Le trésor de San Gennaro

« Sanguis martyrum semen christianorum » (le sang des martyrs est semence de chrétiens) San Gennaro (saint Janvier en français) de Naples ne fait pas mentir cette sentence de Tertullien (160-220). Condamné à divers supplices qui n’eurent pas raison de lui, il fut finalement décapité sous Dioclétien le 19 septembre 305.
La chapelle érigée au XVIe siècle pour abriter ses reliques, adjacente à la cathédrale de Naples, abrite un trésor exceptionnel par sa richesse et sa qualité, constitué au fil des siècles par de nom
breux bienfaiteurs.

La Chancellerie de Loches vient d’accueillir une partie de ce trésor qui a été très peu exposé hors d’Italie. Il comprend vingt-et-un mille pièces d’orfèvrerie, ce qui en fait l’un des plus riches au monde, surpassant celui de la Couronne d’Angleterre et des tsars de Russie. Le buste-reliquaire lui-même, pièce maîtresse du trésor, commandé en 1304 par Charles II d’Anjou à un orfèvre français pour célébrer le millénaire de la mort du Saint ne peut quitter Naples puisqu’il contient les reliques de la tête du Saint. C’est une réplique réalisée en 2014 qui est exposée.

Le miracle de San Gennaro

Le lendemain de la mort par décapitation de l’évêque de Bénévent, la pieuse Eusebia recueillit son sang dans deux ampoules. Et aujourd’hui encore, trois fois par an1, le sang de ces ampoules passe de l’état solide à l’état liquide. L’année sera favorable si la liquéfaction se produit rapidement. Si elle tarde à venir, c’est un mauvais présage. Alexandre Dumas témoigna en son temps que « la ferveur était telle qu’il faut d’ordinaire quatorze à quinze heures pour accomplir le trajet d’un kilomètre » vers le chœur de la cathédrale. [pour assister à l’événement].

Ainsi, par simple reconnaissance, par souci d’être bien accueilli par les Napolitains ou parfois par pure superstition, chaque roi, Prince, grande famille ou simple citoyen offrait un cadeau à San Gennaro. Au début du XXe siècle, la reine Marie-José de Savoie fut interpellée vivement par le curé de la cathédrale alors qu’elle se recueillait devant le reliquaire sans avoir porté de cadeau à San Gennaro : elle ôta immédiatement de son doigt la bague qu’elle portait ce jour -là pour la lui remettre, avant de faire don plus tard, avec son époux Umberto, d’un ciboire en or, corail et malachite réalisé par les orfèvres de Torre del Greco2 qui travaillaient pour la Cour d’Italie.

La France et Naples

Les liens étroits entre la France et Naples expliquent le bref voyage à Loches de cette partie du trésor en 2021. Tantôt conquise, tantôt convoitée, Naples a été le rêve de nombre de souverains français. Les Normands ont fondé en 1130 le royaume de Sicile dont Naples fait partie. Un siècle plus tard, Charles d’Anjou, frère de Louis IX, est appelé par le pape pour reprendre le trône de Naples : ainsi débute un règne angevin de près de deux cents ans sur Naples (1266-1442). En 1282, le royaume de Naples et le royaume de Sicile sont séparés, mais la famille d’Anjou conserve le royaume de Naples. Chassée par le roi de Sicile, elle confie à Charles VIII de Valois la reconquête de la ville et les guerres d’Italie débutent, sans que les rois Louis XII ni François 1er puissent reprendre le royaume. La Couronne d’Aragon et les Habsbourg s’y succèdent, puis les Bourbons Sicile3 qui doivent laisser la place à la « République parthénopéenne4 »française en 1799. Transformée en royaume de Naples par Napoléon qui installe sur le trône son frère Joseph Bonaparte (1806) puis son beau-frère Joachim Murat (1808-1815), la ville vit la fin de la présence pluricentenaire de la France avec la condamnation à mort de Joachim Murat en 1815.

Les œuvres majeures du trésor de San Gennaro

Tobie, Sainte Irène, Saint Roch, Sainte Marie-Madeleine pénitente

Ces quatre statues monumentales ont été réalisées au XVIIIe siècle en argent fondu, repoussé et ciselé, et en cuivre doré par des artistes italiens (orfèvres et sculpteurs).

Tobie apparaît avec l’ange Raphaël, un des nombreux saints patrons de Naples désigné en 1792.

Sainte Irène, elle aussi patronne de la ville après son martyre sous Dioclétien en 304, est censée la protéger des orages et de la foudre, bloquant de sa main droite des éclairs en cuivre et veillant sur le plan en relief de Naples de sa main gauche.

Saint Roch, saint français du Languedoc auquel plus de deux cents paroisses sont dédiées en Italie (sous le vocable de San Rocco), est une statue plus tardive réalisée au XIXe siècle dans la pure tradition des artistes napolitains de l’époque baroque.

Sainte Marie-Madeleine pénitente, à l’expression triste et méditative, a été sculptée par Giuseppe Sanmartino et fondue en argent et bronze doré par Filippo del Giudice, orfèvre officiel de la Députation. Elle est entrée dans le trésor en 1757.

L’ostensoir de Murat

Murat offrit cet ostensoir dès son arrivée en 1808 avec le désir de se démarquer des troupes napoléoniennes qui l’avaient précédé en 1799 en commettant de nombreux pillages. Murat introduisit à Naples le code Napoléon, abolit la féodalité, fonda des écoles et décida d’honorer San Gennaro en faisant frapper une médaille d’or en l’honneur de la Députation. Réservée à ses membres, elle arborait la dédicace « del glorioso San Gennaro in mezzo alle palme del martirio5 ».

Vase de fleurs

Typique de l’orfèvrerie napolitaine à l’époque baroque, ce vase était destiné à remplacer les compositions de fleurs fraîches vite fanées sous le climat napolitain. On y voit deux angelots soutenant la mitre de San Gennaro, et les deux anses figurent la sirène Parthénope qui aurait fondé la ville. Le sculpteur Gennaro Monte était un des artistes officiels de la Députation.

Ces pièces du trésor de San Gennaro sont rentrées à Naples début octobre, et pour de longues années.

Article à paraître dans la revue Una Voce n°334 de Novembre – Décembre 2021

  1. En mai (avec une procession), le 19 septembre et le 16 décembre.
  2. Ville proche de Naples réputée pour sa production d’objets en corail(local) et de camées.
  3. Naples leur doit le Teatro San Carlo (1737)
  4. L’éphémère République parthénopéenne (du nom de la sirène Parthénope échouée dans la baie de Naples à l’emplacement où fut érigée une nouvelle ville, Nea Polis) fut créée par le Directoire afin de substituer au régime des Bourbons un régime favorable à la France révolutionnaire. L’aristocratie napolitaine signa avec Championnet en janvier 1799 une convention que refusa le peuple et Championnet s’empara de la ville que la Cour quitta pour Palerme. La République parthénopéenne fut créée avec le concours des libéraux et des « patriotes » sur le modèle français. Le cardinal Ruffo et Fra Diavolo, débarqués de la flotte de Nelson, reprirent la ville en juin 1799, prélude au retour à Naples du roi Ferdinand IV des Deux Siciles en juillet 1799.
  5. Murat ne fut sans doute pas assez grand donateur, car sa fin fut tragique après son rappel par Napoléon en 1812 sur le front russe et sa vaine tentative de retrouver après Waterloo son royaume de Naples. Arrêté alors qu’il tentait d’accoster en Calabre, venant de Corse où il s’était réfugié après Waterloo, il montra un grand courage lors de son exécution, refusant d’avoir les yeux bandés «  j’ai vu la mort d’assez près pour ne pas la craindre ».

Rétablissement de l’esclavage… Une utopie ? Non, c’est déjà fait !

Les livreurs en ville : de braves jeunes gens souvent noirs qui pédalent, qui pédalent en chantant toute la journée sous la pluie, la chaleur ou le froid, et se dépêchent, prennent des risques pour tenir la cadence imposée par leur employeur et pour ne pas se faire attraper par le client…

La manucure asiatique : la cliente n’a aucun scrupule à poursuivre sa conversation ou sa réunion Zoom en ignorant totalement la jeune femme qui s’occupe de ses mains (sauf pour lui dire « ah là ce n’est pas la bonne couleur » ou « là tu me fais mal »)…

Les employés des services de propreté des grandes villes : ignorés, voyant même leur travail immédiatement saboté par le citadin qui promène son chien et laisse tout sur le trottoir ou par le client du restaurant qui jette son mégot sur la chaussée…

Les ouvriers des mobilités douces, qui vont de station en station reprendre pour les recharger les trottinettes abandonnées sans ménagement sur les trottoirs…

Mais non, ce ne sont pas des esclaves, ces gens qu’on ne regarde pas, qu’on ne voit pas, et dont on est à l’aise en réunion Zoom pour défendre les droits et améliorer les conditions de travail, sans commencer par un peu de respect pour leur personne physique et leurs tâches ingrates !

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