À mon voisin d’immeuble (celui de l’étage au-dessus)

Madame, Monsieur,

Bien que nous soyons excédés par les lourds trottinements au-dessus de nos têtes, de jour comme de nuit, nous n’en voulons pas à votre cher enfant ni à vous-même. Mais pourriez-vous l’éduquer à ne pas courir à toutes jambes pour vous rejoindre dans votre lit au milieu de la nuit ?

Je vous recommande de lui donner le soir deux comprimés de Sédatif PC. C’est ce que nous prenons nous-même pour essayer de nous rendormir à quatre heures du matin. Ce médicament homéopathique marche bien avec les enfants (moins bien avec les gens âgés que nous sommes).

Cordialement,

Votre voisin du Troisième étage

Phobophobie

Au secours : j’ai des phobies !

Je suis suivie par un psychiatre (il me suit sur Facebook). Maintenant, je suis suivie (toujours sur Facebook) par un enquêteur de la police judiciaire. Je serai bientôt suivie par un juge d’application des peines pour s’assurer que je suis bien rééduquée. Faute de quoi, on m’enverra au bagne : au choix Cayenne ou Biribi.

Car mes phobies sont graves et portent atteinte à l’unité nationale. Je suis un.e fauteur.euse de troubles et je fomente la désunion du pays en semant des écrits ou des confessions littéraires sur mes phobies. Mon psychiatre ne peut plus les contenir, je tombe maintenant sous le coup de la loi. C’est qu’on a pénalisé les peurs, certaines bien innocentes : je vivais très bien avec ma répulsion des rats, des serpents, des araignées et des imbéciles, et quelques comprimés d’anxiolytiques.

Avec les phobies pénalisées, les peurs nous sont donc interdites ! Dommage, car la peur a un grand mérite : elle met en alerte par rapport à un danger putatif et elle fixe l’anxiété, qui, elle, est diffuse. (il paraît que le cannabis est souverain).

Voilà donc au tribunal, en rangs serrés de douaniers de la psyché au regard sévère, les névroses interdites : je ne dois plus avoir peur du noir, ni du Noir, ni du Jaune. Je ne dois plus avoir peur d’un fanatique qui entre dans l’église où est célébrée une messe. Je ne dois plus dire que mon modèle, c’est un top modèle occidental longiligne élégant et non une Vénus Hottentote revisitée à la tignasse envahissante.

Mon psychiatre a diagnostiqué une phobophobie. Résultat : en plus de mon psychiatre, d’un enquêteur et de l’inspecteur des impôts, j’ai plein de gens qui me suivent sur Facebook !

L’heure des poubelles

7 h 50 ce matin à Paris : l’heure des poubelles… arc de triomphe ou arc de défaite (de l’art) ? Un grand désir de pousser le perform’art jusqu’au bout en donnant un coup de cutter dans le polyvinyle grisâtre (du pétrole !) genre linceul en période de pandémie. Mais il y a trop d’agents de sécurité autour, trop de gilets bleus dédiés à l’explication du  monument… il faut l’expliquer ?

Au XIXè siècle, certains rêvaient de construire un éléphant à la Bastille : Napoléon déçu de n’y pouvoir ériger l’Arc de triomphe de la Grande Armée, envisagea en 1806 la construction d’une fontaine « de la forme d’un éléphant » en bronze, fondu avec les canons pris sur les Espagnols insurgés. Louis XV y avait pensé avant lui et un projet abouti de Ribart avait été déposé en 1758. Mais alors qu’on allait entreprendre la fonte des  canons (finalement ceux de la bataille de Friedland), survint la Restauration : l’éléphant  fut condamné, comme emblème impérial. L’éléphant modèle en plâtre (installé sur l’emprise de l’actuel Opéra Bastille) demeura en place jusqu’en 1846 où il fut détruit. Victor Hugo y a situé une scène des « Misérables ».

Christo n’a donc rien inventé, avec ce gros monument balourd , gris, dont les cordages de soutien à ces kilos de plastique (qu’on espère vertueux, éco responsable, engagé, citoyen, et bien entendu recyclable) dessinent de gros pieds d’éléphant. Napoléon est vengé !