La Sainte Coiffe de Cahors

Une passionnante relique

La fin de l’année 2019 a vu se terminer les célébrations du neuvième centenaire de la consécration légendaire de la cathédrale de Cahors par le Pape Calixte II, et l’ostension du linge désigné comme « la Sainte Coiffe du Christ , dont la présence en cette ville est mentionnée dès le XVème siècle. D’avril à décembre 2019, la relique supposée de la Passion du Christ a été proposée dans la cathédrale de Cahors (Lot) à la vénération des fidèles et des pèlerins.

Conservée dans la chapelle Saint- Gausbert de la cathédrale de Cahors, elle n’avait pas fait l’objet de procession depuis 1940, ni d’ostension depuis 1960. Jusqu’à cette date, elle était présentée à la dévotion des fidèles le dimanche et le lundi de Pentecôte, ainsi que lors des ordinations sacerdotales.

Elle est conservée dans le reliquaire en argent réalisé en 1899 par l’atelier de l’orfèvre pontifical Poussielgue-Rusand. Ce reliquaire est composé d’un cylindre central surmonté d’un dôme décoré d’anges et d’un pied ouvragé où figurent saint Didier qui fut évêque de Cahors, l’empereur Charlemagne à qui l’on devrait la présence de la Coiffe à Cahors, et le pape Calixte II qui aurait consacré l’autel de la Coiffe en 1119.

Qu’est -ce que la « sainte coiffe » ?

C’est un manuscrit de 1408 qui fait pour la première fois une mention fiable de la Coiffe. L’abbé Raymond de Foulhiac l’annote en 1657 en ces termes : « l’an 1408 est remarquable par une preuve de la relique du Saint Suaire conservée dans l’église-cathédrale de Cahors, étant dit dans les comptes des consuls de cette année qu’ils achetèrent quatre torches pour honorer à la procession du jour du Synode le Saint Suaire, que le manuscrit appelle en langue vulgaire le Sanct Capel parce que c’était le suaire de la tête, qui est fait comme une calotte à oreilles ».

L’Evangile de Jean (Jn,20,6-8) et celui de Luc ( Lc, 24,12) parlent de « bandelettes » posées à terre. Il s’agit de huit linges doubles très minces et d’une seule pièce, cousus l’un sur l’autre pour former une mentonnière. Caractéristique du mode d’ensevelissement pratiqué par les Juifs au 1er siècle, ce pathil est un élément des tachrichim1. Cette coiffe destinée à joindre les mâchoires après le décès présente des traces de sang du groupe AB, le même que celui du Linceul de Turin selon les conclusions du C.I.E.L.T2. Ces traces de sang de la Sainte Coiffe correspondraient à la zone blanche, sans traces de sang observée sur le Linceul de Turin. Cette zone comprend l’occiput, les joues, les oreilles et la naissance du cou.

Mathieu et Marc parlent, eux, du « sindona » (linceul) alors que Jean parle d’« othonia » (linge) mais dans la bible des Septante, les deux termes sont équivalents, issus de l’hébreu « jâdin », qui signifie : pièce de lin. À propos de Lazare, Jean évoque bien le « soudarion » (Jn,11,44)qui ferme la bouche du mort, et pour Jésus (Jn,20,7) « le soudarion qui était sur sa tête », identifiable donc comme le linge « distinctement enroulé à part » du « sindon » les longueurs de drap de lin ayant enveloppé le corps.

Champollion le Jeune a confirmé après l’avoir examinée en 1844 que sa forme est bien antique et orientale et que le crêpe de lin est caractéristique d’une facture des premiers siècles de notre ère.

Le voyage de la Sainte Coiffe, de la Palestine à Cahors.

C’est au début du IXe siècle que l’empereur Charlemagne aurait reçu ce linge des mains du calife Haroun al Rachid. Il l’aurait confié à Aymat de Cahors. Une autre version historique suggère que c’est l’impératrice Irène qui en aurait fait don à Charlemagne. Quoi qu’il en soit, en 1110, la relique aurait été rapportée par Géraud de Cardaillac à Cahors avant qu’en 1119, le pape Calixte II ne consacre l’autel de sa conservation, en la cathédrale de Cahors. Cette venue de Calixte II à Cahors est mal documentée, et, en l’état actuel des recherches, elle est incertaine, mais vraisemblable.

Ce n’est qu’en 1484 qu’un premier reliquaire est fabriqué : il enchâssait un globe d’argent dans lequel était placée la Coiffe. Le reliquaire fut disposé dans la « chapelle profonde » au sud de la cathédrale, consacrée par Antoine d’Alaman la même année. Un siècle plus tard, le sac des Huguenots envoie la relique dans un ruisseau, d’où l’extrait une mendiante à qui elle est rachetée pour quatre mesures de froment.

Une nouvelle châsse est fabriquée en 15853 et Marc-Antoine Dominicy publie en 1640 la première étude sur la relique « De sudario capitis Christi », accompagnée d’une planche gravée, en réponse à un historien qui l’avait déclarée fausse.

Alors que la peste atteint Cahors en 1652, Alain de Solminhiac4 ordonne que la Sainte Coiffe soit portée en procession.

En 1696 est édifié dans la Chapelle de la Sainte Coiffe un nouveau retable conçu selon les prescriptions du Concile de Trente par Gervais Drouet de Toulouse, élève du Bernin.

La Coiffe traverse la Révolution sans dommages, ayant été cachée en 1791 par un évêque constitutionnel, Monseigneur d’Anglars.

1899 voit la publication de la « Notice sur le Saint Suaire de la tête de Notre Seigneur », et la confection du reliquaire actuel en bronze doré, qui fut placé dans la chapelle Saint Gausbert de la cathédrale de Cahors. Une ostension du haut de la chaire y eut lieu jusqu’en 1960 à chaque Pentecôte ainsi que lors des ordinations sacerdotales. Les processions se poursuivirent jusqu’en 1940.

L’ostension de 2019 renoue donc avec la vénération publique, en proposant avec force et solennité la méditation de la Passion et du mystère sacré qui entoure toutes ces reliques.

Article publié dans la revue Una Voce n°326 de Mars – Avril 2020

  1. Les tachrichim sont un ensemble de vêtements funéraires pour l’ensevelissement des corps et comprennent le linceul(« sindona »), le suaire(« soudarion ») et la coiffe (« othonia »).
  2. le C.I.EL.T., Centre d’études internationales sur le linceul de Turin, a été fondé en 1989 par John Jackson, le Dr Mera, et le Pr Lejeune, en réaction aux conclusions du groupe de travail qui, ayant examiné un fragment du Linceul, l’avait daté du XIVe siècle. Son conseiller théologique actuel est le prieur général de l’ICRSP.
  3. le meuble renfermant la châsse détruite en 1580 se trouve toujours à la garde de la Maison des marquis de Braquilanges au château de Cénevières (Lot). Ce même château conserve dans la chapelle castrale une partie de la table d’autel dite consacrée par Calixte II. Voir l’article d’Isabelle Rooryck, conservateur en chef honoraire du patrimoine sur https://www.lerougeetlenoir.org/contemplation/les-contemplatives/une-relique-insigne-du-christ-au-tombeau-la-sainte-coiffe-de-la-cathedrale-saint-etienne-de-cahors
  4. Alain de Solminhiac, comte de Cahors et prince, fut évêque de Cahors de 1636 à 1659.