Chauffeur de maître

Nouvelle de l’été 2023

Actualités de l’Enluminure

– Dossier : L’Enluminure française (Art. 7) –

L’Évangéliaire dit « de Saint-Mihiel », réalisé à Reichenau (Allemagne) vers 1040, vient d’être vendu par l’Institut catholique de Lille qui le conservait depuis 1881. Destiné à la proclamation des Évangiles lors des principales fêtes liturgiques et messes solennelles de l’année, il avait été commandé par Irmengard de Nellenburg, apparentée au pape Léon IX et, par son oncle Henri II (973-1024), à la dynastie ottonienne relayée par la dynastie salienne (ou franconienne) à la mort de celui-ci.

Le programme iconographique typique des 254 folios réalisés à Reichenau fait une belle place à des couleurs « célestes » culminant dans la très rare représentation d’Irmengard offrant au Christ son époux Werner tué en 1053 à la bataille de Civitate1. L’époux lui-même tend l’évangéliaire au Christ. Le repos de l’âme du défunt est ainsi confié à la communauté monastique bénéficiaire de ce manuscrit. La réalisation des doubles pages est exceptionnelle.

Retrouvé par le curé Charles Didiot (1797-1866) chez un libraire de Saint-Mihiel (Meuse) , issu peut-être de l’abbaye de cette ville, à moins qu’il ne provienne de l’Abbaye Saint-Mansuy de Toul (Meurthe-et-Moselle) où il était attesté en 1696, le codex d’Irmengard fut offert par le frère de Charles Didiot, Jules Didiot (1840-1903), lui-même chanoine, à la faculté de théologie de l’Université catholique de Lille dont il était le doyen, en 1881. Le Musée Getty de Los Angeles ne s’y est pas trompé, qui vient de le racheter bien qu’il ait été classé « Trésor national » en 2020. Aucun acquéreur ne s’étant présenté, la vente a pu se faire légalement au musée Getty, ce dont la conservatrice du département des manuscrits Elizabeth Morrison se réjouit : la dernière acquisition du musée concernant le XIe siècle remonte aux années 1980.

L’Éducation du prince chrétien, manuscrit enluminé réalisé vers 1530 par Étienne Colaud (actif entre 1512 et 1541) ou son entourage, a eu une meilleure fortune : il s’agit de l’édition française de l’ouvrage écrit en 1516 par Érasme pour Charles Quint alors âgé de seize ans. Guillaume de Montmorency, chevalier d’honneur de Louise de Savoie, et l’abbé de Baudreuil de Saint-Martin-aux-Bois souhaitaient le transmettre au dauphin François de France2 alors détenu en Espagne. Ce manuscrit ayant appartenu aux familles de Montmorency puis de Condé a été préempté en octobre 2022 par la bibliothèque du musée Condé de Chantilly pour près de 200 000 euros.

Article publié dans la revue Una Voce n°342 de Mai – Juin 2023

  1. Cette bataille opposa près de Foggia (région des Pouilles, Italie) les Normands Onfroy d’Apulie et Richard 1er et les forces rassemblées par le pape Léon IX pour reprendre aux Normands leurs fiefs italiens. Ces forces constituées de seigneurs italiens, d’un contingent germanique de l’empereur Henri III le Noir et de troupes byzantines, furent écrasées par la chevalerie normande en infériorité numérique mais à l’habileté équestre devenue légendaire. Le pape Léon IX y fut capturé et emprisonné à Bénévent. II mourut à Rome peu après sa libération en 1054.
  2. Le dauphin François (1518-1536), fils de François 1er, fut détenu avec son frère Henri (futur Henri II, 1519-1559) par Charles Quint, après la défaite de François 1er à Pavie et la signature du traité de Madrid (Janvier 1526). Les deux jeunes gens furent donc otages le temps de l’exécution du traité.

Trésors enluminés des ducs et duchesses de Bourbon

– Dossier : L’Enluminure française (Art. 6) –

À l’occasion du cinquième centenaire de la disparition d’Anne de France, la Bibliothèque nationale de France a exceptionnellement prêté au musée départemental Anne-de-Beaujeu à Moulins six manuscrits exposés dans un studiolo1
provenant de l’ancienne bibliothèque des Ducs de Bourbon: ces manuscrits étaient donc de retour à Moulins pour la première fois en septembre 2022.

Chaque génération avait ajouté à cette bibliothèque ses propres commandes, les cadeaux qu’elle reçut ou des prises de guerre : Louis II de Bourbon (1337-1410), Jean Ier (1381-1434) et son épouse Marie de Berry (1375-1434), Charles Ier (1401-1456)et son épouse Agnès de Bourgogne (1407-1476) mais surtout Jean II ( 1426-1488) et son épouse Jeanne de France (1435-1482), enfin Pierre II (1438-1503) et son épouse Anne de France (1461-1522) firent de Moulins un foyer artistique rayonnant et constituèrent une impressionnante collection de livres qui était au début du XVIe siècle l’une des plus prestigieuses de France avec près de six cents volumes dont la moitié ont été retrouvés2.

La trahison et la disgrâce du Connétable Charles III de Bourbon entraîna la chute de leur principauté. Les biens des Bourbons furent mis sous séquestre puis saisis à la mort du Connétable en 1527. La bibliothèque devint bibliothèque personnelle de François Ier en 1531 et fut réunie en 1544 au château de Fontainebleau à la bibliothèque royale auparavant conservée à Blois. Ces ouvrages appartiennent au noyau historique des collections de la Bibliothèque nationale que sont les livres des rois de France.
Nombre de ces livres, dont ceux présentés à Moulins, sont des ouvrages enluminés de grand format peints par les meilleurs artistes de l’époque, à Moulins, Bourges, Tours et Paris. Jean Colombe, le « Maître du Josèphe », le « Maître du Boccace », Jean Hey, Guillaume Picqueau et le « Maître de Claude de France » ont dirigé et influencé nombre d’artistes anonymes.

Les manuscrits présentés à Moulins3 : Bible historiale de Jean de Berry (1395-1400), Antiquités judaïques de Flavius Josèphe (vers 1410) de Jean de Berry, Ordonnance de fondation de la Collégiale de l’ordre de Saint Michel, du roi Charles VIII, Heures de Louis de Laval (1470-1485) – un des manuscrits les plus richement enluminés du monde -, Vie de Jésus-Christ (1482) et Vie de saint Jérôme (1505-1510) d’ Anne de France sont disponibles en ligne sur Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF.

Article publié dans la revue Una Voce n°342 de Mai – Juin 2023

  1. Studiolo : petit cabinet de travail et de méditation.
  2. Voir l’ouvrage « Les Bourbons en leur bibliothèque (XIIIe-XVIe siècles )» sous la direction d’Olivier Mattéoni aux Éditions de La Sorbonne, 2022, 422 p., 39 euros.
  3. Catalogue de l’exposition sous la direction de Giulia Longo et Aubrée David-Chapy, Éditions Faton 2022.

Les Grandes Heures d’Anne de Bretagne

– Dossier : L’Enluminure française (Art. 5) –

Ce prestigieux manuscrit enluminé a été réalisé vers 1505 à Tours pour la Duchesse Anne en parchemin épais, reliées à neuf en 1684 en chagrin1 pour être déposées dans le Cabinet de curiosités de Louis XIV. Saisi au château de Versailles en 1795, comme « provenant de la bibliothèque de Louis Capet I », il fut déposé en 1852 au Musée des Souverains créé par Louis-Napoléon Bonaparte, puis remis à la Bibliothèque nationale de France après la fermeture de ce musée en 1872.

Anne de Bretagne, duchesse, souveraine, inspiratrice des arts

Anne de Bretagne est née en 1477, fille aînée du duc de Bretagne François II et de sa seconde épouse Marguerite de Foix.Elle avait neuf ans à la mort de sa mère. Objet de convoitises politiques dès sa naissance, Anne vit son sort suspendu aux relations entre le duc de Bretagne et le roi de France. Son caractère énergique et sa pression psychologique sur son père lui donnèrent un sursis à un mariage prévu en 1487 avec Alain d’Albret, de quarante ans son aîné, avant que l’invasion de la Bretagne par Charles VIII et la défaite des Bretons à Fougères en 1488 ne scellât son destin conjugal : le traité du Verger par lequel François II s’engageait à ne marier ses filles Anne et Isabeau qu’avec l’accord du roi de France fut signé en août 1488, achevant François II qui mourut peu après, usé par une vie de débauche et probablement par une maladie « de l’entendement », non sans avoir endetté son duché, alors un des derniers grands fiefs du Royaume.

Deux mariages et peu d’enfants

L’éducation intellectuelle et morale d’Anne fut dès lors assurée par Françoise de Dinan, comtesse de Laval, qui possédait des seigneuries en Bretagne et participait à la vie politique. Femme lettrée qui avait aussi de solides connaissances en mathématiques et en sciences, elle a fortement influencé la vie religieuse d’Anne par sa dévotion rigoureuse. Anne eut encore comme protecteurs ceux que son père avait désignés : le maréchal de Rieux, Alain d’Albret, le comte de Dunois et le Gascon Odet d’Aydie. Anne épousa en 1490 par procuration Maximilien d’Autriche, bien placé aux yeux de tous ses conseillers2 pour tenir en respect le roi de France- et en violation de l’accord du Verger signé entre son père et le roi de France deux ans plus tôt. Le siège de la ville de Nantes lancé en 1491 par Charles VIII rendit inévitable une négociation dont l’élément majeur fut le projet de mariage d’Anne de Bretagne avec Charles VIII, au mépris des fiançailles de celui-ci avec Marguerite de Bourgogne et du récent mariage d’Anne avec Maximilien d’Autriche, mais avec la recommandation, presque considérée comme un oracle, de l’ermite François de Paule3. Malgré les scrupules d’Anne craignant que ce deuxième mariage ne mît son âme en danger, malgré l’absence d’attirance réciproque des futurs époux, le mariage fut célébré en décembre 1491, avec pour conséquence la cession des droits d’Anne sur le duché à son époux4.

Ce mariage ne fut pas heureux. Honorée comme reine de France, elle perdit tout pouvoir effectif.
Son premier enfant, Charles-Orland5, mourut à l’âge de trois ans des suites de la rougeole. Les six enfants mis au monde par la suite, entre 1493 et 1498, ne furent pas viables. Le dernier ne vécut que quelques heures en mars 1498, et le roi qui venait de rejoindre son épouse à Amboise mourut lui-même accidentellement en avril 1498. Anne se sentit responsable de ces décès successifs, y voyant une punition de Dieu pour avoir épousé Charles VIII avant d’avoir obtenu (à quelques jours près) la dispense du pape, retardée par les pressions légitimes exercées sur lui par Maximilien d’Autriche.

Anne reprit donc son titre de duchesse de Bretagne et reprit en main personnellement la direction du duché, tout en se préparant à épouser Louis d’Orléans6 devenu Louis XII. Il fallait là encore une dispense puisque Louis d’Orléans était marié avec Jeanne de France et le pape Alexandre VI Borgia fit lui-même porter les lettres de dispense par son fils César Borgia. Deux enfants naquirent de cette union, Claude en 1499 et Renée en 1510.
Anne eut un rôle politique plus marqué, soutenant les projets de son mari : la Croisade de 1501(où elle chargea personnellement son héraut d’armes Pierre Choque de lui faire un reportage des pays traversés et des batailles menées) et la guerre d’Italie (1502-1509).

La fin de son règne fut tumultueuse, avec la menace du pape Jules II (qui avait suscité une coalition italienne pour chasser les Français de la péninsule) d’excommunier le couple royal et de mettre le royaume de France en interdit, c’est-à-dire d’y faire suspendre tous les actes religieux. Ses tentatives de conciliation se heurtèrent au mépris de son époux : « Vos confesseurs ne vous ont-ils point dit que les femmes n’avaient point de voix dans les choses de l’Eglise ? » La mort de Jules II écarta le danger, mais la défaite de Novare (1513), celle de Guinegate (contre les Anglais), et le coulage du fleuron de la flotte bretonne, la « Cordelière » ,mirent à l’épreuve moralement et physiquement Anne de Bretagne, qui mourut à Blois le 15 janvier 1514.

Anne de Bretagne et les arts 

La bibliothèque de son père François II était bien limitée : trente et un livres au château de Nantes, dont la plupart étaient des livres liturgiques et des livres de piété., dont le recueil de vie de saints exécuté pour Isabelle Stuart en 1464, et Somme le Roy, de Frère Laurent. Après son mariage, confinée à Lyon, Grenoble, Amboise, Tours et surtout Moulins sous la surveillance de sa belle-sœur Anne de Beaujeu, pendant que son époux guerroyait en Italie, elle s’intéressa au butin artistique qu’il rapportait de ses campagnes : tapisseries et tentures, reliquaires d’or et d ‘argent, soieries, et des volumes précieux provenant de la bibliothèque du roi de Naples. Anne nomma secrétaire de la Maison de la Reine Jean Marot (1450-1526, père de Clément) qui lui dédia une apologie de la femme, Vrai dysant advocate des dames et l’Epistre des dames de France aux courtisans de France. Elle commença en 1492 à commander des manuscrits enluminés et des tapisseries historiées. Sa prédilection pour le manuscrit enluminé guida son choix vers Jean Bourdichon, peintre préféré des monarques français dont l’influence dans le premier quart du XVIe fut décisive.
Aucun atelier d’imprimeur ne s’installa d’ailleurs à Nantes durant le règne d’Anne de Bretagne et c’est par la Loire qu’arrivaient les livres d’heures imprimés à Caen par Pierre Regnault. Les livres d’histoire, visant à affirmer le statut d’État à part entière de son duché, avaient sa faveur : Cronique des roys et princes de Bretagne armoricane commandée à Pierre Le Baud, historiographe de la reine, (1505, conservé en un seul exemplaire à la British Library) et les Grandes chroniques de la Bretagne à Alain Bouchart (1514, Bibliothèque d’Angers). Mais elle commanda plusieurs livres religieux : livres de Prières à Jean Poyet, Epîtres de saint Jérôme à Jean Bourdichon, enfin ce prestigieux « Grandes Heures d’Anne de Bretagne ». Ces codex sont reconnaissables à leur ornementation qui comprend presque toujours une combinaison des écus de France et de Bretagne avec la lettre « A », ou le « S » de Charles VIII, et un choix de devises (« A ma vie » et « Non mudera », « je ne changerai pas » référence aux origines navarraises de sa mère Marguerite de Foix) et emblèmes (cordelière à nœuds).

Les « Grandes heures » sont de « stylus sublimis » pour la variété de et la richesse de leurs coloris et l’or qui les met en valeur. De nombreuses répliques des « Heures » d’Anne de Bretagne furent élaborées : Heures Holford (1515, conservées à la Pierpont Morgan Library de New York), Heures à l’usage de Rome ( (British Library), Heures de Gardner (Gardner Museum, Boston, Etats Unis)…

Un manuscrit royal, modèle de nombreux livres d’heures

Le manuscrit contient une série de prières et dévotions habituelles dans la France de la fin du Bas Moyen Âge. Un calendrier occupe douze folios, suivi des quatre Évangiles et du petit office de la Vierge dans lequel s’intercalent les Offices de la Sainte Croix et du Saint Esprit. Sept psaumes pénitentiels précèdent les litanies des saints et les vigiles des morts. Suivent Les suffrages des saints, une prière de dévotion à la Couronne d’épines, une prière avant de recevoir l’Eucharistie, une autre à réciter entre la consécration et la communion, puis une en mémoire du bon larron,et deux prières Obsecro te, et O intemereta. La Passion selon Saint Jean clôture l’ouvrage. Des accords d’indulgences sont liés à certaines des prières.

Se représenter concrètement les aspects de la vie du Christ jusqu’à la Croix, devait, dans la sensibilité religieuse de l’époque, aider le dévot à méditer et recevoir dans son cœur des vérités concernant l’histoire du Salut et la vie morale personnelle. Le niveau de connaissance et de contemplation auquel le croyant devait être amené justifiait l’art précis et presque « spectaculaire » de l’enlumineur. Les propriétaires de livres d’Heures étaient encouragés à contempler ces images pour se mettre et demeurer en prière. A compulser ces splendides et précises peintures sur 237 folios, on conçoit les fruits que la lectrice a pu en retirer pour sa vie spirituelle, en priant « sur de la beauté ».

Article publié dans la revue Una Voce n°342 de Mai – Juin 2023

  1. Peau de raie pastenègue ou « chien de mer », popularisée par le maître gainier parisien Jean Claude de Galluchat (1690-1774).
  2. Y compris Alain d’Albret qui échangea son renoncement à l’épouser contre une coquette pension, le commandement d’une compagnie et la garde du château de Nantes.
  3. Fondateur à dix-neuf ans de l’ordre des Minimes de Paola (Calabre) que sa réputation de thaumaturge envoya à la cour de Louis XI avec la bénédiction du pape Sixte IV. Doté par les rois Louis XI, Charles VIII et Louis XII, il vit construire pour son Ordre plusieurs couvents en France avant de décéder à Plessis -les- Tours le Vendredi Saint de l’an 1507.
  4. Avec une réciprocité : Charles VIII céda ses droits sur la Bretagne.
  5. Prénom suggéré par François de Paule. Orland pour Orlando, version italienne de Roland.
  6. Arrière-petit-fils de Charles V, fils du prince poète Charles d’Orléans et de Marie de Clèves.

Après les manuscrits : les livres d’Heures imprimés

– Dossier : L’Enluminure française (Art. 4) –

Après 1490, l’imprimerie prit à grande allure le relais des manuscrits. Pas moins de 1585 éditions de livres d’heures furent mises sous presse entre 1480 à 1600, dont1 400 à Paris même. Les tirages par édition pouvant varier de six cents à douze cents exemplaires, ces livres circulèrent en grand nombre dans toute l’Europe alors largement analphabète. Depuis Mayence, la typographie se diffusa par de nouveaux ateliers d’imprimerie à Nuremberg, Bâle, Venise, Milan, Paris, créant une demande que n’aurait pu satisfaire la production manuscrite. A Paris, l’association des imprimeurs et des libraires fut à l’origine de l’essor des livres d’Heures imprimés dans les deux dernières décennies du XVe siècle : Jean du Pré1 (14..-1504) et Pierre Le Rouge imprimèrent les premières « Heures de Nostre Dame » illustrées de gravures sur bois, Antoine Vérard (1450-1514) publia 59 éditions d’Heures entre 1486 et 1513. Guy Marchant, actif à Paris entre 1482 et 1506 a probablement réalisé la première affiche de l’histoire avec l’impression en 1482 du « Grant Pardon de Nostre Dame de Rains».

Le livre imprimé reprend la même iconographie que les manuscrits

Au début du XVIe siècle, l’impression en nombre concurrença durement les copistes à la plume lente qui appliquaient minutieusement leurs couleurs sur du parchemin. Quelques imprimeurs maintinrent une production de qualité à faible tirage destinée aux lettrés et aux riches commanditaires, en imprimant sur vélin et coloriant à la main des vignettes ou des lettrines ou en faisant réaliser des manuscrits enluminés d’après copie d’ une édition imprimée : ainsi le « Dit des trois morts et des Trois vifs » de Guy Marchant2 , dont les miniatures ont été réalisées par l’enlumineur dit Maître de Philippe de Gueldre3 .

À Paris, l’atelier typographique Pigouchet associé au libraire Simon Vostre , actif de 1488 à 1515, porta à un niveau esthétique et technique inégalé les impressions de livres d’Heures. « Heures à l’usage de Paris », « Heures de Rome », sont ornées de bordures historiées où apparaissent des danses des morts et de nouvelles vignettes.
Durant le règne de François 1er, on comptait à Paris une trentaine de producteurs de manuscrits historiés, dotés de nombreux apprentis spécialisés. Dans les commandes passées aux enlumineurs, il n’était parfois pas précisé si le support était un livre manuscrit ou un livre imprimé. La tentative de la profession d’« enlumyneur et hystorieur »4 de s’ériger en corporation rencontra l’opposition définitive du prévôt de Paris en 1608 : il estimait que cette nouvelle jurande serait source de conflits.

Troisième centre d’imprimerie en France, après Paris et Lyon, les ateliers typographiques de Rouen actifs au cours du XVe siècle, ceux de Jean Le Bourgeois et de Jacques Le Forestier, éditèrent des livres d’Heures à l’usage des sept diocèses bas-normands dont soixante-douze éditions sont conservées aujourd’hui à Rouen.

Albi enfin, autre centre actif bien qu’éphémère d’imprimerie au XVe siècle,abritait un évêché parmi les plus riches du royaume car bénéficiaire de dîmes (sur le safran et le pastel5 ). Les prélats étaient proches des souverains français entre autres par leur direction de campagnes militaires contre les rébellions du « Midi ».

Jean Jouffroy (1412-1473), créé Cardinal en 1465, et titulaire de plusieurs abbatiats dont celui de Saint Sernin de Toulouse, obtint du pape Paul II des reliques de Sainte Cécile, dont l’authenticité est de nos jours incertaine mais dont la translation à la cathédrale d’Albi plaça celle-ci sous le patronage de Sainte Cécile. C’est par lui que l’art italien du Quattrocento fit irruption à la Cathédrale Sainte Cécile. Érudit et lettré, amateur de livres, il partageait sa bibliothèque entre Rome et Albi(au palais épiscopal de La Berbie)6. Quant à Louis d’Amboise (1432-1503), évêque d’Albi en 1474 après avoir été ambassadeur de Louis XI auprès du pape Sixte IV, il fut aussi le principal représentant de la monarchie en Languedoc : il bénit le mariage d’Anne de Bretagne avec Charles VIII et devint ensuite cardinal-légat de Louis d’Orléans, ce qui lui permit le recours aux meilleurs artistes pour édifier la cathédrale et élaborer sa décoration intérieure.

Les grands typographes albigeois stimulés par ce mécénat ont été « l’Atelier de l’Aenas Sylvius »7, Étienne Clébat (Missel à l’usage de Saint Étienne en 1490 et missel d’Auch en 1491) et surtout Jean Neumeister dit Jean de Mayence, probable apprenti de Gutenberg entre 1459 et 1463 ,qui fit à Albi une halte de trois ans. À cette époque, seuls trois diocèses français ont adopté le rit romain : Albi, Rodez et Avignon. C’est sans doute pourquoi Jean Neumeister, sur une faible production albigeoise de six livres, imprima deux livres liturgiques selon le rit romain, avant de s’établir à Lyon pour y réaliser, entre autres, l’édition princeps de La divine comédie de Dante, et le missale lugdunense (1487) : deux éditions qui font de lui l’héritier technique indubitable de Gutenberg.

Article publié dans la revue Una Voce n°342 de Mai – Juin 2023

  1. À distinguer de Jean du Pré (14..-1503) imprimeur à Salins, Lyon,Chartres, Uzès et Avignon.
  2. La plus ancienne représentation figurée d’une Danse Macabre se trouvait à Paris, sur les murs du Cimetière des Innocents(détruite en 1663) et l’imprimeur parisien Guy Marchant en reprit les figures sur des bois gravés pour imprimer deux éditions maintes fois reproduites, dont ce manuscrit à peintures , daté de 1510, est une copie.
  3. Philippe de Gueldre (1464-1547),duchesse de Lorraine, fille de Catherine de Bourbon et d’Adolphe d’Egmont, épouse de René II de Lorraine puis religieuse clarisse.
  4. titre porté par Etienne Colaud, réalisateur des «  Statuts de l’ordre de St Michel « dont six exemplaires pour le roi François 1er « escriptz, enluminesz, relyez et couverts » (1528)
  5. Colorant bleu fabriqué à partir des « cocagnes », boules résultant de la macération de feuilles d’Isatis tinctoria cultivées dans la région. Il enrichit les marchands d’Albi et de Toulouse au XVIe siècle et ne fut détrôné que par l’indigo.
  6. Le legs à son neveu Hélion Jouffroy fit de celui-ci le possesseur d’une des plus grandes bibliothèques privées du royaume de France, avec 650 volumes.
  7. du nom de l’auteur du roman De remedio amoris d’Aeneas Sylvius Piccolimini, nom de plume du pape Pie II (1477).

Un « prince d’enluminure » : Simon Marmion ( 1425-1489)

– Dossier : L’Enluminure française (Art. 3) –

Simon Marmion est signalé à Amiens de 1449 à 1454 et à Valenciennes de 1458 à sa mort ; en 1468, sans doute en vue d’un travail occasionnel, il se fait inscrire à la guilde de Saint-Luc à Tournai.

C’est comme « prince d’enluminure » qu’il semble avoir été le plus célèbre (Jean Lemaire de Belges, dans son poème La Couronne margaritique, 1506). Aucune œuvre n’est signée ou documentée, pas même l’œuvre clé, Le Retable de saint Bertin (1455-1459 ; Staatliche Museen, Berlin, et National Gallery, Londres), exécutée pour un des conseillers de Philippe le Bon, Guillaume Fillastre, évêque de Toul, puis de Tournai.

Ces volets d’un retable destiné au maître-autel de l’abbaye de Saint-Bertin à Saint-Omer, dont Fillastre était abbé commendataire représentent la légende du saint patron de l’abbaye.

Une Crucifixion (1470 env., coll. John G. Johnson, Philadelphie), qui aurait la même provenance : « un ouvrier de Valenciennes », présente des caractères semblables. L’écriteau infamant de la croix porte une inscription trilingue correcte, rareté pour l’époque, qui semble justifier l’appréciation de Guichardin, historien et homme politique florentin (1483-1540) sur Marmion : « excellent peintre et homme lettré »). L’Invention de la croix (musée du Louvre, Paris), La Déploration (coll. Robert Lehman, New York), et Le Christ et La Vierge de douleur (musée des Beaux-Arts, Strasbourg ; et une autre version au Musée communal, Bruges) confirment l’héritage de l’anonyme d’Amiens qui lui aurait appris son métier, le Maître de Mansel. De nombreuses enluminures sont groupées sous le nom de Marmion. Les Grandes Chroniques de France (entre 1451 et 1460, Bibliothèque nationale de Russie, Saint-Pétersbourg) furent offertes par Fillastre au duc Philippe. Un pontifical de Sens (Bibliothèque royale, Bruxelles) contient une Crucifixion qui rappelle le tableau de Philadelphie. Une « Listoire de Sainte Katherine vierge glorieuse et martire » (Bnf)réalisée vers 1470 pour Marguerite d’York, épouse de Charles le Téméraire, dans une traduction française de Jean Miélot, chanoine de Lille, à la demande de Philippe le Bon (1396-1467), a pu regagner en 2012 le fonds de la Bibliothèque nationale de France grâce au mécénat. Les deux autres parties de ce précieux et rare manuscrit sont au Getty Museum de Los Angeles.
Photo : Sainte Catherine de Simon Marmion, BNF.

Article publié dans la revue Una Voce n°342 de Mai – Juin 2023

Le scriptorium d’Avranches : une bibliothèque patrimoniale spécialisée

– Dossier : L’Enluminure française (Art. 2) –

203 manuscrits, dont 199 d’époque médiévale, provenant de l’abbaye du Mont-Saint-Michel sont conservés au Scriptorium d’Avranches. Plus de 60 manuscrits portent la marque du scriptorium monastique montois, notamment le Cartulaire de l’abbaye du Mont-Saint-Michel (ms. 210)

Ces manuscrits se trouvent à Avranches à la suite d’une série d’évènements qui, de 1789 à 1811, ont abouti à la création d’une bibliothèque publique confiée à la responsabilité de la Ville : après la nationalisation des bibliothèques des congrégations religieuses, les ouvrages ont été déposés dans des dépôts littéraires de district. Tous ceux provenant du Mont Saint-Michel ont donc été redistribués au sein des nouvelles bibliothèques issues des confiscations révolutionnaires : bibliothèques des Écoles centrales, puis bibliothèques municipales. Toutefois, les imprimés et les manuscrits ont connu un sort très différent.

Parmi les 254 manuscrits conservés par la bibliothèque patrimoniale d’Avranches, 205 sont identifiés comme provenant du Mont Saint-Michel : les manuscrits aujourd’hui cotés 1 à 39, 41 à 169, 209 à 217, 220 à 244 et 248

En 1872, un travail de collationnement mené par Taranne et Delisle et poursuivi par Omont en 1889 a permis de confirmer la provenance de manuscrits qui ne portaient pas d’ex-libris et d’en dresser l’inventaire au sein de la Bibliotheca bibliothecarum manuscriptorum nova.

Les ouvrages dispersés

Parmi les ouvrages de cette bibliothèque se trouvent plusieurs manuscrits conservés dans d’autres établissements et identifiés comme provenant du Mont Saint-Michel, soit par des marques d’appartenance ou des mentions de copiste, soit parce que leur facture stylistique les rattachait aux productions montoises déjà identifiées. Parmi eux, le Sacramentaire du Mont St Michel (New York Pierpont Morgan Library) et un sacramentaire « ad usum Ecclesiae abricensis » (Bibliothèque municipale de Rouen), une Bible du XIIIe siècle conservée à Figeac (Figeac, Musée Champollion). Les Satires de Juvénal (BNF, Paris) et le manuscrit  240 d’Avranches  (Martianus Capella, Les Noces de Mercure et de Philologie), témoignent de la lecture des classiques latins au XIe siècle.

L’absence d’inventaires avant le XVIIe siècle, pour les manuscrits, et avant la Révolution, pour les imprimés, rend la démarche difficile. On ignore presque tout des mouvements qui ont affecté la bibliothèque au fil du temps, qu’il s’agisse des pertes (vols, prêts ou dégradations matérielles…) ou des enrichissements (dons, acquisitions). Le recensement actuel n’est sans doute pas clos, en particulier en ce qui concerne les manuscrits modernes, beaucoup moins bien connus que les manuscrits médiévaux ; des investigations en dehors des fonds conservés à Avranches permettent aussi de retrouver des imprimés portant un ex-libris du Mont, par exemple, récemment, à la bibliothèque du Séminaire de Coutances.

Autres manuscrits du Scriptorium

Le Livre d’heures de la famille de Brucourt ,le manuscrit de la Bible moralisée, le manuscrit de la Règle de Saint-Benoît,le manuscrit de la Passion de sainte Catherine, le manuscrit de la Légende dorée.

Bibliothèque numérique

La Bibliothèque virtuelle met à disposition des chercheurs et du public la collection complète des fac-similés numériques des manuscrits montois conservés à Avranches, issue de trois campagnes de numérisation (2004, 2009 et 2016-2017), en l’assortissant de notices qui en facilitent la consultation.

Article publié dans la revue Una Voce n°342 de Mai – Juin 2023

L’Enluminure française : un art religieux depuis les premiers siècles

– Dossier : L’Enluminure française (Art. 1) –

C’est avec cette enluminure de couverture représentant la Pentecôte, figurant dans un livre d’Heures parisien du Maître de la Légende dorée de Munich1 que nous ouvrons ce dossier consacré à la technique qui fut dominante à la fin du Moyen Age : la décoration des manuscrits par des bordures imagées, des miniatures et lettrines peintes et rehaussées d’or. Nous nous sommes volontairement limités à la production française par des artistes qui d’ailleurs, parcouraient l’Europe pour se former comme le faisaient leurs confrères musiciens. L’enluminure est ainsi devenue vers le XIIIe siècle la première forme d’expression artistique du Moyen Âge qui soit réellement internationale. En témoigne la présence, de nos jours, de manuscrits enluminés dans les plus prestigieux musées et bibliothèques et du monde.

C’est au Moyen Âge que l’enluminure connaît son développement le plus riche. Mais cet art pictural liant texte, image et ornements, ne fut pas inventé à cette époque comme le vitrail. Les rouleaux de papyrus égyptiens étaient illustrés en couleurs. Des volumes illustrés, en particulier des textes scientifiques, sont attestés dans la période hellénistique et romaine, les illustrations constituant des points de repère dans des textes dont les colonnes n’étaient pas numérotées. Les plus anciennes miniatures peintes et encadrées datent du IVe siècle après JC, et le codex en parchemin avait déjà remplacé le papyrus, créant la page et sa succession en volumen. De très rares manuscrits sont parvenus jusqu’à nous, tels les quatre feuillets de l’Itala– une traduction de l’Ancien Testament- conservés à la Bibliothèque d’État de Berlin et deux manuscrits de Virgile, assemblés en Vergilius vaticanus , conservé à la Bibliothèque vaticane, ou encore les Aratea d’Aratus et l’Évangile de Cambridge d’Augustin2 conservé au Corpus Christi College de Cambridge .
A cette époque, il n’existait pas de différence fondamentale entre le langage formel païen et le langage chrétien : calendriers, poèmes, tables astronomiques, anatomies, étaient réalisés par les ateliers qui travaillaient tant pour l’Église que pour les dignitaires de l’État.
Au VIe siècle, la fabrication du livre passe de plus en plus au service de l’Église, avec toutefois une rigueur dans la décoration avec laquelle la période carolingienne va rompre.

Les périodes mérovingiennes et carolingienne

Autant on réalisa en Angleterre et en Irlande des Évangiles, indispensables pour la prédication dans une période de fondations, autant, en France, les scriptoria des couvents vouaient leurs soins aux livres liturgiques et théologiques. De cette époque d’évolution esthétique datent le Missale Gothicum et le Sacramentarium Gelasianum, le Sacramentaire de Gellone (B.N. Paris) et le Lectionnaire de Luxeuil (B.N. Paris). Il revient aussi au couvent de Luxeuil3 fondé par l’Irlandais Colomban en 590, la primeur de la première écriture calligraphique en minuscules.

Au VIIe siècle, l’interdiction de toute image à l’Est de la Méditerranée ne laisse subsister que la décoration florale « neutre » à travers les lignes abstraites de l’arabesque. A Byzance, l’art décoratif des Sassanides étend son influence jusque dans l’enluminure. Les Lombards qui pénètrent en Italie adoptent l’entrelacs, les Germains poussent l’ornementation aux motifs animaliers à sa perfection, et en Angleterre comme en Irlande les motifs celtiques offrent des ressources iconographiques inépuisables. En France, les nouveaux ateliers monastiques actifs au début du VIIe siècle conçurent la décoration non pas comme un superflu, mais comme un moyen de souligner l’importance de l’écrit. C’est alors que les initiales devinrent plus nombreuses et plus grandes, devenant des lettrines encadrées de la taille et à la valeur d’une image. Flore et faune forment des éléments animés qui enserrent le contour géométrique des lettres.

À l’époque carolingienne, les manuscrits vont être commandés par des personnages qui laissent leur nom aux ouvrages qu’ils ont fait réaliser : on voit alors apparaître l’Évangile d’Ebbon, le Sacramentaire de Drogon4, les Évangéliaires de Lothaire, les Bibles de Charles le Chauve… Charlemagne contribua à l’unification de l’écriture en remplaçant les diverses écritures mérovingiennes des capitulaires par une écriture universelle : la caroline. Dès l’an 800 presque tous les ateliers de copistes l’avaient adoptée. Ayant rencontré Alcuin5 en 781 à Parme à l’occasion du baptême de son fils, Charlemagne l’invita à prendre la tête du mouvement de réforme dont l’Evangéliaire de Godescalc est considéré comme le premier témoignage et fit lui-même exécuter quatre Evangiles luxueux (conservés à Trèves, à Londres, à Paris, et à la Bibliothèque vaticane. Il fonda une Ecole royale d’enluminure (Ecole Ada, du nom de sa demi-sœur).

La créativité et la production des ateliers carolingiens évoluèrent en richesse dès lors que les illustrations scientifiques et littéraires léguées par l’enluminure romaine de la Basse Antiquité furent rassemblées. Le cloître de saint Martin de Tours compte parmi les centres les plus fameux de l’enluminure à l’époque carolingienne : Bibles en un volume dont le texte fut révisé par Alcuin et ainsi diffusé dans toute l’Europe, à partir sans doute de la Bible paléo-chrétienne de 4406 qui se trouvait au IXe siècle à Tours.
Cet âge d’or de l’enluminure carolingienne s’acheva vers la fin du IXe siècle. Les écoles anglaise, allemande et espagnole dominèrent et l’art italien ainsi que l’art français leur empruntèrent leurs formes avant d’élaborer leur style propre. C’est la naissance d’un style
« roman » qui imprégna désormais les manuscrits dans toute l’Europe occidentale, qui atteignant sa maturité au XIIe siècle.

Période gothique

En dépit du caractère négatif du terme affecté par Giorgio Vasari à l’art « des Goths », un art barbare à ses yeux, il est toujours employé pour désigner l’art qui se développe en Europe du Nord au cours du XIIIe siècle. Vers 1200, la peinture de manuscrits évolue également (un peu plus tard que l’architecture) et est marquée par un effacement du hiératisme et de l’expressivité romanes au profit d’une d’une esthétique naturaliste inspirée des modèles antiques et byzantins. A cette même époque, l’essor de l’université parisienne et l’établissement de la monarchie capétienne contribuent à l’essor de Paris et y donnent à la production du livre une impulsion décisive. Les ateliers profanes installés sur la rive gauche de la Seine, remplacent les scriptoriums, et ce sont les libraires qui coordonnent le travail des parcheminiers des bords de la Bièvre7, des copistes, des enlumineurs et des relieurs, afin de répondre à la demande de l’université et de la Cour. Avant de s’adapter, après l’invention de l’impression, à de nouvelles techniques de production et de diffusion du livre.
Le gothique international brille donc en France, jusqu’aux désastres de la guerre de Cent ans qui entraînent un déclin de la production française dès 1420, laissant le champ libre aux Pays Bas bourguignons. Après 1440 toutefois, l’élan de la reconstruction et le mécénat permettent aux ateliers tourangeaux (dont celui de Jean Fouquet 1420-1481), angevins, nordistes et berruyers (atelier de Jean Colombe 1430-1493) et provençaux de prospérer.

Ère moderne

La Bibliothèque de l’abbaye Saint Pierre de Solesmes conserve un petit livre d’heures à l’usage de Marie-Augustine Laîné, pieuse bourgeoise de Cherbourg,copié et enluminé par sa fille Julia-Marie en 1934. A la veille de la deuxième guerre mondiale, la pratique de l’enluminure, très encouragée dans les revues de la fin du XIXe siècle, faisait encore partie des loisirs féminins. La scriptrice s’est inspirée de livres d’Heures de la fin du Moyen Age conservés à la Bibliothèque de Cherbourg.

Article publié dans la revue Una Voce n°342 de Mai – Juin 2023

  1. Le Maître de la Légende dorée tire ce nom du manuscrit illustré de 226 miniatures présentant la traduction, par Jean de Vignay, de l’ouvrage éponyme de Jacques de Voragine, et conservé à la Bayerische Staatsbibliothek de Munich.
  2. Augustin d’Angleterre (à ne pas confondre avec l’évêque d’Hippone) envoyé par le pape Grégoire le Grand en mission à Cantorbéry en 596.
  3. pillé et détruit par les Maures en 732, puis de nouveau , après restauration, par les Normands au IXe siècle, dans cette petite ville déjà ravagée par Attila en 451.
  4. Ebbon (775-851) fut évêque de Reims et légat du pape Pascal 1er, Drogon (801-855) évêque de Metz et grand mécène des arts.
  5. Érudit anglais (735-804) qui écrivait en latin.
  6. exécutée à Rome à titre de proclamation papale contre les Manichéens.
  7. décrits avec talent par J.K. Huysmans dans « La Bièvre et Saint Séverin »(1898)