LES ÉGLISES de VIENNE (I)

La magnifique cathédrale gothique de Vienne, la Stefansdom, ne doit pas faire oublier que Vienne possède plusieurs églises remarquables moins connues.

Nous pouvons ainsi découvrir l’église des Jésuites à la luxuriante décoration, la Leopoldskirche construite par Otto Wagner au début du XXe siècle, l’église St Charles Borromée, l’église de l’Ordre devenue Sainte Elisabeth, l’église des Franciscains dont l’orgue Wöckherl construit en 1642 est considéré comme le plus ancien orgue de Vienne, et la petite MariaSchnee Kirche, Notre Dame des Neiges, confiée en 2020 à la Fraternité Saint Pie X.

L’église des Jésuites, Église de l’Université de Vienne

Aujourd’hui église de l’Université, elle présente un porche plutôt discret sur une petite place du centre de Vienne. La découverte de son intérieur n’en est que plus bouleversante.

En 1617, les Habsbourg, qui jusqu’à la fin du Saint Empire ne devaient plus perdre la couronne impériale1 fixèrent leur résidence à Vienne. Ils ramenèrent dans l’obédience catholique la cité souvent récalcitrante – Ferdinand Ier lui avait imposé un nouveau statut en 1526 – et largement gagnée à la réforme  protestante. Ferdinand II (règne de 1617 à 1637) confia l’Université aux Jésuites, qui se chargèrent des chaires dans les humanités et la théologie et qui bâtirent une église à la façade monumentale, dans le style de la Contre-Réforme, consacrée en 1631. L’empereur Léopold (1654-1705) fit appel à des artistes italiens dont Andrea Pozzo en 1702.

Cette église longue de cinquante mètres et large de vingt-six reçoit la lumière par les grandes fenêtres de la façade d’entrée et les fenêtres de la voûte. Les sols, les marches, les balustrades et les chambranles de rez-de-chaussée sont en marbre véritable tandis que tous les autres éléments dont les colonnes engagées qui soutiennent les galeries sont en marbre stuqué. Dans le couloir central, près des derniers bancs, est scellée une pierre blanche qui indique l’endroit d’où l’on peut le mieux contempler la célèbre voûte peint par Andrea Pozzo.

La voûte peinte et le maître-autel

Maître dans l’art de la coupole en trompe l’œil (voir ci-dessous), Andrea Pozzo a célébré dans la voûte la victoire d’un Dieu soulevant le faible de la poussière pour élever le pauvre, et redonner de la considération à la femme dédaignée, selon les versets du psaume 113. Dans la première travée de la voûte, les anges aux mains chargées de fleurs annoncent la victoire, remportée dans la dernière travée où les démons sont précipités en bas la tête la première. Les deux scènes qui encadrent les grandes peintures de la voûte au-dessus des tribunes près de l’entrée : l’adoration des bergers et le repos de la sainte famille lors de sa fuite en Égypte, sont placées dans la voûte tels des panneaux peints dans des cadres dorés au milieu de surfaces richement décorées, au centre desquelles est placé un nouveau-né. S’inspirant de la parole de Jésus selon Luc 12 49 « je suis venu jeter du feu sur la terre, comme je serais heureux qu’il brûle déjà », Pozzo a représenté ce feu qui enflamme les cœurs par d’innombrables cœurs enflammés sur les sculptures qui couronnent les stalles.

Cette alternance de vrais reliefs et de reliefs peints dans les mêmes nuances de couleur pour parfaire l’illusion porte la marque du grand expert du trompe l’œil.

Au maître-autel triomphe Marie, reçue dans les ciels portés vers le Dieu de la Trinité pour être couronnée par Lui.

Les chapelles latérales :

Les huit chapelles présentent une iconographie riche et variée : sainte Famille, saints et pères de l’Église y sont mis en scène en des tableaux provenant pour la plupart de l’atelier d’Andrea Pozzo.

La chapelle de la faculté de philosophie comporte des tableaux d’autel mettant en scène le mariage mystique de sainte Catherine d’Alexandrie, l’épreuve du feu de sainte Cunégonde, la bénédiction de Saint Casimir et Judas Thaddée dans la prédelle. La chapelle de Stanislas montre François Borgia recevant Stanislas Kostka à Rome, Aloysius de Gonzague, trois martyrs jésuites du Japon et Sainte Barbe.

La chapelle des Anges gardiens présente les anges gardiens Gabriel et Michel, ainsi que Saint Antoine de Padoue. Dans la chapelle d’Ignace on peut contempler la vision de Saint Ignace près de la Storta, la mission de saint François-Xavier, l’écriture des exercices spirituels par Saint Ignace tandis que la mère de Dieu lui apparaît. Dans les chapelles de la faculté de théologie apparaissent saint Thomas d’Aquin et Saint Pierre Canisius, la chapelle de Sainte-Anne présente des scènes de la vie de Sainte Anne, celle de Joseph la Sainte Famille et une rare représentation de la mort de Joseph et à la prédelle une vierge allaitante (copie du tableau miraculeux de Dona Maria Uzategui dans l’église de Sainte Rose à Lima2 ). La chapelle de Léopold raconte la fondation de l’abbaye de Klosterneuburg par Léopold III au début du XIIe siècle.

La chaire

Les évangélistes composent le corps de la chaire, surmontant une lutte d’anges. Sous l’abat-voix sont représentées la Foi, l’Espérance et la Charité, et le baptême d’un païen par François -Xavier. Le travail de marqueterie en nacre de perles est d’une minutie et d’un éclat remarquables que l’on retrouve sur les bancs.

L’orgue (3 claviers, 41 registres) fabriqué par Hartwig Späth de Fribourg-en-Brisgau a été consacré en 2004.

L’église des Jésuites fut transmise à l’État lors de la suppression de la Compagnie de jésus en 1773, puis redonnée par François-Joseph 1er en 1856 après le rétablissement de la Compagnie dans la monarchie en 18523. Les rénovations de 1827 (par Johann Peter Krafft), de 1896 et de 1914 ont abîmé les fresques du plafond, restaurées par la suite de 1986 à 1998. C’est seulement en 1934 que la crypte de l’église est redevenue lieu de sépulture des jésuites, comme c’était le cas jusqu’en 1773.

L’empereur Ferdinand II, premier bâtisseur, a voulu cette église comme symbole de victoire, ainsi que l’annonce l’inscription latine sur l’architrave de la façade :

DEO VICTORI. TRIUMPHATORI OPT. MAX. HOC EN MEMORIAM.B. VIRGINIS. MARIAE. SSQ. INGNATII. ET FRANCISCI XAVERII. FERDINANDUS I. IMPERATOR.STATUIT.MD.D.XXVII.

À Dieu, le vainqueur, le triomphant, le meilleur, le plus grand empereur Ferdinand II, érigea ce signe de victoire en mémoire de la Sainte Vierge Marie et les saints Ignace et François-Xavier, 1627.

Andrea Pozzo né à Trente entra à dix-sept ans chez un peintre qui lui fit copier les tableaux des églises de la ville. Ayant suivi un autre maître à Côme, puis en conflit avec lui, il entra à Milan dans la Compagnie de Jésus comme frère laïc en 1665. Il se rendit ensuite à Gênes, où l’on trouve quatre tableaux d’autel de sa main. Sa première grande entreprise personnelle documentée est la décoration de l’église de la mission San Francesco Saverio à Mondovi, dans le Piémont (1676-1677) dont le maître autel est doté d’un rare exemple de “machine d’autel” (un dispositif théâtral en bois, carton et tôle utilisé pour les principales célébrations religieuses.) Il fut invité ensuite à la cour de Turin (1677-1679), puis réalisa à Rome son chef-d’œuvre de décorateur : la voûte de la nef centrale de l’église du Gesù (1695-1699) où il répéta l’architecture feinte de la coupole de San Francesco Saverio de Mondovi, en créant sur une surface plane toute l’illusion d’un espace courbe4.

Le prince Anton Florian Von Lichtenstein, ambassadeur auprès du Saint-Siège, le fit appeler par la cour de Vienne en 1703. Son œuvre d’architecte est fort bien connue, grâce à son traité de perspective publié à Rome en 1693 et 1700 (Perspectiva pictorum et architectorum), dans lequel il a reproduit sesprincipales créations. Les projets d’édifices religieux ont été réalisés le plus souvent pour l’ordre des Jésuites : Gesù et San Bernardo de Montepulciano, Saint Ignace de Belluno, Saint Ignace de Raguse (Dubrovnik), cathédrale de Ljubljana. Son influence s’est étendue bien au-delà de Vienne, touchant l’art baroque en Hongrie, Bohême, Moravie, Slovaquie et Pologne. Andrea Pozzo est mort à Vienne en 1709 et est inhumé à l’église des Jésuites ().

Article publié dans la revue Una Voce n°350 de Janvier-Février 2025

  1. sauf de 1742 à 1745 où régna Charles-Albert de Wittelsbach, prince-électeur de Bavière, après avoir contesté les droits héréditaires de Marie-Thérèse de Habsbourg sur les États d’Autriche.
  2. María de Uzátegui (v.1566-1624) et son mari, Don Gonzalo de la Maza, fonctionnaire espagnol au Pérou, ont été les bienfaiteurs et protecteurs de Sainte Rose de Lima (1586-1617) durant ses dernières années. Son effigie sur un tableau réalisé un an avant sa mort aurait versé des larmes.
  3. Le Pape Pie VII l’avait rétablie en 1814 mais les Jésuites furent chassés d’Autriche en 1848.
  4. Un conflit avec les dominicains voisins de Santa Maria sopra Minerva, qui s’ajoutait à des difficultés techniques et financières, avait en effet amené les jésuites à renoncer à édifier une coupole à Saint-Ignace.

Frédéric CHAIZE : l’orgue, toujours et partout !

Le clavier a été l’objet de dilection de Frédéric Chaize dès le plus jeune âge : mais celui de l’orgue l’emporte sur les autres, et l’a incité à se faire construire son propre instrument.

Son parcours musical

Mon parcours se superpose à mon parcours personnel et familial : c’est mon institutrice qui m’a donné accès, à l’âge de 9 ans, au seul piano de sa petite commune de Savoie, et a convaincu mes parents de me faire donner des leçons, puis m’a préparé au concours du conservatoire de Chambéry, où j’ai été admis et que j’ai fréquenté dix ans. Mes parents, artisans en recherche d’activités plus lucratives, se sont exilés au Paraguay avec ma sœur et m’ont émancipé pour que je puisse rester en France. – j’avais seize ans. C’est à Lyon que j’ai poursuivi ma formation en piano auprès de Christine et Xavier Seigle au conservatoire, auprès de François-Xavier Sinniger, et à l’Université en musicologie.

Au service militaire, comme télétypiste à la base aérienne d’Aix-en-Provence, j’ai été repéré par un lieutenant et je suis entré dans l’Orchestre de la Quatrième région aérienne, où j’ai appris les percussions et découvert l’univers des cuivres, surtout la trompette. J’ai voulu un poste à plein temps d’enseignant en musique, et l’ai trouvé en m’installant avec ma famille auprès de l’Étoile du matin (FSSPX) près de Bitche en Moselle. C’est là que j’ai appris l’orgue.

Je me suis installé ensuite dans la Nièvre, comme professeur dans des écoles de musique. J’avais alors six enfants et souhaitais les inscrire dans une école de la Fraternité Saint Pie X, Saint François Régis à Unieux en Haute Loire. En arrivant au conservatoire de St Étienne en 1999, où je suis toujours, je suis entré en classe d’orgue chez mon collègue Jean-Luc Salique, éminent organiste d’Annonay bien connu pour ses enregistrements de Max Reiger. Je suis désormais professeur de formation musicale au conservatoire de région de Saint-Étienne. Je participe à des festivals (Perpignan, Figeac) et à des cérémonies religieuses et je dirige des chœurs dans les écoles de Saint-Étienne.

L’orgue nomade

J’ai fait construire ce petit orgue baroque transportable en 2010 par Franz Bistocchi qui est expert, tant en ébénisterie qu’en informatique. C’est un prototype en bois, sans plastique ni gadgets, baroque numérique haute définition de vingt jeux, avec deux claviers pédaliers standard qui correspond à 1380 tuyaux.

Initié à l’âge de dix-huit ans au rite tridentin, j’ai suivi François-Xavier Sinniger au prieuré Saint Irénée de Lyon, suis entré au M.J.C.F. et ai suivi les exercices spirituels à la Maison Saint Joseph de Caussade (Tarn-et-Garonne). J’ai commencé à accompagner la liturgie, entre autres lors des prises de soutane à Flavigny et les ordinations à Écône. J’ai fondé un petit ensemble, 2TO, (« deux trompettes et orgue ») avec deux trompettistes lyonnais, premiers prix du CNSM de Lyon dans la classe de Pierre Dutot, pour donner des récitals de musique tant religieuse que populaire. Le fait de pouvoir transporter mon orgue partout me permet de proposer l’accompagnement des messes partout où je me rends. J’aime l’idée de rendre la liturgie accessible et désirable.

Article publié dans la revue Una Voce n°350 de Janvier-Février 2025