Louis-Marie Grignion de Montfort

Le coureur de fond de l’Évangile

L’assassinat récent du prieur des Montfortains de Saint-Laurent-sur-Sèvre en Vendée nous invite à tourner nos regards vers ce haut lieu de la spiritualité catholique, fondé au début du XVIIIe siècle par saint Louis-Marie Grignion, un demi-siècle avant la Révolution et la constitution de l’Armée catholique et royale.

« L’aventurier » des chemins de France

Aîné d’une famille de dix-huit enfants, Louis, qui a ajouté à son prénom celui de Marie en se plaçant sous la protection de la Sainte Vierge, a effectué des études chez les Jésuites de Rennes puis au séminaire Saint-Sulpice à Paris. Tant ses compagnons que ses maîtres ont noté la fougue et le caractère entier du jeune prêtre qui refusa toutes les compromissions pour vivre au plus près les exigences évangéliques et heurta plus d’une fois l’esprit du monde et le conformisme de ses pairs1. La révélation de sa véritable vocation se fit dès sa première affectation à Nantes, où il prêcha et enseigna le catéchisme. Pour ses missions d’évangélisation des campagnes, à la rencontre des plus déshérités, il aurait parcouru des milliers de kilomètres à pied dans l’ouest de la France, armé de son bâton et d’une bourse qu’il déliait pour les miséreux rencontrés en chemin, chantant des cantiques, dont certains de son cru, pour se donner du courage.

« C’en est fait, je cours par le monde, J’ai pris une humeur vagabonde, Pour sauver mon pauvre prochain2. »

Aux pieds du pape Clément XI, à Rome où il se rendit à pied en 1706, il exposa son projet : « Rejoindre une petite et pauvre compagnie de bons prêtres qui, sous l’étendard et la protection de la Très Sainte Vierge, aillent de paroisse en paroisse faire le catéchisme aux pauvres paysans, aux dépens de la seule Providence. » Clément XI lui donna « la chrétienté entière » comme champ d’action, et Louis-Marie se remit en route vers l’ouest de la France, fondant des « missions », érigeant des calvaires, armé de son chapelet, tout entier dédié à la sainte Vierge.

L’héritage de Louis-Marie

Louis-Marie de Montfort a réalisé une belle synthèse personnelle et spirituelle, ayant assimilé tout l’héritage de l’École française, selon la formule de Georges Rigault3 :

« Exécuteur testamentaire des saints français du XVIIe siècle, c’est par lui que leur legs viendra intact à la masse des âmes pieuses. » Il a ainsi rendu accessibles et quasiment vulgarisé les œuvres de Jean Eudes, Bérulle, Olier, des scolastiques, de saint Bonaventure et de saint Bernard. Il a eu à cœur de diffuser auprès des foules la dévotion mariale dont il vivait lui-même, entraînant ses frères vers Jésus, par Marie.

Il lui fut attribué dans le passé la paternité de la Vendée de 1793. Les fondateurs de l’Armée catholique et royale ont pu être inspirés par cette harangue : « Au feu, au feu, au feu ! À l’aide, à l’aide, à l’aide ! Au feu dans la Maison de Dieu, au feu dans les âmes, au feu jusque dans le sanctuaire ! À l’aide de notre frère qu’on assassine ! À l’aide de nos enfants qu’on égorge ! À l’aide de notre bon père qu’on poignarde ! Il faut que nous fassions, sous l’étendard de la Croix, une armée bien rangée en bataille et bien réglée pour attaquer de concert les ennemis de Dieu4. »

Dès 1703, avec la prise d’habit de la fille d’un magistrat en vue de Poitiers, Ma- rie-Louise Trichet, il ébauche la congrégation des Filles de la Sagesse, au service des malades et des pauvres. Bien plus tard, avec l’encyclique Ad diem illum du 2 février 1904, le pape saint Pie X promut la vraie dévotion à Marie dans l’esprit de Louis-Marie Grignion de Montfort.

Saint-Laurent-sur-Sèvre fut sa dernière mission. Le 28 avril 1716, eurent simultanément lieu la cérémonie d’érection de la croix de mission et les funérailles du missionnaire, en présence de près de dix mille personnes.

Souvenons-nous enfin de sa prophétie toujours actuelle dans Le Traité de la vraie dévotion à la Vierge Marie5 : « Oui, le diable, sachant qu’il a peu de temps pour perdre les âmes, suscitera bientôt de cruelles persécutions et mettra de terribles embûches aux serviteurs fidèles et aux vrais enfants de Marie, qu’il a plus de peine à surmonter que les autres. »

Bibliographie succincte

  • « Un prophète de l’espérance, Saint Louis-Marie Grignion de Montfort » de Marie-Claire et François Gousseau, Pierre Téqui, 1996.
  • « Grignion de Montfort, un aventurier de l’Évangile » de Louis Perouas, Éditions ouvrières, 1990.
  • « Grignion de Montfort et la Vendée », Louis Perouas, Cerf, 1989.
  • « La vie de M. Louis-Marie Grignion de Montfort, missionnaire apostolique », R.P. Picot de Clorivière, Rennes, 1785.

Article publié dans la revue Una Voce n°335 de Janvier – Février 2022



  1. Jusqu’à être victime en 1711 à La Rochelle d’une tentative d’assassinat, puis d’empoisonnement qui altéra durablement sa santé.
  2. Lettre pastorale, 1924.
  3. « Les œuvres du Bienheureux de Montfort, poète mystique et populaire », R.P. Fradet, Pont-château 1930.
  4. In « Saint Louis -Marie Grignion de Montfort », Georges Rigault, 1930.
  5. In « Prière embrasée », Préface à la Règle.