans doute aussi d’aménager cet édifice en chapelle funéraire, comme le suggèrent aux archéologues la présence d’une voûte à tonneaux simulant un ciel étoilé qui rappelle les monuments paléochrétiens de Ravenne.

La fresque du Jugement Dernier

Elle s’étend sur toute la contre-façade et constitue le point d’arrivée de la symbolique du chemin parcouru depuis l’entrée dans la chapelle : la vie de la Vierge, la vie du Christ, dominant les soubassements consacrés aux vertus et aux vices.
La partie antérieure était prévue pour les fidèles et la partie située entre les autels et l’arc de triomphe était réservée à la famille Scrovegni.

En entrant l’œil du visiteur est d’abord attiré par l’Annonciation : la mission de l’Annonce à Marie est représentée dans des dimensions inhabituelles, les deux personnages agenouillés, l’un en adoration, l’autre en acceptation. L’ensemble de la séquence narrative peinte par Giotto est agencé de telle façon que le regard doit monter et descendre au moins trois fois avant de s’arrêter devant l’autel, après avoir bien considéré les itinéraires des soubassements qui conduisent, en un crescendo culminant, vers à gauche le Désespoir pendu qui se balance jusqu’à l’Enfer, à droite l’Espérance qui prend son envol. Le couple Justice/Injustice est au centre, à michemin de la nef, ce qui est voulu. Les deux allégories monumentales sont entourées de petites scènes montrant, d’un côté, le déroulement serein d’une vie gouvernée par la Justice, de l’autre la brutalité et les dérèglements provoqués par l’Injustice. Suivent les couples Foi/Infidélité, Espérance/Désespoir, Charité /Envie, Tempérance/Colère, Prudence/Sottise, Force/Inconstance. Cet aspect cultivé et complexe n’avait pas échappé à Pétrarque : « Cuis pulchritudinem ignorantes non intelligent, magistri autem stupent » (« Les ignorants ne comprennent pas sa beauté, en revanche les maîtres en sont émerveillés ») et c’est de ce schéma que partira Dante pour décrire l’itinéraire qui mène au Paradis.

Quoi qu’il en soit, le visiteur est interpellé et c’est le but de ce parcours esthétique et mental qui amène à considérer le Jugement dernier.
Il présente le Christ soutenu par les symboles des quatre évangélistes, entouré d’une nuée peuplée de chérubins et de séraphins, qui appelle, de sa main droite tournée vers le bas, la cohorte des Saints et des Bienheureux guidés par Marie, et la cohorte du Peuple de Dieu et l’Église guidée par les anges. Le niveau supérieur de la fresque met en valeur, à gauche, la Résurrection et l’Exaltation de la Croix, les anges en rangs serrés et ordonnés, les apôtres, puis tout en haut les anges enroulant la voûte céleste qui symbolise les cieux nouveaux et la terre nouvelle.
À droite est décrit l’Enfer peuplé de démons et de damnés, répartis en trois vices capitaux : l’avarice, la luxure et l’orgueil, et subissant les pires sévices dans une grande confusion de couleurs assourdies. Proche de la Résurrection, donc en un lieu « stratégique » de la fresque, est représenté le don de la maquette de la chapelle par Enrico Scrovegni accompagné d’Altegrado de’ Cattanei, archiprêtre de la cathédrale de Padoue.

Les références de Giotto : les Écritures et les écrits de son époque

Les sources iconographiques puisent dans l’Évangile de saint Matthieu (XXV ), l’Apocalypse de saint Jean et d’autres textes qui constituaient des références à l’époque : le « Libro delle Tre Scritture » du poète milanais Bonvesin della Riva (1240-1315), « De Babilonia civitate infernali » rédigé en langue vernaculaire de Vérone par le Franciscain Giacomo da Verona (né vers 1255), « La vision de Tondal » dans laquelle le frère Marcus relate en 1149 la vision d’un chevalier irlandais, « Le purgatoire de saint Patrice », une sorte de « légende » mise en forme par un moine cistercien anonyme à la fin du XIIe siècle : le Christ, apparu à l’évangélisateur de l’Irlande, lui aurait donné à voir par un trou dans le sol de l’île de Lough Derg les tortures des damnés et les joies des élus… à condition d’y passer la nuit3 !

Les évangiles apocryphes (protévangile de Jacques, pseudo-évangile de Matthieu), les « Meditationes vitae Christi » du pseudo Bonaventure (vers 1300), la « Legenda aurea » de Jacques de Voragine (vers 1260), le « Hortus deliciarum » de l’abbesse du Mont-Sainte-Odile Herrade de Landsberg (vers 1170)4 furent les inspirateurs majeurs de Giotto pour les trente-huit fresques de la vie de la Vierge et de celle du Christ. Il faut y ajouter les poètes latins Ovide (« Metamorphoseon libri », Ier siècle), et Prudence (« Psychomachia », IVe siècle), Cicéron (« De officiis », 44 av. JC), Sénèque (« De ira », Ier siècle) pour la mise en scène des vices et des vertus.

La conservation et les restaurations de la chapelle des Scrovegni

Entre deux expertises pessimistes sur l’état de conservation des fresques (celle de Ruhmor en 1827 et celle de Selvatico en 1836), le portique adossé à la chapelle s’écroula et l’édifice attenant fut démoli « à cause d’un vieillissement auquel on n’apporta point de remède ». Les restaurations entamées en 1871 furent sujet de polémiques : Guglielmo Botti fut écarté pour avoir utilisé des clous de fer, et non des clous de cuivre ou de laiton pour la restauration de l’oratoire de San Giorgio de Padoue, et fut remplacé par Antonio Bertolli, le restaurateur de la « Chambre des époux » de Mantegna. Bertolli détacha les scènes les plus détériorées pour les appliquer sur un nouveau support en cuivre et les remettre en place après avoir ménagé un vide à l’arrière pour éviter tout contact entre la fresque détachée et le mur humide.

Au XXe siècle, on aménagea les abords de la place de l’Arena pour limiter l’humidité remontant des nappes phréatiques du sous-sol de la ville et on remédia aux débordements d’eaux pluviales, ainsi que plus récemment aux infiltrations permanentes de poussière très nocive pour la surface des fresques. Deux tremblements de terre affectèrent la ville, en 1936 (il frappa l’église des Eremitani et le chapelle des Ovetari, mais pas la chapelle des Scrovegni) et en 1976. Depuis 1965 la restauration des monuments en Italie est menée par des équipes pluridisciplinaires, gage d’une meilleure prise en compte de toutes les techniques et des particularités de leur environnement.

Leon Battista Alberti (1404-1472), un des grands humanistes du Quattrocento, a assuré que Giotto avait réussi à mettre au point, même sans les codifier par écrit, des normes capables de donner à la peinture des fondements analogues à ceux de l’art oratoire.

Bibliographie

  • « Giotto,la chapelle des Scrovegni » sous la direction de Giuseppe Basile, Gallimard-Electa, 1993, 388 p., épuisé.
  • « La chapelle des Scrovegni à Padoue », Guides Skira, 85 p., 12 euros.
  • « Descrizione delle pitture, sculture, ed architetture di Padova » Giovambattista Rossetti, 1765.

Article publié dans la revue Una Voce n°335 de Janvier – Février 2022



  1. Elle représente l’épisode du lac de Tibériade et se trouve actuellement dans le vestibule de la basilique Saint-Pierre.
  2. Les travaux n’auraient pas respecté les normes de concession établies par l’évêque qui avait vendu le terrain à Enrico Scrovegni.
  3. Il a donné son nom à un puits creusé à Orvieto en 1527 à la demande du pape Clément VII qui avait trouvé refuge à Rome pendant le sac de Rome par Charles Quint en 1527 et voulait assurer l’approvisionnement en eau de la ville en cas de siège.
  4. Ce codex de 330 folios fut détruit lors du bombardement de la cathédrale de Strasbourg en août 1870. Il a pu être redessiné car une grande partie des textes et dessins avait été copiée et il a été republié à Strasbourg en 1978.

Louis-Marie Grignion de Montfort

Le coureur de fond de l’Évangile

L’assassinat récent du prieur des Montfortains de Saint-Laurent-sur-Sèvre en Vendée nous invite à tourner nos regards vers ce haut lieu de la spiritualité catholique, fondé au début du XVIIIe siècle par saint Louis-Marie Grignion, un demi-siècle avant la Révolution et la constitution de l’Armée catholique et royale.

« L’aventurier » des chemins de France

Aîné d’une famille de dix-huit enfants, Louis, qui a ajouté à son prénom celui de Marie en se plaçant sous la protection de la Sainte Vierge, a effectué des études chez les Jésuites de Rennes puis au séminaire Saint-Sulpice à Paris. Tant ses compagnons que ses maîtres ont noté la fougue et le caractère entier du jeune prêtre qui refusa toutes les compromissions pour vivre au plus près les exigences évangéliques et heurta plus d’une fois l’esprit du monde et le conformisme de ses pairs1. La révélation de sa véritable vocation se fit dès sa première affectation à Nantes, où il prêcha et enseigna le catéchisme. Pour ses missions d’évangélisation des campagnes, à la rencontre des plus déshérités, il aurait parcouru des milliers de kilomètres à pied dans l’ouest de la France, armé de son bâton et d’une bourse qu’il déliait pour les miséreux rencontrés en chemin, chantant des cantiques, dont certains de son cru, pour se donner du courage.

« C’en est fait, je cours par le monde, J’ai pris une humeur vagabonde, Pour sauver mon pauvre prochain2. »

Aux pieds du pape Clément XI, à Rome où il se rendit à pied en 1706, il exposa son projet : « Rejoindre une petite et pauvre compagnie de bons prêtres qui, sous l’étendard et la protection de la Très Sainte Vierge, aillent de paroisse en paroisse faire le catéchisme aux pauvres paysans, aux dépens de la seule Providence. » Clément XI lui donna « la chrétienté entière » comme champ d’action, et Louis-Marie se remit en route vers l’ouest de la France, fondant des « missions », érigeant des calvaires, armé de son chapelet, tout entier dédié à la sainte Vierge.

L’héritage de Louis-Marie

Louis-Marie de Montfort a réalisé une belle synthèse personnelle et spirituelle, ayant assimilé tout l’héritage de l’École française, selon la formule de Georges Rigault3 :

« Exécuteur testamentaire des saints français du XVIIe siècle, c’est par lui que leur legs viendra intact à la masse des âmes pieuses. » Il a ainsi rendu accessibles et quasiment vulgarisé les œuvres de Jean Eudes, Bérulle, Olier, des scolastiques, de saint Bonaventure et de saint Bernard. Il a eu à cœur de diffuser auprès des foules la dévotion mariale dont il vivait lui-même, entraînant ses frères vers Jésus, par Marie.

Il lui fut attribué dans le passé la paternité de la Vendée de 1793. Les fondateurs de l’Armée catholique et royale ont pu être inspirés par cette harangue : « Au feu, au feu, au feu ! À l’aide, à l’aide, à l’aide ! Au feu dans la Maison de Dieu, au feu dans les âmes, au feu jusque dans le sanctuaire ! À l’aide de notre frère qu’on assassine ! À l’aide de nos enfants qu’on égorge ! À l’aide de notre bon père qu’on poignarde ! Il faut que nous fassions, sous l’étendard de la Croix, une armée bien rangée en bataille et bien réglée pour attaquer de concert les ennemis de Dieu4. »

Dès 1703, avec la prise d’habit de la fille d’un magistrat en vue de Poitiers, Ma- rie-Louise Trichet, il ébauche la congrégation des Filles de la Sagesse, au service des malades et des pauvres. Bien plus tard, avec l’encyclique Ad diem illum du 2 février 1904, le pape saint Pie X promut la vraie dévotion à Marie dans l’esprit de Louis-Marie Grignion de Montfort.

Saint-Laurent-sur-Sèvre fut sa dernière mission. Le 28 avril 1716, eurent simultanément lieu la cérémonie d’érection de la croix de mission et les funérailles du missionnaire, en présence de près de dix mille personnes.

Souvenons-nous enfin de sa prophétie toujours actuelle dans Le Traité de la vraie dévotion à la Vierge Marie5 : « Oui, le diable, sachant qu’il a peu de temps pour perdre les âmes, suscitera bientôt de cruelles persécutions et mettra de terribles embûches aux serviteurs fidèles et aux vrais enfants de Marie, qu’il a plus de peine à surmonter que les autres. »

Bibliographie succincte

  • « Un prophète de l’espérance, Saint Louis-Marie Grignion de Montfort » de Marie-Claire et François Gousseau, Pierre Téqui, 1996.
  • « Grignion de Montfort, un aventurier de l’Évangile » de Louis Perouas, Éditions ouvrières, 1990.
  • « Grignion de Montfort et la Vendée », Louis Perouas, Cerf, 1989.
  • « La vie de M. Louis-Marie Grignion de Montfort, missionnaire apostolique », R.P. Picot de Clorivière, Rennes, 1785.

Article publié dans la revue Una Voce n°335 de Janvier – Février 2022



  1. Jusqu’à être victime en 1711 à La Rochelle d’une tentative d’assassinat, puis d’empoisonnement qui altéra durablement sa santé.
  2. Lettre pastorale, 1924.
  3. « Les œuvres du Bienheureux de Montfort, poète mystique et populaire », R.P. Fradet, Pont-château 1930.
  4. In « Saint Louis -Marie Grignion de Montfort », Georges Rigault, 1930.
  5. In « Prière embrasée », Préface à la Règle.

Le trésor de San Gennaro

« Sanguis martyrum semen christianorum » (le sang des martyrs est semence de chrétiens) San Gennaro (saint Janvier en français) de Naples ne fait pas mentir cette sentence de Tertullien (160-220). Condamné à divers supplices qui n’eurent pas raison de lui, il fut finalement décapité sous Dioclétien le 19 septembre 305.
La chapelle érigée au XVIe siècle pour abriter ses reliques, adjacente à la cathédrale de Naples, abrite un trésor exceptionnel par sa richesse et sa qualité, constitué au fil des siècles par de nom
breux bienfaiteurs.

La Chancellerie de Loches vient d’accueillir une partie de ce trésor qui a été très peu exposé hors d’Italie. Il comprend vingt-et-un mille pièces d’orfèvrerie, ce qui en fait l’un des plus riches au monde, surpassant celui de la Couronne d’Angleterre et des tsars de Russie. Le buste-reliquaire lui-même, pièce maîtresse du trésor, commandé en 1304 par Charles II d’Anjou à un orfèvre français pour célébrer le millénaire de la mort du Saint ne peut quitter Naples puisqu’il contient les reliques de la tête du Saint. C’est une réplique réalisée en 2014 qui est exposée.

Le miracle de San Gennaro

Le lendemain de la mort par décapitation de l’évêque de Bénévent, la pieuse Eusebia recueillit son sang dans deux ampoules. Et aujourd’hui encore, trois fois par an1, le sang de ces ampoules passe de l’état solide à l’état liquide. L’année sera favorable si la liquéfaction se produit rapidement. Si elle tarde à venir, c’est un mauvais présage. Alexandre Dumas témoigna en son temps que « la ferveur était telle qu’il faut d’ordinaire quatorze à quinze heures pour accomplir le trajet d’un kilomètre » vers le chœur de la cathédrale. [pour assister à l’événement].

Ainsi, par simple reconnaissance, par souci d’être bien accueilli par les Napolitains ou parfois par pure superstition, chaque roi, Prince, grande famille ou simple citoyen offrait un cadeau à San Gennaro. Au début du XXe siècle, la reine Marie-José de Savoie fut interpellée vivement par le curé de la cathédrale alors qu’elle se recueillait devant le reliquaire sans avoir porté de cadeau à San Gennaro : elle ôta immédiatement de son doigt la bague qu’elle portait ce jour -là pour la lui remettre, avant de faire don plus tard, avec son époux Umberto, d’un ciboire en or, corail et malachite réalisé par les orfèvres de Torre del Greco2 qui travaillaient pour la Cour d’Italie.

La France et Naples

Les liens étroits entre la France et Naples expliquent le bref voyage à Loches de cette partie du trésor en 2021. Tantôt conquise, tantôt convoitée, Naples a été le rêve de nombre de souverains français. Les Normands ont fondé en 1130 le royaume de Sicile dont Naples fait partie. Un siècle plus tard, Charles d’Anjou, frère de Louis IX, est appelé par le pape pour reprendre le trône de Naples : ainsi débute un règne angevin de près de deux cents ans sur Naples (1266-1442). En 1282, le royaume de Naples et le royaume de Sicile sont séparés, mais la famille d’Anjou conserve le royaume de Naples. Chassée par le roi de Sicile, elle confie à Charles VIII de Valois la reconquête de la ville et les guerres d’Italie débutent, sans que les rois Louis XII ni François 1er puissent reprendre le royaume. La Couronne d’Aragon et les Habsbourg s’y succèdent, puis les Bourbons Sicile3 qui doivent laisser la place à la « République parthénopéenne4 »française en 1799. Transformée en royaume de Naples par Napoléon qui installe sur le trône son frère Joseph Bonaparte (1806) puis son beau-frère Joachim Murat (1808-1815), la ville vit la fin de la présence pluricentenaire de la France avec la condamnation à mort de Joachim Murat en 1815.

Les œuvres majeures du trésor de San Gennaro

Tobie, Sainte Irène, Saint Roch, Sainte Marie-Madeleine pénitente

Ces quatre statues monumentales ont été réalisées au XVIIIe siècle en argent fondu, repoussé et ciselé, et en cuivre doré par des artistes italiens (orfèvres et sculpteurs).

Tobie apparaît avec l’ange Raphaël, un des nombreux saints patrons de Naples désigné en 1792.

Sainte Irène, elle aussi patronne de la ville après son martyre sous Dioclétien en 304, est censée la protéger des orages et de la foudre, bloquant de sa main droite des éclairs en cuivre et veillant sur le plan en relief de Naples de sa main gauche.

Saint Roch, saint français du Languedoc auquel plus de deux cents paroisses sont dédiées en Italie (sous le vocable de San Rocco), est une statue plus tardive réalisée au XIXe siècle dans la pure tradition des artistes napolitains de l’époque baroque.

Sainte Marie-Madeleine pénitente, à l’expression triste et méditative, a été sculptée par Giuseppe Sanmartino et fondue en argent et bronze doré par Filippo del Giudice, orfèvre officiel de la Députation. Elle est entrée dans le trésor en 1757.

L’ostensoir de Murat

Murat offrit cet ostensoir dès son arrivée en 1808 avec le désir de se démarquer des troupes napoléoniennes qui l’avaient précédé en 1799 en commettant de nombreux pillages. Murat introduisit à Naples le code Napoléon, abolit la féodalité, fonda des écoles et décida d’honorer San Gennaro en faisant frapper une médaille d’or en l’honneur de la Députation. Réservée à ses membres, elle arborait la dédicace « del glorioso San Gennaro in mezzo alle palme del martirio5 ».

Vase de fleurs

Typique de l’orfèvrerie napolitaine à l’époque baroque, ce vase était destiné à remplacer les compositions de fleurs fraîches vite fanées sous le climat napolitain. On y voit deux angelots soutenant la mitre de San Gennaro, et les deux anses figurent la sirène Parthénope qui aurait fondé la ville. Le sculpteur Gennaro Monte était un des artistes officiels de la Députation.

Ces pièces du trésor de San Gennaro sont rentrées à Naples début octobre, et pour de longues années.

Article à paraître dans la revue Una Voce n°334 de Novembre – Décembre 2021

  1. En mai (avec une procession), le 19 septembre et le 16 décembre.
  2. Ville proche de Naples réputée pour sa production d’objets en corail(local) et de camées.
  3. Naples leur doit le Teatro San Carlo (1737)
  4. L’éphémère République parthénopéenne (du nom de la sirène Parthénope échouée dans la baie de Naples à l’emplacement où fut érigée une nouvelle ville, Nea Polis) fut créée par le Directoire afin de substituer au régime des Bourbons un régime favorable à la France révolutionnaire. L’aristocratie napolitaine signa avec Championnet en janvier 1799 une convention que refusa le peuple et Championnet s’empara de la ville que la Cour quitta pour Palerme. La République parthénopéenne fut créée avec le concours des libéraux et des « patriotes » sur le modèle français. Le cardinal Ruffo et Fra Diavolo, débarqués de la flotte de Nelson, reprirent la ville en juin 1799, prélude au retour à Naples du roi Ferdinand IV des Deux Siciles en juillet 1799.
  5. Murat ne fut sans doute pas assez grand donateur, car sa fin fut tragique après son rappel par Napoléon en 1812 sur le front russe et sa vaine tentative de retrouver après Waterloo son royaume de Naples. Arrêté alors qu’il tentait d’accoster en Calabre, venant de Corse où il s’était réfugié après Waterloo, il montra un grand courage lors de son exécution, refusant d’avoir les yeux bandés «  j’ai vu la mort d’assez près pour ne pas la craindre ».

Notre Dame de Bonsecours de Nancy, sanctuaire et mausolée royal

Le roi de Pologne Stanislas Leszczynski, qui reçut en 1737 de son beau-père le roi de France Louis XV les duchés de Lorraine et de Bar, a embelli la basilique Notre Dame de Bonsecours, pour y pratiquer sa religion comme il le faisait en Pologne et y être inhumé auprès de la duchesse Catherine Opalinska son épouse.

Un sanctuaire lié à l’histoire de la Lorraine

C’est le duc de Lorraine René II qui fit édifier en 1480 une modeste chapelle en commémoration des morts de la bataille de Nancy de janvier 1477. Entré en vainqueur dans Nancy qu’il venait de délivrer, mettant ainsi fin aux ambitions du duc de Bourgogne Charles le Téméraire, René II voulut rendre hommage aux nombreux morts côté ennemi, entassés dans une fosse commune proche de l’étang Saint Jean pris dans les glaces1. Il commanda à Mansuy Gauvain2 la statue de Notre Dame de Bonsecours, plus connue sous le nom de « Vierge au manteau », enveloppant les saints dans son manteau déployé.

Le duc Charles IV fit agrandir en 1629 la chapelle qui devient abside d’un nouveau sanctuaire et y adjoignit un couvent de Minimes. La cession des duchés de Lorraine et de

Bar3 à la France par le traité de 1737 signé entre Charles VI de Habsbourg et Louis XV fait de Stanislas Leszczynski son beau-père le dernier duc de Lorraine, le duché devant revenir à la France à la mort de ce dernier. C’est l’époque de l’embellissement de Notre Dame de Bonsecours, aperçue régulièrement par Stanislas depuis son carrosse sur son trajet entre le château de la Malgrange, sa résidence à Nancy, et le château de Lunéville, sa résidence d’été.

L’église à la hauteur des ambitions et de la piété du Roi de Pologne

Toutefois, la nouvelle église ne fut au début pas du goût des Lorrains, attachés à la modeste chapelle comme souvenir de leur glorieux passé de vainqueurs de Charles le Téméraire. Mais la piété de leur nouveau Duc, et ses choix artistiques l’emportèrent ; la première pierre fut posée en août 1738 par Emmanuel Héré, architecte du nouvel ensemble architectural voulu par Stanislas pour réunir la ville médiévale et la ville neuve par les deux places royale (aujourd’hui place Stanislas) et de la Carrière. L’édifice fut consacré en 1741 par l’évêque de Toul4. La translation canonique de l’abbaye de Bouxières-aux-Dames amena de nouveaux aménagements, dont la prolongation des stalles des chanoinesses au-delà du maître-autel.

L’église présente une architecture française classique, et une riche décoration intérieure de style baroque italianisant. Les quatre colonnes d’ordre composite de la façade proviennent du château de La Malgrange, ancienne résidence nancéienne du duc Léopold (également réaménagée pour Stanislas par Héré). Une seule nef haute aux voûtes en plein cintre conduit aux deux autels latéraux dédiés à saint Stanislas et sainte Catherine d’Alexandrie, patrons du roi et de la Reine de Pologne. Le mobilier en bois (confessionnaux et stalles) a été réalisé au XIXème siècle, ainsi que les verrières du chœur, don de Napoléon III à la demande de l’impératrice Eugénie. Les murs sont couverts d’un revêtement de stuc coloré à l’apparence de marbre et d’un arc triomphal tendu de fausses draperies. Les frises de la nef chantent la gloire de Marie tandis que la voûte de la nef peinte en 1742 par Joseph Gilles, dit le Provençal, évoque l’Immaculée Conception, l’Annonciation et l’Assomption, une composition proche de la voûte de la chapelle royale de Versailles peinte par Coypel. Elle s’en démarque toutefois pour aboutir à une œuvre composite, caractéristique de ce que l’on appellera plus tard le « baroque lorrain ». Cette esthétique est aussi celle de la niche qui sert d’écrin à la Vierge au manteau de René II, au fond de l’abside.
Les drapeaux turcs au-dessus de l’entrée furent capturés par les ducs Charles V (1664), Charles-François de Lorraine (1687) et François III (1738).
Le buffet d’orgues réalisé en 1858 par Cuvillier a été déposé en 1989. C’est un orgue construit en 1954 par Victor Gonzalez pour l’église Saint Louis de Vincennes mais inachevé, qui a été installé de manière invisible dans deux niches derrière la tribune de l’ancien orgue. Terminé par la Manufacture vosgienne de grandes orgues de Rambervillers Il a été inauguré en 2014.

Les grilles qui bordaient la coursive, enlevées à la Révolution, sont attribuées, sans certitude, au fameux ferronnier nancéien Jean Lamour, auteur des grilles de la Place Royale. Les mausolées de Stanislas et de Catherine Opalinska se font face de chaque côté de l’autel, au-dessus du caveau aménagé sous le dallage du chœur.

Les mausolées

Catherine Opalinska, l’épouse de Stanislas Leszczynski, est la première à être inhumée à Notre Dame de Bonsecours, en mars 1747. Sur son mausolée de marbre sculpté par Nicolas Sébastien Adam figure l’inscription : « Ici repose aux pieds de la Reine des Cieux, Catherine Opalinska, Reine de Pologne, Grande Duchesse de Lithuanie, Duchesse de Lorraine et de Bar. Elle vit son dernier jour le 19 mars 1747 à l’âge de 67 ans ».

L’œuvre achevée en 1749 immortalise Catherine Opalinska agenouillée sur un tombeau placé devant une pyramide de marbre. Un ange bienveillant la guide vers les cieux, tandis qu’un aigle aux ailes déployées tourne la tête vers la souveraine. Deux gracieux médaillons représentant la Foi et la Charité encadrent l’épitaphe en bas-relief.

Le cœur de Marie Lesczynska leur fille, épouse du roi de France Louis XV5, fut déposé, à sa demande par testament, dans son propre mausolée sculpté par Claude -Louis Vassé après son décès à Versailles le 24 juin 1768. De petite dimension, il est gravé de l’épitaphe : « Au Dieu très bon, très grand : Marie-Sophie, épouse du roi Louis XV, fille de Stanislas, Versailles 24 juin 1768 », sous le profil de la reine en médaillon de marbre blanc.

Franciszek Ossolinski, Grand Maître de la Maison de Stanislas qu’il avait suivi en France en 1736, séduit par la finesse de la sculpture de Nicolas Sébastien Adam lors de la surveillance de la pose du mausolée de la Reine, lui commanda un mausolée semblable, pour lui-même et son épouse qui l’y précéda de quelques mois en 1756.

Stanislas lui-même fut inhumé en 1766 mais son mausolée commandé par Louis XV à Claude-Louis Vassé ne fut terminé qu’en 1774 par son élève Félix-le-Comte. Stanislas est sculpté assis à l’antique, la main droite appuyée sur le bâton de commandement, les attributs de la royauté à ses côtés. Sur le vaste socle est posé un globe terrestre enveloppé dans un voile de deuil. Agenouillée, la Lorraine tient une tablette où est gravé le texte « Non recedet memoria ejus, et nomen ejus requiretur a generatione in generationem ». Face à elle, la Charité est prostrée, un enfant au sein. Ces deux statues encadrent le médaillon « Ici repose Stanislas le Bienfaisant, le bien nommé, qui a enduré les nombreuses vicissitudes de la condition humaine. Il n’en fut pas brisé, immense sujet d’admiration sur ses terres comme en exil. L’approbation de son peuple le fit roi, il fut accueilli et embrassé par son gendre Louis XV. Il gouverna et embellit la Lorraine plutôt en père qu’en maître, nourrit les pauvres, restaura les villes que la peur avait endommagées, il encouragea les belles lettres. Il mourut le 13 février 1766 à l’âge de 88 ans. Pleurez-le, vous qui êtes inconsolables ».

Le pieux Duc de Lorraine

Stanislas réussit en Lorraine ce qu’il n’avait pu faire en Pologne. Elu mais chassé au gré des conflits entre le tsar Pierre 1er de Russie et Charles XII de Suède qui se soldèrent par la victoire de ce dernier, Stanislas fut contraint de quitter la Pologne dès 1734 du fait d’une offensive de l’Armée russe qui permit l’élection d’Auguste III comme roi de Pologne. Stanislas se réfugia à Königsberg en Prusse, puis en France où son beau-père Louis XV l’accueillit « royalement », le dotant du duché de Lorraine et d’une pension, et le laissant visiter à son gré sa fille et ses petits-enfants à Versailles.

On connaît Stanislas pour son œuvre architecturale à Nancy, Commercy, et Lunéville mise en valeur par des fêtes somptueuses, on connaît moins ses talents de scientifique (avec une prédilection pour la mécanique et l’agronomie), de peintre6 et d’homme de lettres. Il ne se contenta pas d’édifier des églises et des châteaux : Nancy fut dotée sous son règne de bâtiments publics, d’un collège de médecine et d’hôpitaux, d’un jardin botanique, d’une bibliothèque publique et d’une Académie savante, toujours active7. Frédéric II de Prusse ne s’y était pas trompé « les grandes choses que [Votre Majesté] exécute avec peu de moyens en Lorraine doivent faire regretter à jamais à tous les bons Polonais la perte d’un prince qui aurait fait leur bonheur. (…) Elle rend les Lorrains heureux, et c’est là le seul métier des souverains ».

Pèlerinages et processions rythmaient la vie de la Cour du duc de Lorraine, qui assistait tous les jours à la messe à ND de Bonsecours et jeûnait pendant la Semaine sainte ainsi que le jour anniversaire de sa sortie de Dantzig (27 juin 1734), en action de grâces pour sa vie sauve et sa liberté. Sa fille Marie priait aux mêmes heures que son père, dans la chapelle des Récollets de Versailles8. Il écrivit dans le chapitre sur « La religion » de ses « Œuvres du philosophe bienveillant » :« Je suis convaincu qu’il n’est point d’athées et qu’il n’en fut jamais ; parce que pour l’être, il faudrait pouvoir se prouver clairement et invinciblement la non-existence de Dieu ; ce qui n’est non plus possible à l’homme, que de se faire Dieu lui-même, d’anéantir ce monde et d’en créer un nouveau9 ».

Il raviva aussi le culte du Sacré Cœur (en souvenir de la Pologne qui s’y était consacrée la première) déjà introduit en Lorraine par les sœurs Visitandines, organisant une célébration solennelle le 1er juin 1742 à Lunéville, en même temps qu’à Versailles. Il n’hésita pas à faire pression sur le pape Clément pour qu’il autorisât le diocèse de Toul à célébrer lui aussi cette fête.
Il était clair pour lui que toute confusion des pouvoirs devait être rejetée. « Anathème à celui qui prétendrait que la Puissance temporelle eût quelque droit sur la Puissance spirituelle, et qu’une main séculaire pût mettre la main à l’encensoir10 ».

Les oraisons funèbres de Stanislas et de Catherine Opalinska

Louis-Antoine Cuny rendit hommage à la duchesse de Lorraine par un éloge funèbre insistant sur sa très grande modestie et sa générosité « La reine eut un cœur aussi sensible que magnanime, et plus d’une fois la main seule de la religion put essuyer ses larmes. Si elle vit d’un œil sec la perte d’un trône et d’une couronne, elle pleura sur les malheurs de la Patrie, elle pleura sur les dangers du Roi, elle pleura sur la mort prématurée du premier-né de ses enfants. (…) La Reine éplorée tombe aux pieds de Jésus crucifié. Là, elle trouve un Père qui la console, un Dieu qui la fortifie, un Modèle du pénible sacrifice qu’elle fait. Si la Nature compte le peu d’années que la Princesse a vécu, la Foi compte le grand nombre des périls qu’elle a évité ; et dans ce combat, entre le cœur qui gémit et la Grâce qui parle, c’est la Religion qui remporte la victoire. Ainsi lui adoucit-il les amertumes de la vie, comme son mérite la vengea des outrages de la Fortune. (…) Les jours de la Princesse s’ouvrirent et se fermèrent toujours par l’adoration et la Prière. (…) Donner fut la première leçon et le plus fort penchant qu’elle reçut de la nature (…) donner beaucoup, ainsi l’usage délicieux qu’elle faisait de son opulence . Donner promptement, le prix qu’elle ajoutait à chaque bienfait. Donner le plus secrètement qu’il était possible, la précaution qu’elle prenait pour en conserver tout le mérite aux yeux de Dieu ».

L’oraison funèbre de Stanislas Leszczynski fut, elle, prononcée par Mgr de Boisgelin11 le 12 juin 1766, à l’adresse du jeune duc de Berry, futur Louis XVI12, qui représentait sa grand-mère Marie Leszczynska, fille de Stanislas et Reine de France, décédée huit ans plus tôt.

 « Les extraordinaires renversements de fortune que Stanislas a connus au Nord, à l’Est et au Midi de l’Europe sont une leçon qui ne doit pas être oubliée en France, et à l’ouest de l’Europe, certes civilisé et stabilisé par sa millénaire et très chrétienne monarchie, mais à qui la religion ne cesse de rappeler sa fragilité. (…) Ce vieillard vénérable entouré d’une foule de sujets soumis dont il est le père, demeure tranquille au milieu des divisions dont la Terre ne cesse point d’être affligée. La discorde frémit autour de lui sans pouvoir l’atteindre ; il est assis sur un trône que rien ne peut ébranler ; c’est le prince de la paix. (…) pour avoir parcouru dans toute son étendue et touché dans tous ses points le cercle des conditions mortelles jusques et y compris les plus misérables et les plus opprimées(…) il est l’égal de tous les hommes, de ceux qui vivent sur des trônes, et de ceux qui gémissent sous le joug des plus dures adversités. (…) Roi d’un Etat paisible, il est enfin rendu à son caractère : il n’a plus qu’à suivre désormais les goûts de son cœur ».

Notre époque qui a enlevé à la « religion » sa majuscule pourrait revisiter ces propos de Stanislas Leszczynski dans ses « Réflexions sur divers sujets de morale » : « La Religion est la vie de l’âme, et sans elle, l’homme ne serait qu’une machine à ressorts, un pur automate, ignorant son origine et sa fin, n’ayant tout au plus qu’un sentiment confus de son existence, une raison sans discernement, un esprit sans réflexion, un cœur que pour respirer et pour vivre, suivant en aveugle l’impulsion des sens, ne sachant ce qu’il est, ce qui l’environne, ce qu’il deviendra, ce qu’il peut espérer, et ce qu’il peut craindre ». Et cette certitude appuyée sur une foi et une pratique fervente : « Le trop de dévotion mène au fanatisme. Le trop de philosophie, à l’irréligion.

Article à paraître dans la revue Una Voce n°333 de Septembre – Octobre 2021

  1. La légende veut que le cadavre du Téméraire ait été dévoré par les loups.
  2. Sculpteur lorrain qui a également réalisé la porterie du palais ducal, le mausolée de René II dans l’église des Cordeliers de Nancy, et la cathédrale primatiale.
  3. Le duché de Bar était frontalier du comté de Champagne à l’ouest, du duché de Lorraine à l’est et du duché de Luxembourg au Nord. Sa capitale était Bar-le-Duc, actuelle préfecture de la Meuse.
  4. Nancy ne fut un évêché qu’au rattachement de la Lorraine à la France.
  5. Marie Leszczynzka mariée à Louis XV en 1725 lui a donné dix enfants, dont Louis de France, père de Louis XVI.
  6. Deux de ses tableaux figurent dans l’église ND de Bonsecours : « Le martyre de Saint Sébastien » et « Sainte Catherine ».
  7. Académie Stanislas : academie-stanislas.org, fondée en 1750 par Stanislas sous le nom de Société Royale des Sciences et Belles-Lettres de Nancy.
  8. Le dauphin Louis qui admirait son grand-père maternel en aurait fait autant, si son précepteur, l’évêque de Mirepoix, ne lui avait recommandé de ne « pas adorer le Saint Sacrement comme un moine ».
  9. Stanislas Leszczynski « Œuvres du philosophe bienveillant », 1763.
  10. Ibid.
  11. Élu plus tard aux Etats Généraux en 1789, il s’opposa à la réunion des Trois Ordres et à la spoliation des biens du clergé, tout en proposant en vain un compromis qui aurait fait entrer dans les caisses de l’Etat 400 millions de livres prélevés sur le budget de l’Eglise. Il refusa de prêter serment et émigra en Angleterre, puis fut créé cardinal par Pie VII en 1803.
  12. Le jeune duc âgé de douze ans avait déjà connu les deuils de son frère aîné le duc de Bourgogne(1761), puis de son père Louis de France(1765), de sa mère Marie-Josèphe de Saxe(1767) et de sa grand-mère Marie Leszczynska (1768).