Frédéric Blanc, au cœur de l’orgue

Une rencontre décisive : Marie-Madeleine Duruflé

C’est au cours de ses études au conservatoire de Toulouse, après être passé à celui de Bordeaux que Frédéric Blanc rencontra en 1991 Marie-Madeleine Duruflé, venue dispenser des « master classes » à l’invitation de l’organiste toulousain Xavier Darasse : organiste-assistant à la basilique Saint Sernin de Toulouse, Frédéric Blanc improvisait à l’orgue, un Cavaillé-Coll de 54 jeux sur trois claviers de 1889, restauré par la suite ( 1996) , puis relevé en 2017. Marie-Madeleine Duruflé qui n’avait pas d’enfant le prit sous son aile et se montra durant des années de formation et de perfectionnement un « professeur exigeant », un guide « en qui tout était élevé, sa foi, son sens des autres, sa pratique de la musique ».

Aujourd’hui encore, Frédéric Blanc est fidèle à sa mission en tant que « fils spirituel » et dépositaire d’un héritage musical, mais aussi responsable de l’orgue que les Duruflé avaient fait construire à partir de 1955 par les Établissements Gonzalez1 dans leur appartement, au dernier étage d’un immeuble de la place du Panthéon dominant Paris.

Une carrière internationale et parisienne

Commencée en 1997 par le Premier prix du concours international de la Ville de Paris (présidé par Marie-Claire Alain), après la préparation intensive et soignée de Marie-Madeleine Duruflé, la carrière internationale de Frédéric Blanc l’a amené très vite en Europe, pour des récitals et des festivals (Friedrichshafen, Bonn, Chartres, Roquevaire, Toulouse, Rome, Monaco, Stuttgart, Helsinki, Oslo, Edimbourg et Linz, mais aussi aux États Unis (Chicago, Los Angeles). Comme le fit Madeleine Duruflé en son temps, il prépare des élèves aux concours internationaux tant pour l’improvisation que pour l’intéreprétation.
À Paris, il est titulaire de l’orgue Cavaillé-Coll de Notre Dame d’Auteuil depuis 1999.

L’orgue de Notre Dame d’Auteuil à PARIS

Grand amateur d’orgues, l’abbé Lamazou, curé de Notre Dame d’Auteuil, fit en sorte que le marché de la construction de l’orgue échût à Cavaillé Coll, qui devait la même année (1877) construire dans un délai intenable le grand orgue du palais du Trocadéro pour l’Exposition universelle de 1878 à Paris. L’abbé Lamazou fut sollicité pour le « prêt » temporaire de l’orgue de Notre Dame d’Auteuil (trois claviers et quarante-cinq jeux) auquel Cavallié-Coll adjoignit un quatrième clavier et deux tourelles de 32 pieds. Ces additions à la charge de l’Etat et devant restant sa propriété après l’exposition, annonçaient un conflit qui éclata lorsque la démolition du palais fut décidée. Comme elle fut finalement ajournée, Cavaillé-Coll refit un orgue entièrement neuf pour Notre-Dame d’Auteuil, avec seulement deux claviers (Grand Orgue et récit expressif), que Charles-Marie Widor inaugura en 1885.
Après un premier relevage de Cavaillé-Coll en 1912, le clavier secondaire manquant (Positif expressif) fut ajouté en 1937 par Gloton-Debierre.Un dispositif électrique qui fonctionne encore de nos jours fut installé et l’étendue des manuels fut portée à 56 notes, celles du pédalier à 32 notes, pour 53 jeux sur trois claviers.

Cet orgue a été relevé en 1963 puis en 1983-1984 par la maison Beuchet-Debierre et l’ébéniste Marcel Fauvet a entièrement verni le buffet. Le dernier relevage a eu lieu en 2015, sous l’impulsion du curé, le père Antoine de Romanet qui lança une souscription auprès des paroissiens et fut aidé aussi par la D.R.A.C. d’Ile-de-France et la mairie du XVIe arrondissement. Les cérémonies officielles de l’inauguration en septembre 2018 ont permis à Frédéric Blanc d’y exercer son talent d’improvisateur et d’interprète et de concevoir un programme éclectique autour de l’orgue, de la littérature et de la poésie.

Cet orgue aux sonorités exceptionnelles permet d’interpréter avec  un rare bonheur la musique des organistes des années 1930 (Vierne, Fleury, Messiaen, Langlais, Grünenewald, Alain, Tournemire, Dupré).
L’église actuellement en travaux réouvrira ses portes en 2024.

La liturgie grégorienne

Frédéric Blanc se situe sur ce point dans la ligne directe de Marie-Madeleine Duruflé. Il a appris le chant grégorien alors qu’il était enfant de chœur dans un petit village du Médoc où était célébrée la messe de Paul VI. « J’aimais la solennité, et c’est par ces premières célébrations que j’ai approché l’orgue et senti ma vocation » raconte-t-il. « Le grégorien est un fil rouge : il représente l’universalité de l’Église, il donne aux offices dignité et beauté, il nous fait accéder à la Transcendance », ajoute-t-il, regrettant de ne pouvoir accompagner plus régulièrement le répertoire liturgique tridentin puisque seules cinq paroisses à Paris sont pour l’heure autorisées à célébrer la messe Saint Pie V le dimanche. Mais il était présent aux côtés des Bénédictins de Solesmes, lors de l’installation du Père Abbé en juillet 2022 et développe des projets musicaux dans le domaine du chant grégorien.
Rappelons que Maurice Duruflé est membre (à titre posthume) du comité d’honneur d’UNA VOCE, ayant pris dès l’origine le parti de l’Association en faveur de la liturgie tridentine, et orientant son travail d’organiste sur les conseils d’Auguste Le Guennant. « Vouloir séparer le chant grégorien de la liturgie catholique, c’est vouloir la mutiler, au rebours de l’article 54 de la Constitution sur la Sainte Liturgie voté à la quasi-unanimité de 2147 voix qui recommande de veiller à ce que les fidèles puissent dire et chanter ensemble en langue latine les parties de l’ordinaire de la messe qui leur reviennent ». Maurice Duruflé faisait le pari que la désaffection depuis 1965 du « chant propre de l’Eglise romaine » pour reprendre les termes de Saint Pie X, ne pouvait être que le présage d’une « nouvelle résurrection », sûr que « la richesse de sa substance musicale, son potentiel expressif, sa spiritualité profonde étroitement liée à la liturgie pendant des siècles, devaient surmonter la crise qui lui avait été imposée sous le prétexte fallacieux de prétendues décisions conciliaires ».

Comme Marie-Madeleine Duruflé dont il recueillit les confidences, Frédéric Blanc a fait sienne la déclaration 120 de la Constitution Sacrosanctum Concilium « On estimera hautement, dans l’Eglise latine, l’orgue à tuyaux comme l’instrument traditionnel dont le son peut ajouter un éclat admirable aux cérémonies de l’Église et élever puissamment les âmes vers Dieu et vers le Ciel ».

Discographie et œuvre écrite de Frédéric Blanc

Etude sur André Fleury, Editions l’Orgue-cahiers et mémoires.
« Maurice Duruflé, Souvenirs (1976) et autres écrits (1936-1986) » Frédéric Blanc, Editions Séguier, 2005.
Reconstitution d’improvisations de Pierre Cochereau.
« Grand orgue Cavaillé-Coll de Notre Dame d’Auteuil, Transcriptions symphoniques » QM 7092, 1’07’’ , 2020.
« Les grandes Orgues Cavaillé-Coll de la basilique Saint Sernin de Toulouse » Motette Ursina CD 11451, 1990, 78’48’’.
« Dix-huit versets improvisés » Motette Ursina CD 11831, 1993.
« Live improvisations à Chartres, Bonn, Angoulême, Toulouse » Aeolus AE-10091, 1999.
« Hommage à André Fleury, Vingt-quatre pièces pour orgue », Aeolus AE-10151, 2002.
« Live improvisations » Quantum 2002.
« Après un rêve, à l’orgue de Barsac (Gironde) » , ROB (Renaissance de l’orgue à Bordeaux).

Site Internet de Fréderic Blanc : fredericblanc.org

  1. Victor Gonzalez (1877-1956), l’un des derniers apprentis d’Aristide Cavaillé-Coll, fonda avec son fils Fernand cet atelier repris à sa mort par son gendre Georges Danion (1922-2005), qui racheta ensuite la maison Jacquot-Lavergne. La direction de ce nouvel Etablissement fut ensuite confiée à Bernard Dargassies lorsque Georg Danion et son épouse Annik Gonzalez (décédée en janvier 2022) s’installèrent à Lodève pour y fonder la Manufacture languedocienne de grandes orgues (1980). Les Gonzalez ont réalisé de nombreux orgues « de salon ».