La cathédrale de Cahors a proposé cette année une ostension exceptionnelle de son insigne relique, la « Sainte Coiffe ».
La chapelle où est exposée le reliquaire en argent de la Sainte Coiffe réalisé en 1899 est affiliée à la Basilique de saint Jean de Latran, par un indult du 6 mars 1871. « Les fidèles peuvent gagner en la visitant toutes les indulgences et faveurs spirituelles qu’ils gagneraient s’ils visitaient la basilique de saint Jean de Latran » écrivait à ce sujet en 1885 l’abbé Boulade, dans sa « Monographie de la cathédrale de Cahors suivie d’une notice sur le suaire de la tête du Christ, les évêques de Cahors, le pape Jean XXII, le château de Mercuès, la villa épiscopale ».
Dans la ligne esthétique et mystique de la présence de cette relique, le sculpteur Gervais Drouet (1609-1673) a livré au chanoine commanditaire, Jean Baptiste Dadine d’Hauteserre en 1671 une statue du Christ aux Liens destinée au retable (disparu) de l’autel de la chapelle où serait exposée la Sainte Coiffe. Peu de statues reflètent à ce point l’expression viscérale des tourments et la souffrance mystique, malgré la perte de la polychromie et de la peinture d’émail utilisée pour les yeux. On l’a comparé au Laocoon d’Agésandros, au Milon de Crotone de Pierre Puget (1622-1694) à l’Ecce Homo de Jacopo Maria Foggini (1620 ? -1684 ?), ou aux œuvres de l’Espagnol Gregorio de Mesa Martinez (1651-1710).
La cathédrale comporte d’autres points d’intérêt, dont la « chapelle profonde », ainsi nommée à cause de ses dimensions. Elle occupe toute la longueur du cloître qui lui est accolé, bâti par le même évêque Antoine d’Alamand.
Antoine d’Alamand, élu par le chapitre en 1465 et évêque jusqu’en 1493, eut à cœur de rendre à la cathédrale son rôle et sa grandeur passée. Il réorganisa son chapitre de chanoines et lança des travaux. Il commença par réaménager le chœur en créant une nouvelle chapelle, qu’il plaça sous le vocable de la Vierge immaculée et consacra avec faste en 1484. Voûtée d’ogives, elle présente un original décor sculpté : roses épanouies, soleils flamboyants, lis et lunes. Il a été très altéré aux siècles suivants. Deux voûtes d’arête, avec arcs-doubleaux, sont ornées de nombreuses étoiles d’or sur un ciel d’azur. Les nervures et pendentifs des voûtes sont enrichis de peintures et de dorures. Les piliers de l’ogive d’entrée et l’ogive elle-même représentaient deux troncs d’arbres, soutenus à la base par deux mains colossales. Ils se joignaient à la clef pour servir de support au brillant écusson du fondateur. Cette ornementation originale a été supprimée, et depuis lors, les entrées des trois chapelles de l’abside sont semblables. À l’intérieur de la chapelle profonde, quatre vastes fresques du XVIIe peintes à l’initiative d’Henri de Bricqueville de la Luzerne, évêque de Cahors de 1693 à 1741, représentent l’Annonciation, la Nativité, la Visitation et la Purification. Elles ont été installées après l’obturation de quatre grandes niches elles-mêmes dotées de décors peints du XVe siècle retrouvés récemment par sondages derrière les repeints du XVIIe. En haut des murs est sculpté le couronnement de la Vierge par Notre-Seigneur, en présence de neuf chœurs d’anges.
C’est la fresque consacrée à la Nativité qui a retenu l’attention de nombreux historiens et linguistes. Elle arbore un décor gravé de caractères gothiques :

Nove, nove, iterumque nove, noveque
« Ce qui indique le renouvellement opéré par la Nativité, de N.-S » commentait simplement l’abbé Boulade.
Après lui, ecclésiastiques, musicologues et chercheurs se sont penchés sur la question. Amédée Gastoué (1873-1943) : « on ne connaît pas l’origine du mot Noël par lequel cette fête est désignée en France. Certains ont pensé qu’il vient du latin Natalis par l’intermédiaire du dialecte méridional, qui en fit Natal ou Nadal. Cependant il est plus probable que Noël vient de novus et n’est qu’une forme spéciale du mot nouvel. On l’aurait adopté pour fêter le nouvel An, que l’on avait pris l’habitude, à l’imitation de l’Église, de commencer au 25 décembre. La « Noël » signifierait la nouvelle année ». À l’appui de ses conclusions, Amédée Gastoué a dressé une bibliographie dans laquelle figure un recueil de Noëls paru en 1557 où la messe de Minuit est annoncée par « Noé, Noé, iterumque ; Noé, Triplicando Noé, O Noé psallite ». Gianni Monbello, historien et philologue le signale dans le refrain de nombreux poèmes originaires du Val d’Aoste. Il cite par exemple les manuscrits 11 et 13 du Grand Séminaire d’Aoste, daté de la deuxième moitié du XVe siècle. Enfin, le fameux Codex de Médicis, attribué à Jean Mouton de Hollingue (1459? – 1522) compositeur à la Cour de François 1er, puis remarqué par le pape Léon X, contient dix motets dont le Noe, Noe, psallite Noe, et Noe, Noe, puer nobis nascitur. Les œuvres de Jean Mouton étant au répertoire de la chapelle pontificale, on peut supposer que ce motet fut chanté à la chapelle Sixtine.
La Chapelle profonde, proche de la chapelle de la Sainte Coiffe, invite par son décor centré autour de Notre Dame au recueillement et au silence, mais la première ligne motet sculptée du motet de la Nativité en chante presque la liesse.
Article publié dans la revue Una Voce n°353 de Octobre-Novembre 2025
