Parole de papier

Première nouvelle de 2025

Pour en avoir plus sur les papiers roulés, consultez l’article Les Paperoles : l’orfèvrerie du papier

Détail reliquaire avec corne d'abondance

Les Paperoles : l’orfèvrerie du papier

Très pratiqué depuis la Renaissance dans les monastères, la confection de tableaux en Paperoles atteint son apogée au dix-huitième siècle avec la confection de petits tableaux religieux, souvent des reliquaires. Au Moyen Âge, seuls les grands de ce monde pouvaient posséder des reliques qu’ils aimaient présenter dans de riches pièces d’orfèvrerie. Après la contre-réforme, l’engouement pour les reliques et leur arrivée en très grand nombre de Rome après la découverte des Catacombes ont amené les religieuses cloîtrées françaises à créer d’humbles tableaux- reliquaires qui permettaient de voir les précieux ossements présentés dans un écrin qui les magnifiait.

Les reliques

Dès le XVe siècle, des béguines et moniales cloîtrées des Flandres mettaient en scène des personnages de l’Ancien et du Nouveau Testament dans un décor riche de broderies et de fleurs monté dans des boîtes appelées « jardin clos ».

Les XVIIe et XVIIIe siècles ont été l’âge d’or des reliquaires à Paperoles. Le culte des reliques était développé, visant à permettre au plus grand nombre de fidèles la vénération des restes sacralisés des saints selon l’adage de Saint Grégoire « Les corps des martyrs ont les mêmes pouvoirs que leurs saintes âmes ». Le Concile de Trente avait réaffirmé l’importance du culte des saints mais demandait plus de rigueur dans l’authentification des reliques, ce que détailla Charles Borromée dans un décret de 1576. Les reliquaires eux-mêmes recevaient un certificat de l’Évêché, un « authentique », que peu de reliquaires ont conservé intact.

Les reliquaires étaient destinés aux bienfaiteurs de l’Ordre ou aux visiteurs de marque.

Elles sont donc le sujet central des reliquaires à Paperoles : un fragment d’os la plupart du temps, mais aussi des miroirs gravés, des canivets1, des Agnus Dei2, de la pâte de reliques, des émaux de Limoges, des sujets en os ou verre filé, des images sur vélin… Des saints ainsi évoqués, certains étaient prisés, soit comme fondateurs d‘un Ordre, soit comme dotés de vertus spécialement édifiantes : saint Jean de la Croix, Sainte Thérèse d’Avila, Saint Jean Baptiste, Sainte Madeleine pénitente, Saint François de Sales.

Bénédictines, Visitandines, Carmélites et Ursulines se sont spécialisées dans ce travail, et ont fabriqué aussi, à destination de leurs familles dont la clôture les avait séparées, des « boîtes de nonnes » reproduisant et donnant à voir leur mode de vie par la reproduction en miniature de leur cellule, avec son mobilier -lit, chaise, coffre- et ses objets -lampe à huile, bénitier, crucifix, pot à eau, corbeille à ouvrage-. La Provence, la Normandie et le Sud-Ouest de la France ont été des régions les plus productives en reliquaires en papiers roulés.

Technique de travail d’un matériau simple, disponible et peu coûteux

Une paperolle est une fine bande de papier de quelques millimètres de hauteur, telle que les ateliers de reliure en disposaient en abondance après avoir massicoté les rames de papier. Ces bandes d’épaisseur et de largeur variables, parfois peintes ou dorées sur tranche, pouvaient être pliées, plissées, gaufrées, frisottées, et surtout enroulées sur elles-mêmes en petites boucles et spirales, pour former toutes sortes de figures : motifs géométriques, éléments d’architecture (colonnes et pilastres), éléments décoratifs (fleurs, fruits, guirlandes). En utilisant des papiers argentés ou dorés, de riches décors d’orfèvrerie pouvaient être imités à moindre coût. Les couvents faisant de la reliure pouvaient fabriquer eux-mêmes les bandes de papier.

Les outils étaient facilement disponibles car utilisés aussi pour la broderie pratiquée dans les couvents : ciseaux, aiguilles, poinçons, pinces.

Réalisés sans contrainte de temps, sans contrainte d’argent, de façon « gratuite », ces objets d’art dans lesquels la modestie côtoie la splendeur disent la ferveur et la piété de leurs discrets artisans, ad majorem Dei gloriam.

Le chœur de Paperoles de l’Église des Cordeliers de Toulouse 

Cet objet de dévotion privée datant du dix-huitième siècle, exposé au musée Paul Dupuy de Toulouse, est fabriqué intégralement en papier et mis sous verre, avec des rideaux de textile entrouverts couronnant la partie supérieure. Des papiers dorés ou marbrés gris, roses ou noirs reproduisent la richesse de l’architecture baroque : colonnes, pilastre, autel central et également les décorations de guirlande et médaillons.
L’opulence décorative est rendue par l’utilisation de différentes techniques de travail du papier : les papiers gaufrés créent des angelots voletant ou des médaillons présentant de minuscules scènes figurées en faible relief. Les guirlandes de fleurs, les rubans en arabesque et les détails des chapiteaux corinthiens sont réalisés en Paperoles. Le chœur de l’église des Cordeliers est remarquable par sa taille et son bon état de conservation.

Bibliographie

– « Reliquaires à papiers roulés des XVIIe, XVIIIe, XIXe siècles » : actes de la Journée d’études du 24 septembre 2004, Trésors de ferveur et Mâcon Imprimerie, 2005
– Catalogue d’exposition à la Chapelle du Carmel de Châlon-sur-Saône, Éditeur Office de la culture de Châlon-sur-Saône, 2022.
– Catalogue d’exposition au Château d’Ainay-le-Vieil « Grottes, jardins clos et reliquaires, merveilles de papier » Imprimerie Sire, 2022.
– Catalogue d’exposition « Trésors de dévotion », à la cathédrale Saint Jérôme de

Article publié dans la revue Una Voce n°351 de Avril – Mai 2025

  1. Un canivet est une image pieuse réalisée au canif pour imiter une dentelle. Depuis le XIXe siècle, les canivets sont réalisés mécaniquement.
  2. Petit médaillon de cire représentant au revers un agneau vexillifère, à l’avers un saint, réalisé tous les sept ans ou à l’occasion d’un événement particulier, à partir de la cire des cierges pascals des basiliques romaines. Bénis par le Pape les mercredi, jeudi et vendredi in albis, ils étaient offerts lors de la fête de la Présentation de l’année suivante. On leur attribuait des vertus prophylactiques contre les catastrophes, la foudre et la mort subite.

SANTA COLOMA (Principauté d’Andorre) : l’Esprit de l’art roman catalan

Cette petite église de la Principauté d’Andorre dresse fièrement son clocher cylindrique1 aux baies lombardes sur le versant Sud des Pyrénées andorranes, à quelques kilomètres en aval de la capitale Andorre-la-Vieille. Un nouvel espace muséographique moderne, face à l’église du XIe siècle, met en valeur un exceptionnel ensemble de fresques dont une partie seulement est encore en place dans l’église. Cette reconstitution fait suite au retour d’une partie de ces fresques dans l’église d’origine, à l’issue d’un long périple.

L’abside est caractéristique des constructions catalanes, immédiatement antérieures à l’apparition du style roman. De forme rectangulaire et voûtée, elle communique avec la large nef par un arc outrepassé ouvert dans un mur de séparation. Ce style transitoire entre le roman et le gothique se nourrit des influences artistiques byzantines, arrivées en Andorre de tout l’ensemble méditerranéen à travers différents centres artistiques.

Les fresques : le roman catalan dans sa vérité

La tradition attribue ces peintures au cercle du « Maître de Santa Coloma ». Le terme de « maître » ne fait pas référence à un seul personnage, mais plutôt à une esthétique et un savoir-faire commun aux artisans de plusieurs ateliers qui diffusèrent la tradition romane lombarde et byzantine des deux côtés des Pyrénées, à partir d’un vaste réseau de relations avec des filiales et d’autres monastères. On attribue également à ce cercle les ensembles d’Engolasters et Les Bons, que l’on peut admirer au musée national de Barcelone.

On ne peut plus admirer dans l’église qu’un mince fragment au-dessus de l’arc d’entrée du sanctuaire : l’Agneau de Dieu porte la croix, dans un médaillon soutenu par les ombres à demi effacées de ce que furent deux anges aux vives couleurs. Il faut se déplacer jusqu’au musée pour contempler les peintures déposées par la technique du strappo2 et ici reposées après leurs nombreux voyages et changements de propriétaires au XXe siècle : Colombe du Saint Esprit encadrée par Sainte Colombe et la Vierge, et par saint Pierre et saint Paul. Puis, dans la zone Nord de la voûte, le Christ en gloire dans l’amande mystique, entouré par le tétramorphe, symbole des quatre évangélistes : Matthieu, l’homme, Jean, l’aigle, Luc, le taureau et Marc, le lion. Dans la partie Sud de cette voûte, le collège apostolique se présentait sous des arcades et se prolongeait sur le mur occidental, Saint Grégoire et Saint Sylvestre apparaissant dans l’intrados de l’arc triomphal. La chaude palette chromatique et l’utilisation de fines lignes de couleur blanche, qui donnent de la vivacité et de la profondeur aux personnages, sont des aspects qui marquent bien une transition avec ce qui se fera ultérieurement dans le style gothique.

Un périple mondial

Peu de temps avant la guerre, en 1939, le marchand d’art barcelonais Josep Bardolet acheta à l’évêque d’Urgell3 les fresques de Santa Coloma. Le restaurateur italien Arturo Cividini les déposa au moyen de la technique du strappo. Bardolet, pour tirer profit de la vente, fragmenta l’ensemble en deux parties. D’un côté, les peintures de l’intérieur de l’abside et d’autre part, les peintures de l’intrados de l’arc. Ces dernières —les saints Grégoire et Sylvestre— passèrent par Madrid, et se retrouvèrent à la Brummer Gallery de New York. Puis, les deux saints furent séparés : le fragment de saint Sylvestre fut confié au Mead Art Museum de Amherst (Massachusetts), où il se trouve toujours. Le fragment de saint Grégoire, quant à lui, passa par le Missouri et le New Jersey avant d’être mis aux enchères à Paris, où il demeura, à priori jusque dans les années soixante-dix, avant qu’on en perdît la trace.

D’autre part, les fragments de l’intérieur de l’abside —le Christ en majesté et le collège apostolique— furent vendus directement au Baron Van Cassel, banquier belge et grand amateur d’art, qui les emporta dans sa résidence de Cannes. Lorsqu’il émigra aux États-Unis en raison du climat d’avant-guerre, il répartit son importante collection dans différents dépôts auprès de personnes de confiance. Mais malgré ces précautions, les autorités nazies réquisitionnèrent tous ses biens. Les peintures murales qui purent être sauvées du chaos transitèrent par la France, l’Autriche et l’Allemagne, et finirent dans les mines de sel d’Altaussee (Autriche).

À la fin de la guerre, elles ne furent pas restituées à Van Cassel et restèrent à Munich, puis à Berlin, jusqu’à ce qu’elles soient restaurées trente-cinq ans plus tard pour être exposées à la Gemälde Galerie de Berlin.

Ce voyage prit fin avec le retour définitif en Andorre en 2007, grâce à la politique de récupération du Gouvernement d’Andorre, et l’engagement de l’exécutif allemand contracté lors de la Conférence de Washington de 19984. Les fresques ont été restituées aux héritières du Baron Van Cassel, qui ont décidé de les vendre au Gouvernement d’Andorre.

Sauvée par le culte qui lui est rendu, la Vierge à l’Enfant du 12e siècle, elle, est restée en place. Elle tient dans sa main droite un vase qui serait le « vase des remèdes célestes », d’où son nom de « Verge del remei. » typique des Vierges catalanes avec ses sabots noirs.

Le tabernacle et le retable plus tardif sont typiques du baroque catalan par l’exubérance des attitudes, la roseur des visages et les ors en volutes et guirlandes.

Cet ensemble qui resplendit de couleurs dans une architecture austère de granit gris est typique de l’art roman catalan dont on peut contempler les reconstitutions au musée d’art catalan de Barcelone et , plus rarement, in situ comme à Santa Coloma.

Article publié dans la revue Una Voce n°351 de Avril – Mai 2025

  1. En fait constitué de quatre panneaux plats reliés par des surfaces courbes à l’emplacement des angles.
  2. Strappo : méthode de dépose des peintures murales qui consiste à détacher uniquement la couche picturale superficielle d’une fresque, sans son enduit, par application de tissus (gaze, coton ou chanvre) imbibés de colle organique hydrosoluble . En séchant, ces tissus se contractent en exerçant une force suffisante pour ôter la couche picturale qui sera fixée ensuite sur un nouveau support.
  3. Depuis le XIIIe siècle, la souveraineté de la principauté est partagée entre deux « co-princes » : l’évêque d’Urgell, ville espagnole voisine d’Andorre, et le Président de la République française, successeur du premier co-prince français, le comte de Foix.
  4. Cette conférence commanda la restitution de tous les biens spoliés pendant la Seconde Guerre mondiale.

« Le vœu de Louis XIII » d’Ingres à Montauban

Ce grand tableau réalisé par Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867), installé en 1826 dans la chapelle d’axe de la cathédrale de Montauban (puis en 1867 dans le transept nord où il se trouve toujours) fait l’objet d’un dépôt exceptionnel consenti au Musée Ingres (ancien Hôtel de Ville de Montauban) par l’État et la D.R.A.C. Occitanie. Il est donc exposé dans la chapelle du musée depuis début mars 2025 et pour la durée de la fermeture de la cathédrale pour travaux.

Construite entre 1692 et 1739 pour manifester la reconquête de la royauté catholique sur la ville protestante, sur des plans des architectes de Louis XIV et grâce à des fonds collectés par Monseigneur de Colbert, la cathédrale de Montauban a été embellie après le rétablissement du diocèse en 1809 et surtout l’établissement en 1824 du nouvel évêque Monseigneur de Chéverus : l’édifice avait été vidé de tout son mobilier durant la Révolution. Une restauration du tableau nécessitée par une tempête en 2015 a été achevée en 2017.

Présenté au Salon de 1824, ce tableau avait été commandé en août 1820 par le ministère de l’Intérieur avisé des commentaires élogieux de Charles Thévenin, directeur de l’Académie de France à Rome, sur la toile Jésus remet à saint Pierre les clés du Paradis que venait de peindre Ingres pour l’église du couvent de la Trinité-des-Monts de Rome. C’est bien dans l’atelier d’Ingres à Florence, conçu dans la grande tradition des ateliers des peintres de la Renaissance, que le Vœu de Louis XIII a été en partie réalisé par le Maître.

Le choix du « Vœu de Louis XIII » n’était pas fortuit, Louis XIII ayant du lever le siège devant Montauban en 1621 face aux protestants. La mise « sous la protection de la Sainte Vierge à son Assomption du Royaume de France » prenait tout son sens pour Ingres qui a produit quantité de dessins préparatoires à cette œuvre réalisée en quatre ans. Soixante-dix de ces esquisses au graphite et à la pierre noire sur papiers de couleurs sont actuellement exposées au musée Ingres de Montauban.

La cathédrale recèle plusieurs autres tableaux remarquables, la « Présentation de la Vierge au Temple » du peintre toulousain Despax (1710-1773), et une rare toile du Cavalier d’Arpin (1568-1640), peintre romain maître du Caravage, représentant Saint Jérôme au désert (1590).

« On a dit, Messieurs, que mon atelier était une église ; eh bien, oui ! Qu’il soit une église, un sanctuaire consacré au culte du beau et du bien et que tous ceux qui y sont entrés et qui en sortent réunis ou dispersés, que tous mes élèves enfin, soient partout et toujours les propagateurs de la vérité. »

Article publié dans la revue Una Voce n°351 de Avril – Mai 2025

Apogée

« Apogée », forcément féminin !

GRDF : une lettre de trop

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