Récits et carnets de voyage, de J.K. Husymans (1848-1907) ARTHAUD, 2022

La littérature de voyage est aujourd’hui une catégorie à part entière, alimentée par une pléthore de publications où chacun raconte son voyage, en des textes dont l’ennui rappelle les séances de « diapos » que les voyageurs de la fin du XXe siècle, assénaient à leurs hôtes entre le dessert et le café, de quoi somnoler plus ou moins béatement.
D’où la surenchère que se livrent les éditeurs, chacun se sentant légitimé à partager son expérience, ses « bons plans » ou son carnet secret (qui dès lors, ne le sera plus) dès lors qu’il a parcouru un tronçon de la route de la soie ou du chemin de Compostelle. L’aventure n’est pas de découvrir des terres inconnues : il n’y en a plus. L’aventure est bien de découvrir des terres inconnues de soi. Il n’est pas donné à tout le monde d’en parler avec finesse.

C’est pourquoi les carnets de voyage de Huysmans sont à recommander, comme une vraie expérience à partager : d’abord parce qu’ils furent écrits entre 1876 et 1904 et que c’est un témoignage des conditions dans lesquelles on voyageait à l’époque, ensuite parce qu’ils émanent d’un voyageur qui aimait visiter des lieux, mais n’aimait pas voyager pour s’y rendre.
Ainsi, le chapitre sur « le buffet des gares », « dont le patron qui est chez lui, ne voit que des malheureux qui regrettent leur chez-eux, mastiquant la pénitence filasse d’un veau tiède, les yeux fixés sur l’horloge » et celui sur le « sleeping-car, ce « cercueil houleux qui flotte » valent tous les « Routards » du monde !

Francfort, Cologne, Amsterdam, La Haye, Delft, Bruxelles, Bruges mais aussi Bourges, Dijon, Colmar, Bordeaux, Strasbourg et Reims sont ainsi recensées, en un florilège européen dont le fil conducteur est la beauté, le charme, que dégagent les lieux ; pour finir à Lourdes qui vaudra à Husymans d’écrire, outre les deux récits de 1903 et 1904 présents dans ce livre, l’ouvrage d’une spiritualité profonde autant que sceptique « les foules de Lourdes » (1906).

Huysmans promène sur tous ces lieux un élégant détachement parfois ronchon : sur les conditions de voyage, sur les lieux (beaucoup d’églises) et enfin sur les personnes croisées, non sans toujours chercher à comprendre les autres.