Patrimoine chrétien de Bulgarie

Petit pays balkanique étendu du Danube aux Rhodopes du Nord au Sud, sur la rive Ouest de la mer Noire, la Bulgarie a connu à l’âge du Bronze et au premier âge du Fer une prospérité source de création artistique.

Influencée par la civilisation grecque, la région s’intègre plus tard à l’Empire romain et voit se développer des villes importantes, dont Serdica conquise au 1e siècle qui deviendra Sofia, Augusta Trajana (actuellement Stara Zagora) ou Philippopolis (actuelle Plovdiv).

A Pliska s’établit la capitale du premier royaume bulgare au IXe siècle, et c’est là que ce peuple né de la rencontre des populations thraces de la Mésie antique avec des immigrants slaves et des nomades d’origine turcomane adopte le christianisme orthodoxe, sous l’impulsion du roi Boris converti en 865. Le nom de « Bulgarie », d’origine turque, signifie « les mélangés ».

Il semble qu’une part de la population était déjà christianisée selon une légende qui attribue à un disciple de Paul de Tarse , Erm, la fondation du premier archevêché de Philippopolis et comme en témoignent les très anciennes églises de Peruhtitsa (« l’église rouge ») Saint Spa – Saint Sauveur de Golyamo Belovo, ou le monastère de Klisse Teppe à Novo Selo.

L’Edit de Serdica, précurseur de l’Edit de Milan et l’expansion du christianisme en Bulgarie

En 311 , l’empereur romain Galère, d’origine thrace1,grand persécuteur des chrétiens, avait publié l’ édit de tolérance dit «  Edit de Serdica »reconnaissant la religion chrétienne et mettant fin aux persécutions. Il l’avait fait en son nom et en celui des trois autres tétrarques Constantin, Licinius et Maximin Daïa, sans consulter ceux-ci, ce qui vaudra à l’édit de n’être officialisé qu’en 313 sous le nom d’édit de Milan ou « édit de Constantin » (considéré de fait comme le décret d’application de l’Edit de Serdica).C’est à Serdica que fut convoqué en 343le concile oecuménique de l’Eglise 343-344, considéré comme la suite du concile de Nicée de 325.

La puissance de cet Etat médiéval inquiétait Byzance, qui refusa de reconnaître l’indépendance de l’Eglise bulgare, mais le tsar Boris (rebaptisé Michel) obtint de Rome l’indépendance de cette Eglise qui élut son premier patriarche, Damian, en 870.

Dans le sillage du tsar Boris, les membres de sa Cour, de nombreux marchands , boyards et dignitaires militaires se convertirent et contribuèrent à l’édification d’églises, monastères et couvents d’une architecture et d’une décoration très raffinées. Le travail de l’or déjà très abouti dans le pays qui a produit le premier or travaillé en Europe, dès le Ve millénaire avant J.C., et la gravure de miniatures, étaient aussi très sophistiqués. L’influence de l’Empire byzantin voisin stimula la créativité et la richesse des décors.

Les monastères, foyers de l’hésychasme et avant-garde spirituelle

La vie monastique de cette époque était essentiellement consacrée à l’étude de livres liturgiques, leur copie et leur traduction. Aussi les monastères créèrent-ils des écoles où l’on enseignait la lecture, l’orthographe, la calligraphie.Ils devinrent ainsi de véritables centres littéraires et culturels, dotés des premières bibliothèques : Ecole des lettres de Preslav, Ecole d’Ohrid, au rayonnement remarquable. Les littérateurs bulgares qui ont travaillé dans les scriptoriums, tels Evtimii de Tarnovo et Théodose II se sont posés en véritables guides spirituels du peuple bulgare . Ils furent les promoteurs de l’hésychasme, enseignement mystique qui valorise l’isolement et la prière afin de s’unir à Dieu2. Ce courant fut la raison d’être du monastère de Paroria qui forma des moines de Bulgarie, Serbie et de Byzance fondateurs ensuite de nouveaux monastères.

Les monastères orthodoxes sont uniques par leur riche architecture, leurs icônes , leurs iconostases sculptées, leurs peintures murales anciennes et leurs archives et bibliothèques.

Les premiers complexes monastiques (monastères et églises) furent construits à partir de 865 : Grande basilique de Pliska, église ronde de Véliki Preslav et monastère Patleinski. Le plus grand monastère bulgare, celui de Rila, fut fondé par saint Ivan Rilski au Xème siècle, et celui de Bachkovo dans la région montagneuse des Rhodopes,en 1083.

Des monastères troglodytes furent fondés par des moines ascètes sous l’influence de l’hésychasme, pendant la période du second Etat bulgare (XIVe siècle), dans des régions montagneuses d’accès difficile et dans des grottes ou anfractuosités de rochers.

Les plus remarquables sont le monastère-ermitage de la Sainte Trinité d’Aladja doté de catacombes, à proximté de Varna, station balnéaire sur la Mer Noire, le monastère Saint Dimitar de Bassarbovo,au Nord de la Bulgarie.

L’ensemble des églises rupestres d’Ivanovo , au Nord, présente un cycle de fresques datées du début du XIVe siècle bien conservées à 38 m de hauteur à l’ aplomb d’une falaise ; il est à ce titre classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Il illustre un art byzantin abouti, avant la conquête ottomane.

Une créativité artistique toujours renaissante

Après la libération du joug byzantin et le choix de Tarnovo comme capitale du second empire bulgare (1185), commença une nouvelle étape dans le développement des monastères bulgares.

L’apogée de l’activité littéraire et artistique fut atteinte au XIVème siècle.

Mais, sous la domination ottomane à partir du XIVe siècle, la situation de l’Eglise bulgare fut très difficile. La plupart des monastères furent pillés et brûlés, les ecclésiastiques furent bannis ou massacrés. D’autres furent protégés par de bonnes relations avec le Sultan… ou leur situation inaccessible dans les montagnes.

Du XVe au XIXe siècle, la religion chrétienne resta le facteur majeur de consolidation et d’organisation de la vie des populations sous domination ottomane, en dépit de leur diversité ethnique.

Au XIXème siècle, la sculpture sur bois permit des créations très élaborées d’iconostases, de plafonds, de chaires (Ecole de Tryavna). La peinture d’icônes atteignit son apogée avec des maîtres tels Christo Dimitrov, Joan et Nicola Obrazopisov .

Une restauration patiente et talentueuse par des artistes travaillant les métaux précieux, les bois et la pierre permet aujourd’hui de perpétuer des centres spirituels : monastère de l’Assomption de Troyan, monastère de la Nativité de la Vierge de Rogène, monastère de la Transfiguration et monastère de St Nicolas Thaumaturge de Veliko Tarnovo, monastère de St Jean Théologien à Zemen,monastère de l’Assomption de Tchérépichki ,monastère de St Michel Archange à Dryanovo, monastère des Saints Kirik et Ulita d’Assenovgrad, pour ne citer que les plus importants.

Les églises

Sofia

L’église Saint Alexandre Nevski est de style néo-byzantin puisque construite après la Première guerre mondiale et consacrée en 1924.La crypte abrite une exceptionnelle collection de trois cents icônes écrites entre le IVe et le XIXe siècle. La basilique Sainte Sophie qui a donné son nom à la ville (VIe siècle), l’ église Saint Georges de la Rotonde (IVe siècle) Sainte Petka (Parascève des Balkans) du XIVe, et l’église de Boyana (XIIIe) dédiée à Saint Nicolas et Saint Pantéleimon.

présentent des peintures murales anciennes. Une église russe (Saint Nicolas) et une église catholique (Saint Joseph) complètent cet ensemble architectural chrétien de la capitale bulgare.

Plovdiv

Fondée au IVe siècle avant JC par Philippe II de Macédoine, Philippopolis était la capitale de la Thrace romaine. L’église des Saints Constantin et Hélène fut construite en 1833-1838 avec l’accord du Sultan. Sainte Nédélie (ou sainte Dimanche) présente une iconostase précieuse représentative de l’art bulgare.

Nessebar

L’antique Messembria , à la croisée de l’Orient et de l’Occident , a été fondée il y trois mille ans sur un éperon rocheux qui domine la Mer Noire. Successivement sous domination grecque, romaine, byzantine puis turque, elle intégra à la fin du XIXe siècle le royaume de Bulgarie.

C’est au Ve et VIe siècle qu’a débuté son rayonnement artistique avec la construction de deux sanctuaires de style constantinopolitain : l’immense basilique Sainte Sophie (ou « Vieille métropole ») , aujourd’hui en ruines, et la basilique de la Vierge de Miséricorde qui fut submergée par les vagues.

En 1366, la ville fut reprise aux Bulgares du second royaume bulgare par les chevaliers d’Amédée VI, comte de Savoie, ce qui lui permet d’échapper à la destruction. Offerte à l’Empire byzantin, elle verra se succéder de nombreux aristocrates byzantins exilés qui y financent des sanctuaires et des chapelles, ce qui vaut à Nessebar l’appellation de « ville aux quarante églises » :

Christ Pantocrator (XIVe) remarquable par son appareil de brique, pierre taillée et incrustations de grès vernissé, Sainte Prascovie,(XIVe),Saint Théodore(XIIIe), Saint-Michel-et-Saint-Gabriel (XIIe), Saint Etienne ( XIe), Saint Jean Aliturgetos (Saint Jean l’Incroyant) -une église probablement jamais consacrée, d’où son nom-, pour ne citer que les plus ornées.

C’est à son capital culturel ancien et ancré dans la tradition que l’on peut attribuer la capacité de résistance du peuple bulgare aux multiples invasions (Slaves, Petchénègues, Goths, Huns, Ottomans …) de cette région au carrefour de l’Orient et de l’Occident tout au long de son histoire millénaire.

Article publié dans la revue Una Voce n°319 de Novembre – Décembre 2018

  1. Auteur du « Lazare ressuscité » (1561) et de « l’Adoration des mages » (1564) de la chapelle San Francesco della Vigna de Venise, du plafond de la chapelle Pauline de Rome, et du fameux tableau « La calomnie » où il affuble ses accusateurs de longues oreilles d’âne, ce qui le fit bannir de Rome par le pape Grégoire XIII ;
  2. Auteur du « Lazare ressuscité » (1561) et de « l’Adoration des mages » (1564) de la chapelle San Francesco della Vigna de Venise, du plafond de la chapelle Pauline de Rome, et du fameux tableau « La calomnie » où il affuble ses accusateurs de longues oreilles d’âne, ce qui le fit bannir de Rome par le pape Grégoire XIII ;