Intelligence artificielle ou artifices de l’intelligence ?

Dans une passionnante exposition sur l’invention et le développement de l’imprimerie en Europe à la fin du XVe siècle et au XVIe, visible actuellement à la Bibliothèque Nationale de France à Paris (site « Mitterrand »), sont relatées les interrogations de l’humaniste et imprimeur Henri Estienne. (« Artis typographicae querimonia », 1569)

« Si donc une troupe d’ignorans fait un mauvais usage de mes caractères, de mes papiers, de mes presses et de tous les instruments de mon art, aura-t’on droit pour cela de m’appeler moi-même en jugement ? Devrai-je être réputé complice de gens que je ne me cache pas de haïr plus qu’on ne hait le chien enragé et le serpent venimeux ? »

L’interrogation est bien d’actualité en 2023 : il faut savoir quelle est la finalité de l’outil avant de s’émerveiller ou s’affoler sur son usage. Certaines entreprises ont bien compris le danger « d’offrir des données à Microsoft et Google ayant bien plus de valeur que le service rendu » (Lucie Roquebain, « Les Echos », Mai 2023). et s’orientent vers une exploitation de l’intelligence artificielle « pour développer leur propre verticale, en gardant la maîtrise de leurs contenus ».

Henri Estienne l’avait bien compris, humaniste lui-même, qui s’entoura de confrères lettrés, d’érudits, afin de ne pas publier n’importe quoi, au motif que c’était publiable.