Les Livres ambrosiens : antiphonaires, sacramentaires et missels

Les collections de l’Italie du Nord ont conservé un assez grand nombre de manuscrits liturgiques à l’usage des églises de rite ambrosien, dont les plus anciens sont du Xe siècle. « Il fallait jusqu’à présent une bonne volonté peu commune pour s’occuper d’une liturgie et d’un champ que les Milanais semblaient avoir pris à tâche de tenir à l’abri des regards étrangers », écrit Louis Duchesne en 1920 dans son « Étude sur la liturgie latine avant Charlemagne ».

Des bibliothèques prestigieuses et riches

Les sacramentaires ne contiennent que les prières sacerdotales, à l’exclusion des lectures et des parties chorales. Les antiphonaires sont réservés aux parties chantées. La plupart des sacramentaires et antiphonaires de la liturgie ambrosienne sont conservés dans l’une des quatre grandes bibliothèques de Milan :

La bibliothèque ambrosienne

La bibliothèque ambrosienne a été fondée par le cardinal-archevêque de Milan Federico Borromeo (1564-1631) en septembre 1607 et ouverte au public en décembre 1609. La salle de lecture publique appelée « Sala federiciana », ouverte à ceux qui savaient lire et écrire, fut une des premières de son genre en Europe.

Le cardinal Borromeo avait pour ambition de créer un centre d’études et culture à Milan conçu comme un « temple des muses » pour promouvoir les valeurs humaines et chrétiennes à travers la science et la culture, au service de l’église catholique.

Il envoya donc des agents à travers l’Europe occidentale jusqu’en Grèce, puis en Syrie pour acquérir des manuscrits et des livres imprimés de toutes les cultures existantes : la bibliothèque a commencé avec environ 15.000 manuscrits (dont les manuscrits complets du monastère bénédictin de Bobbio en 1606) et 30.000 livres imprimés, et a reçu en 1608 la bibliothèque de 800 manuscrits de l’humaniste padouan Vincenzo Pinelli. Elle comporte une innovation majeure pour l’époque : les livres étaient rangés dans des étagères le long des murs plutôt que d’être enchaînés à des tables de lecture.

Avec la pinacothèque fondée en 1618 et l’académie des beaux-arts en 1620, L’Ambrosiana est ainsi devenue un centre culturel complet.

La bibliothèque trivulzienne

Elle est issue de la collection privée de la famille Trivulzio constituée au XVIIIe siècle et a été acquise par la ville de Milan en 1935. Malgré des dommages subis lors de bombardements en août 1943, elle abrite plus de 1300 manuscrits et autant d’incunables ainsi que de nombreuses éditions du XVIe siècle. Les ouvrages les plus célèbres sont la collection complète des éditions du XVe siècle de la divine comédie de Dante, et le codex trivulzianus de Léonard de Vinci de 1490. Abritée dans le château des Sforza, elle est ouverte au public et comporte depuis 1978 un atelier de restauration de manuscrits.

Bibliothèque du Chapitre

Située dans le palais des chanoines, c’est la plus ancienne bibliothèque publique de Milan, fondée probablement en même temps que la cathédrale afin d’abriter des livres liturgiques et autres publications nécessaire au Chapitre. C’est pourquoi elle contient 500 manuscrits, 68 incunables et près de 1000 cinquecentine (livres imprimés au XVIe siècle). Les manuscrits ambrosiens d’un grand intérêt pour l’histoire de l’enluminure constituent la plus grande partie de son patrimoine de codex, certains remontant au IXe siècle.

Bibliothèque Brera

Elle a été fondée en 1170 dans le palais Brera, un bâtiment construit par les jésuites au 17e siècle, par Marie-Thérèse d’Autriche qui souhaitait rendre que la collection de livres de Carlo Pertusati acquise par l’archiduc Ferdinand. Elle possède une collection de plus de 1,5 million de volumes, dont des manuscrits, des incunables et des cinquecentine.

Basilique Saint Ambroise

Construite par Saint Ambroise à la fin du IVe siècle dans le style roman Lombard, elle a été construite sur un cimetière de martyrs, d’où son nom initial de basilica martyrum. M décorez de mosaïque byzantine, elle possède un autel d’or du IXe siècle dont les reliefs représentent des scènes de la vie de Saint Ambroise et du Christ.

Inventaire des livres ambrosiens : un travail de Bénédictin

Léopold Delisle, dans son Mémoire de 1886, énumère successivement les sacramentaires de Monza , de Biasca, de Lodrino, d’Héribert ou de S. Satyre1, de S. Simplicien, d’Armio, du marquis Trotti et enfin le cod. Ambros. T. 120 sup soit huit manuscrits qui sont certainement parmi les plus anciens que l’on connaisse.

Dix-sept ans plus tard (1903), Paul Lejay, inaugurant le « Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie » de Cabrol, reprenait à son propre compte la nomenclature de Delisle, tout en omettant, pour une raison que l’on ne peut deviner, le codex Trotti et en lui substituant le sacramentaire de Bergame que venait de publier Dom Cagin de Solesmes (1847-1923).

Le liturgiste milanais Antonio Ceriani, cheville ouvrière de la révision du Missel ambrosien entreprise en 1902, n’avait pas pu mener à bien l’inventaire complet des missels ambrosiens manuscrits, mais avait laissé un important corpus de notes, publiées en 1913, six ans après son décès2. Ceriani mit en valeur et en première position des livres ambrosiens le sacramentaire de Biasca et, celui-ci étant pris comme base, il lui a comparé les sacramentaires ou missels de Trotti, de Lodrino, de Bedero, d’Héribert, du cod. Ambros. E 18 inf., de Bergame, de S. Simplicien et enfin du cod. Ambros T. 120 sup.. Il a fait mention de plus – sans en tenir compte pour son édition – des trois autres sacramentaires ou missels de Monza, de Robert Visconti, et d’Armio. Sa nomenclature comprend donc douze manuscrits seulement, à la plupart desquels, avec une touchante et un peu naïve affection pour son rit, il attribuait une antiquité vénérable, majorée dans certains cas d’un bon siècle.

En 1939, Don Ernesto Moneta-Caglio3 (1907-1995) publia dans son ouvrage sur « la messe ambrosienne et sa pastorale liturgique » une liste de 29 missels ambrosiens manuscrits, tous conservés dans les quatre bibliothèques milanaises citées ci-dessus, soit un chiffre double de celui de Ceriani, et triple de ceux de Delisle et Lejay. Il a toutefois volontairement ignoré tous les missels conservés ailleurs qu’à Milan.

En 1950 enfin, Pietro Borella publia un important répertoire « Saggio di bibliografia del rito ambrosiano » aux Archives ambrosiennes, en précisant qu’il pouvait être « développé et perfectionné. » L’abbé lyonnais Robert Amiet (1912-2000) l’a pris au mot et entrepris dans les années soixante du vingtième siècle une étude historique des livres ambrosiens, réalisant une synthèse qu’il a considérée comme un inventaire exhaustif des 37 sacramentaires et missels ambrosiens manuscrits qui sont parvenus jusqu’à nous, dont deux missels (les n° 15 et 37 de sa nomenclature) qui avaient totalement échappé jusqu’ici à l’attention des érudits. Elle se déroule du plus ancien au plus récent connus, couvrant donc les exécutions manuscrites du début du XIe au milieu du XVe.

La plupart de ces manuscrits sont conservés à la Bibliothèque ambrosienne de Milan :

  • Le Sacramentaire de Biasca de la fin du IXe siècle, porté à l’Ambrosienne en 1776 « Ex ecclesia S. S. Petri et Pauli quae est Abiaschae, metrocomia in Lepontiis »4. Le parchemin a fortement jauni, tant du fait de sa vétusté que de son long usage à l’autel. Il se compose de 312 feuillets, mesurant très exactement 204 x 281 mm, et plusieurs copistes se sont partagé la tâche de le calligraphier à longues lignes, a raison de 25 lignes à la page, sans aucune ornementation. Sa reliure de cuir est moderne, exécutée à Modène en 1956 (cod. A 24 bis Inf.).
  • Les Sacramentaires de Trotti (cod.Trotti 251° et de Lodrino (cod. A 24 bis inf.).  « ex ecclesia Lodrini in Lepontiis » de la première moitié du XIe siècle.
  • Sacramentaire ambrosien du XIe, (cod. T 120 sup)
  • Le sacramentaire de Bedero du début du XIIe
  • L’Ordo de Berold « ordo et caeromoniae ecclesiae ambrosianae mediolanensis ». Ms. cod. 1152 inf. XIIe siècle
  • Le sacramentaire de Robert Visconti.
  • Missel ambrosien, XVe (B.A. Milan) E 18
  • Le Missel de Blanche-Marie Visconti, v. 1450, A 257
  • Le Missel de Desio, 1463, H 269
  • Le Missel de S. Barnabé, 2ème moitié du XVe siècle A. 262ae
  • Miscellanée ,cod. L. 100, XVe siècle

Bibliothèque Trivulzienne

Elle conserve un Missel ambrosien de la deuxième moitié du XVe siècle (A 17), le missel festif de Blanche-Marie Visconti, (E 34, v. 1435) et le missel votif de Brichino, (cod. F 8, 1439).

Bibliothèque du Chapitre

Elle est la mieux dotée après la bibliothèque ambrosienne : sacramentaire d’Héribert ou de Saint Satyre (première moitié du XIe siècle, cod. II.D.3.2.), le Sacramentaire de Saint Simplicien5 (XIe, cod. II.D.3.3), le sacramentaire d’Armio (XIe, cod. II.D.3.1.), deux sacramentaires de Sainte Thècle (1402, cod. II.D.I.1.), le Missel de S. Gothard (deuxième moitié du XVe. Cod. II. D. 2. 31.), le missel de Saint Barnabé (deuxième moitié du XVe, cod. A 262 inf.), un missel ambrosien festif (fin XVe, cod. II.D.1.3.) un Missel des défunts, cod. II D.2.29, 1506 et l’exceptionnel Missel du cardinal Arcimboldi (archevêque de Milan de 1488 à 1497), (1494, cod. II.D.1.13.) de 499 folios en format 288 mm X 403mm, décoré d’une profusion de lettrines miniaturées.

Bibliothèque Brera

Missel de S. Stefano in Brolio, (v.1450, cod. AG.XII.3) et le missel festif de l’archevêque Filippo Archinto, 1557.

Chapitres de Vercelli et Monza : ces deux villes du Piémont italien conservent chacune un sacramentaire du XIe siècle.

Archives de la Basilique Saint Ambroise

La pièce maîtresse conservée à Saint Ambroise est le Sacramentaire de Jean Galeas Visconti, 1395 et un Sacramentaire ambrosien, (deuxième partie XIe, Codex M 17). Six antiphonaires provenant de l’église S. Maria di Crescenzago, plus tardifs (fin XVe) présentent de riches enluminures réalisées par des artistes lombards6 pour le prévôt de cette église et son successeur, Federico Sanseverino, devenu Cardinal en 1492.

Autres lieux hors de Milan :

La bibliothèque centrale de Zurich détient le Sacramentarium Triplex(ms. C 43). D’un intérêt liturgique considérable, il est, selon Dom Cagin, la copie réalisée au IXe siècle, à St Gall, d’un archétype plus ancien : un sacramentaire du VIIIe siècle, révisé en compilant les trois traditions gélasienne, ambrosienne et grégorienne, respectivement notées G, A ,et GG. – d’où son nom de sacramentarium triplex.

En Italie, la bibliothèque vaticane de Rome conserve le Sacramentaire de Saint Maurille de 1347 (cod.Palat.lat.506) et le Sacramentaire de Bergame, (XIe, cod.242) provenant de cette ville, entreposé à la B.V. par sécurité pendant la deuxième guerre mondiale après avoir été dérobé en 1939 à la bibliothèque Saint Alexandre par un employé peu scrupuleux puis rendu à l’évêché de Bergame. La bibliothèque capitulaire de Lucques possède un codex du XIe (cod.605) « ad consecrandum ecclesiam et altaria ».

Le British Museum de Londres abrite le deuxième sacramentaire de S. Simplicien (XIe, ms. Harleian 2510), découvert au XXe siècle sur un manuscrit palimpseste par Dom Odilo Heiming.

Enfin, la bibliothèque nationale de Paris détient un missel ambrosien de la deuxième moitié du XVe siècle (ms.lat. 856), dans un excellent état de conservation mais à la décoration modeste.

  1. Satyre était le frère d’Ambroise de Milan
  2. « Missale ambrosianum duplex », A. Ratti et M. Magistretti, Milan 1913)
  3. Directeur de l’Institut ambrosien de musique sacrée et de la bibliothèque du Chapitre de Milan, maître de chapelle de la cathédrale de Milan et fondateur du Chœur ambrosien. Petit-fils d’Ernesto Teodoro Moneta Caglio (1833-1918), titulaire du seul prix Nobel de la paix italien, à lui décerné en 1907.
  4. Petite ville de la haute vallée du Tessin suisse. Lepontiis : peuple des Alpes (César, De bello gallico, IV, 10.)
  5. Évêque de Milan, successeur de Saint Ambroise.
  6. Artistes anonymes, parmi lesquels le plus talentueux (peut-être un chartreux de Pavie) est nommé par convention « le maître de Crescenzago ». Crescenzago est aujourd’hui un quartier de Milan.

Un vénérable ancêtre : le rite ambrosien

Le rite dit ambrosien a été fixé par Saint Ambroise, évêque de Milan au IVe siècle et porte son nom, à la différence d’autres rites de même époque ou postérieurs liés à une aire géographique : rite gallican, rite romain, rite mozarabe… Par sa connaissance poussée des Écritures, du répertoire grec et des livres byzantins, par son autorité morale et intellectuelle, Ambroise de Milan a opéré une synthèse unifiant le rite de célébration de la messe et des offices, dans une optique plus universaliste que régionaliste, ce qui peut expliquer sa persistance. Le rit ambrosien a survécu jusqu’à nos jours et est encore célébré à Milan, dans plusieurs diocèses du Piémont italien et dans les cantons Sud de la Suisse.

Ambroise de Milan : une ascension fulgurante

Ambroise de Milan est né en 339 ou 340 à Trèves. Son père était préfet du prétoire des Gaules, et conformément aux habitudes de l’époque, Ambroise n’a pas reçu le baptême et est resté catéchumène jusqu’à l’âge adulte. Après la mort de son père, Ambroise déménagea à Rome avec sa mère et ses trois frères et il reçut une éducation en droit en philosophie et en rhétorique et apprit le grec. À 25 ans il devint haut fonctionnaire de l’empire et fut nommé gouverneur consulaire de la province de Ligurie-Émilie : un territoire qui comprend Turin, Gênes, Bologne, Ravenne et la ville de Milan, une quasi-capitale puisque c’était là que résidait l’empereur : Rome était devenue trop difficile à protéger des invasions.

En 374, après la mort de l’évêque arien Auxence, Milan était en crise religieuse entre catholiques et ariens : une bonne partie du diocèse avait suivi Auxence, originaire de Cappadoce et ordonné par son compatriote Grégoire, archevêque arien d’Alexandrie, que le pouvoir impérial avait imposé à Milan bien qu’il ne connût pas le latin. Toutefois, un certain nombre de catholiques étaient restés attachés au dogme trinitaire et des troubles se produisaient régulièrement dans les églises. Ambroise, comme gouverneur, dut intervenir pour maintenir l’ordre. À l’occasion d’une « manifestation », Ambroise se trouva acclamé et réclamé par le peuple lui-même comme nouvel évêque.

Ambroise renonça alors à sa charge politique pour embrasser celle que lui réservait le Christ : évêque du diocèse. En l’espace d’une semaine, il reçut le baptême, la confirmation, l’ordre, puis le sacre épiscopal le 14 décembre 374.

Ambroise prit très à cœur sa charge épiscopale. « Dans l’accomplissement des choses de Dieu, il était d’une extraordinaire ténacité » écrit son secrétaire et biographe Paulin de Milan1.

Pendant 24 ans il défendit l’église catholique face aux empereurs : il imposa ainsi une pénitence publique à l’empereur Théodose Ier après le massacre de Thessalonique2 et refusa la cession d’une église à la mère du jeune empereur Valentinien II, Justine, qui réclamait un lieu de culte arien3. À la mort suspecte de Valentinien II en 392, c’est Ambroise qui prononça son discours funèbre, dans lequel il souligna la fragilité de l’autorité impériale et la nécessité d’un équilibre entre le pouvoir séculier et l’église.

Une œuvre considérable

Ambroise de Milan a écrit de nombreux ouvrages théologiques et liturgiques dont le traité contre l’arianisme « de fide ad Gratianum » et le premier traité de l’église d’Occident sur le Saint-Esprit. Il a joué un rôle clé dans la conversion de Saint Augustin qui admirait ses serments et sa pensée – non sans être critique à son égard mais avec un grand respect. Sa parfaite maîtrise du grec en fit le plus grand propagateur de la théologie grecque en Occident après Hilaire de Poitiers.

Dans deux traités célèbres, De Mysteriis et De Sacramentis, saint Ambroise explique aux catéchumènes les sacrements de l’initiation chrétienne : baptême, chrismation et eucharistie, en expliquant pièce par pièce leur signification dans l’histoire du salut et leur sens spirituel. Le rite ambrosien actuel conserve de nombreux traits décrits par ses ouvrages : ainsi un passage du IVe livre du De Sacramentis4 nous livre le texte le plus ancien connu du canon de la messe. Ce canon – dont la parenté avec la liturgie égyptienne est sans doute à relier à la prédication de l’évangéliste Marc à Aquilée puis à Alexandrie, fut adopté très tôt par les Églises d’Italie et deviendra par la suite notre « canon romain » dont Milan utilise toujours une version propre (néanmoins très proche de celle en usage à Rome).

Les Hymnes composés par Ambroise ont renouvelé l’écriture du chant hymnique latin commencée par Hilaire de Poitiers, s’inspirant comme lui de modèles orientaux. Augustin rapporte dans ses Confessions (IX,7, 15) un épisode lors du siège des églises de 386, pendant le Carême : « pour éviter que le peuple ne séchât d’ennui, fut institué, à la mode orientale, le chant des hymnes et des cantiques. L’usage s’en est maintenu depuis ce temps jusqu’à aujourd’hui et il a été suivi en maints endroits, voire presque partout, imité de ton troupeau dans le reste du monde ». Ces hymnes avaient beaucoup de succès, et furent faciles à comprendre et à imiter, ce qui rend difficile l’attribution d’une authenticité ambrosienne. Trois hymnes sont indubitablement de lui : « Aeterne rerum conditor », « Deus creator omnium », « Iam surgit hora tertia Intende qui regis Israël »

La postérité d’Ambroise

Les successeurs de saint Ambroise continuèrent son œuvre, en particulier saint Simplicien, son successeur immédiat et saint Lazare (438 † 451) qui plaça les trois jours des Rogations après l’Ascension (avant leur adoption en Gaule par saint Mamert en 474). Chromace d’Aquilée (343-407), évêque d’Aquilée en Vénétie, consacré par Ambroise lui-même, lutta contre les derniers foyers de l’arianisme5.

Charlemagne qui avait continué la politique de son père Pépin le Bref en éradiquant l’antique liturgie des Gaules de ses États au profit du rit de l’Église de Rome, tenta de faire de même pour le rit milanais. Aux dires du chroniqueur Landulphe6, le peuple de Milan résista tant qu’on décida d’une ordalie : on plaça deux livres, l’un romain, l’autre ambrosien, sur l’autel de saint Pierre à Rome, et l’on décida que celui qui serait trouvé ouvert au bout de trois jours serait utilisé. Mais tous deux s’ouvrirent et grâce à ce « prodige », l’ambrosien fut sauvé. Les livres ambrosiens ayant déjà été détruits, des clercs de Milan rédigèrent alors de mémoire un manuel complet de leur liturgie. Quoiqu’on puisse dire de l’exactitude historique de ces faits rapportés par Landulphe (fantaisistes selon Louis Duchesne), on ne possède en effet aucun livre antérieur au règne de Charlemagne.

La lutte ne fut pas gagnée pour autant : le pape Nicolas II, qui avait tenté en 1060 d’abolir le rit mozarabe, lui aussi chercha à abolir l’ambrosien, secondé dans cette triste tâche par saint Pierre Damien. Le rit ambrosien fut préservé à nouveau par son successeur le pape Alexandre II. Le pape Grégoire VII (1073 † 1085) réitéra la tentative de suppression, de même que Branda de Castiglione († 1443), cardinal et légat du pape en Lombardie. Le rit sera finalement définitivement fixé et protégé grâce au travail acharné de saint Charles Borromée († 1584), le grand archevêque de Milan dont le travail d’établissement de normes d’édition est comparable à celui qu’accomplissait à la même époque saint Pie V pour le rit romain.

Dans la constitution sur la liturgie (4 décembre 1963), le concile Vatican II a manifesté un intérêt renouvelé pour l’ensemble du patrimoine liturgique, allant jusqu’à prendre cet engagement : « Obéissant fidèlement à la Tradition, le saint Concile déclare que la sainte Mère l’Église tient pour égaux en droit et en dignité tous les rites légitimement reconnus et qu’elle veut, à l’avenir, les conserver et les favoriser de toutes les façons ».

Le missale ambrosianum fut approuvé dans son édition provisoire de 1972 par ordre du Cardinal Giovanni Colombo, archevêque de Milan, avec l’autorisation du pape Paul VI : lui-même ancien archevêque de Milan, il ne souhaitait pas la disparition du rite ambrosien. L’édition latine définitive du missale ambrosianum date de 1981 et l’édition italienne de 1986.La liturgie des heures fut, elle, promulguée par le Cardinal archevêque de Milan Carlo Maria Martini en 1983, et entra en vigueur à l’Avent 1984.

Les qualifiant de « vieux rites », Louis Duchesne les déclarait « doublement sacrés », car « ils nous viennent de Dieu par le Christ et par l’Église. Mais ils n’auraient pas à nos yeux cette auréole, qu’ils seraient encore sanctifiés par la piété de cent générations. Pendant des siècles on a prié ainsi ! Tant d’émotions, tant de joies, tant d’affections, tant de larmes, ont passé sur ces livres, sur ces rites, sur ces formules ! »

  1. Paulinus Mediolanensis (v.370-429 ?) « Vita Ambrosii »
  2. Sur l’ordre de Théodose I
    er, ses soldats goths encerclèrent l’hippodrome de Thessalonique lors d’un événement sportif et y massacrèrent sept mille spectateurs, en représailles du lynchage d’un commandant de la garnison.
  3. Confisquée et cernée par des soldats de l’empereur le dimanche des Rameaux, la Basilica Portiana fut occupée par Ambroise qui y célébra tous les offices pour de nombreux fidèles pendant les jours saints, obtenant le Jeudi Saint la levée du siège de l’église. Les mesures coercitives prises par la suite contre Ambroise par Valentinien sont rapportées dans sa Lettre XX à sa sœur Marcellina.
  4. Des critiques ont contesté la paternité du
    De sacramentis, l’attribuant à Nicétas de Remesiana. Le plus probable est que De sacramentis soit l’œuvre d’un proche successeur d’Ambroise, pénétré de son enseignement, qui aurait rassemblé et consigné par écrit ses catéchèses en les retouchant très légèrement.
  5. consulter l’Audience générale du pape Benoît XVI du 5 Décembre 2007, sur Chromace d’Aquilée, Libreria Editrice vaticana.
  6. Landulphe de Colonne, dit « chanoine de Chartres », érudit médiéval, auteur de « Breviarum historiale » ou « Historia miscella » (1428 ?).

Libaire : la sainte céphalophore des Vosges

L’église Sainte Libaire de Rambervillers (Vosges) a été construite au XIIIe siècle par Etienne de Bar, évêque de Metz, dans cette petite ville, le siège d’une châtellenie du temporel de son évêché, qui dépendait toutefois au spirituel du diocèse de Toul. Il fonda en même temps à proximité l’abbaye d’Autrey. Disparue à la suite d’incendies ou faits de guerre, l’église fut reconstruite au XVIe siècle par Conrad II Bayer de Boppart, évêque de Metz, en grès bigarré des Vosges extrait des carrières d’Autrey et de Fremifontaine toutes proches. Consacrée en 1516 par l’évêque Jacques de Lorraine, l’église fut saccagée en 1557 par les soldats du baron Polwiller, bailli de Haguenau au service de Charles Quint. La charpente fut entièrement refaite en 1564. Inscrite à l’inventaire spécial des M.H. dès 1926, elle est classée monument historique depuis 1986.

Elle est consacrée à Sainte-Libaire (ou Lievière), première martyre du diocèse sous Julien l’Apostat : Libaire refusa d’adorer à Grandesina (site actuel de Grand, dans les Vosges) la statue d’or d’Apollon qu’elle pulvérisa de sa simple quenouille, selon les hagiographes. Elle fut décapitée en 362. La chapelle Sainte-Libaire, extérieure à la porte du cimetière de Grand, en indique le lieu, à hauteur de la deuxième borne miliaire près d’Apollogranum ou Grandesina.

Construite en style gothique flamboyant, cette grande église (40 X 15 m), sans transept (particularité de l’école champenoise) est jalonnée d’arcs-boutants, dont les contreforts dont surmontés de pinacles d’où s’élance une aiguille conique terminée par une boule. La flamboyance s’observe elle avant tout dans les remplages, c’est-à-dire dans les armatures en pierre des vitraux, qui présentent une forme très caractéristique de flammes. Les cinq grandes fenêtres du chœur et les trente-quatre fenêtres à deux ou quatre meneaux sont dotées de vitraux du XIXe siècle.

Une statuaire et un mobilier anciens et typiques classés

Sont ainsi classés : la statue de Sainte Anne et la Vierge à l’enfant du XVe siècle, une pietà du XVIe siècle primitivement polychrome, une Pietà du XVIIIe placée au-dessus du petit autel qui surplombe la tombe d’Elisabeth de Brens (1609-1668), Bénédictine du couvent de Rambervillers, des statues de la chapelle du calvaire construite selon les vœux de trois soldats rescapés de la retraite de Russie style rhénan) et les statues de Sainte Libaire, l’une en pierre dorée de la fin du XVIe siècle, l’autre de 1919 placée près de l’autel, ainsi que l’aigle-lutrin baroque en chêne sculpté et le tableau de François Sénémont (1777) qui raconte le martyre de Sainte Libaire, tout comme la statue du Christ de Rambervillers adossée au chœur : la croix serait du XVIIIe, mais le Christ du XVe, provenant d’une poutre de gloire (arc triomphal qui séparait jadis le chœur de la nef).

Le fondeur Robert qui a réalisé en 1804 trois cloches : Marie, Victoire et Jeanne, en a ajouté une quatrième plus petite qui sonnait autrefois pour l’enterrement des indigents et des enfants.

Les confessionnaux réalisés au XVIIIe siècle dans le style Louis XV ils présentent d’originaux volets de bois sculpté, destinés à édifier le pénitent durant son attente au confessionnal. Sainte Libaire est fêtée le 8 octobre dans le rituel de Toul-Nancy, et le 8 octobre dans le rituel de Saint-Dié.

Les cires de Nancy : hiératiques et vivantes

Ces petites figurines de cire moulée, à la composition méticuleuse, insérées dans de petits tableaux de papier et de carton de couleur, ont été pour la plupart réalisées au XVIIIe siècle par des maîtres nancéiens, les Frères Guillot et leur nièce Mademoiselle Bernard. Elles ont séduit la bourgeoisie et la noblesse dans le sillage des ducs de Lorraine1 par leur décor et la galerie de vêtements dont elles sont parées. Le musée du Hiéron à Paray-le-Monial en expose près de 200, issues pour la plupart d’une collection privée : c’est la deuxième exposition thématique après celle du Musée lorrain de Nancy il y a 35 ans.

De l’image pieuse au tableau de cire : pour la protection des foyers et l’éducation religieuse.

Les colporteurs, nombreux dans l’Est de la France et les régions montagneuses, ont diffusé dans les campagnes de nombreuses gravures au thème civil ou religieux. Elles constituaient un élément de décor intérieur abordable et étaient utilisées pour décorer le foyer, encadrées et accrochées aux murs, clouées sur les portes ou collées à l’intérieur des coffres.

Au contraire du « fixé sous verre » largement diffusé dans les campagnes, la cire habillée est plus appréciée par un milieu urbain, bourgeois voire aristocratique. Le support de la cire habillée nancéienne est une boîte en carton ou en papier mâché recouverte d’une feuille de papier. L’intérieur du boîtier est dissimulé par de l’étoffe ; cire et vêtements sont cousus sur ce fond. Un cadre en bois doré plus ou moins travaillé et une vitre ferment la boîte au verso de laquelle sont collés les mentions du fabricant. Il est rare de trouver aujourd’hui une cire « inviolée » : la plupart ont été ouvertes plusieurs fois, des étoffes ont été changées et des restaurations plus ou moins heureuses ont eu lieu. À chaque ouverture correspond une nouvelle feuille de papier collée à l’arrière de la boîte.

Les techniques originales des Frères Guillot

C’est à Nicolas Guillot (1701-1780), l’aîné des frères Guillot, que l’on attribue la paternité des premières cires. Avant de travailler ce matériau, il habillait des images en plaçant des chutes de tissu pour créer les vêtements sur un fond noir collé tandis que la tête et les mains étaient en papier.

Nicolas Guillot fut le premier à utiliser un fond noir qui permettait de mettre plus en avant les estampes « habillées » : certaines parties de la feuille de papier étaient évidées et remplacées par des chutes de tissu. Puis il remplaça les gravures de personnages par des figurines de cire d’abeille d’une grande finesse, imitant la porcelaine par sa blancheur, son poids, ses couleurs et son vernis. Il connut presque immédiatement un grand succès. Il assurait la finition par un rideau dans un coin supérieur du tableau. Son frère cadet François (1709-1796) fabriquait lui aussi des cires ainsi que des animaux et des paysages en relief. Le benjamin, Charles (1717-1778) créait la plupart des éléments de décor, utilisant des tissus nobles (soie, velours, dentelle), des coquillages, des perles, des plumes, du verre de couleur pilé. (photo 1 Sainte Marie Madeleine) Abbé, sous-chantre de la Primatiale de Nancy, il se spécialisa dans le carton découpé et réalisa des plans de fortifications et de cathédrales en relief, réputés dans l’Europe entière. Mademoiselle Bernard qui assistait ses oncles Guillot a signé (« Bernard ») quelques pièces originales. Le « Sieur Courtois », « modeleur, machiniste, ouvrier en cire », dont les boîtes vitrées présentaient des personnages de cire sommairement animés, officia à Nancy à partir de 1752, créant des crèches de grandes dimensions dénommées « Bethléem ».

Des artisans ciriers plus modestes, et des communautés monastiques2 imitèrent ce travail en produisant leurs propres tableaux ou reliquaires, car l’entreprise des frères Guillot, capable de produire en série, fournissait également tous les éléments de décor et les pièces détachées en cire.

Les créations sont signées et arborent un bandeau reprenant le texte et la calligraphie de la gravure dont elles sont inspirées.

Évangile en tableaux et Saint patrons

La figurine de cire rendait accessible l’iconographie religieuse à un large public qui ne pouvait commander des œuvres à des peintres ou des sculpteurs. La production des figuristes nancéiens est essentiellement religieuse, proposant des tableaux de saints à des fins de vénération ou de prophylaxie : le saint patron du commanditaire, celui de son métier, de sa confrérie, ou encore un saint particulièrement vénéré en Lorraine. On trouve donc Saint Nicolas (v.270-v.350), protecteur des marins et des enfants mais aussi patron de la Lorraine, Saint Antoine invoqué par les étourdis, et les personnes affligées de maladies de peau. Sainte Marguerite, patronne des femmes en couches… Sainte Barbe, patronne des mineurs et des artilleurs, invoquée contre les incendies et la mort subite. Des saints et bienheureux lorrains, on retiendra Saint Pierre Fourier (1565-1640) et la Bienheureuse Alix Leclerc ( 1576-1622), fondateurs de congrégations enseignantes, Saint Elophe (premier martyr lorrain), Saint Sigisbert ( 630 ?- 656), fondateur de plusieurs monastères bénédictins en Lorraine et des saints spécialement vénérés en Lorraine, Charles Borromée (1538-1584) et Léopold III d’Autriche dit Le Pieux (1073-1136). Notre Dame de Bonsecours, Notre Dame du Luxembourg, Notre Dame de Passau, vénérées à l’est et à l’ouest du Rhin figurent aussi dans ce panthéon de figurines richement habillées de soie à rayures d’or et d’argent, velours et tulle.

Les scènes de l’Évangile étaient proposées à la vénération des croyants : Annonciation, Nativité, Vierge à l’Enfant, épisodes de vie du Christ, la Cène et la Passion.

La Cène

La scène centrale de la foi chrétienne se présente soignée, et ornée, destinée à illuminer un foyer ou une chapelle. Plusieurs ont été réalisées dans un atelier parisien comme l’indiquent les bandeaux, par une maître cirière, peut-être mademoiselle Bernard.

Offrant son puissant mystère à la vénération des fidèles et à l’interrogation respectueuse des non croyants, elle est le meilleur témoignage de cet artisanat sophistiqué qui restait accessible aux plus simples

Photo: la Cène, Paris XVIIIe siècle, atelier de Madame ? « Madame, figuriste en cire demeure rue Montmartre chez Monsieur Giret, épicier au bas de l’ Egout aux B.. Paris ». 44,5 X 57 cm.

La Cène, Paris XVIIIe siècle, atelier de Madame ?
La Cène, Paris XVIIIe siècle, atelier de Madame ? « Madame, figuriste en cire demeure rue Montmartre chez Monsieur Giret, épicier au bas de l’ Egout aux B.. Paris ». 44,5 X 57 cm.

Quelques figurines « civiles » honorant un personnage ont été conservées : en hommage funèbre, ou pour rendre plus proche un personnage éloigné : ainsi, la princesse palatine Charlotte-Elisabeth de Bavière, duchesse d’Orléans, écrit-elle à la Rhingrave Louise le 1er octobre 1699 : « je doute fort que jamais je verrai de mes yeux mon petit-fils, mais ma fille [la duchesse de Lorraine Élisabeth-Charlotte] va me l’envoyer moulé en cire ». Quelques étonnantes boîtes de colporteurs ont été conservées dans des musées dans l’est de la France (musée départemental des Vosges d’Épinal, musée paysan de Champlitte, musée historique lorrain de Nancy). De taille suffisante (63 X 50) pour contenir de nombreux objets proposés à la vente par le colporteur (ou « chamagnon ») ces vitrines portatives étaient tenues par des bretelles, à l’avant du corps.

Bien que certains tableaux de cire soient tardifs, (jusqu’au milieu du XIXe siècle) leur production a cessé et c’est à un collectionneur privé que l’on en doit la réunion pour cette exposition au musée Hiéron. Le musée lorrain de Nancy en expose quelques-uns.

Les cires habillées, dans leur bon état de conservation, demeurent de modestes témoins de la piété de nos aïeux et de la clarté des représentations des vérités de la foi catholique.

Exposition au musée Hiéron de Paray-le-Monial, Association Trésors de ferveur, du 6 juillet 2024 au 5 janvier 2025.

Bibliographie

« Cires de Nancy, Paradis de cire et d’étoffes », catalogue d’exposition.
« Les cires habillées nancéiennes », Revue « Le pays lorrain », N° 2-bis, 1989.
Crédit photos : © JP Gobillot – Musée du Hiéron – Trésors de Ferveur.

  1. Sous la régence (1729- 1737) d’Élisabeth Charlotte d’Orléans, veuve de Léopold 1er de Lorraine (1679-1729) et mère de François III ( 1708-1765) retenu à Vienne de 1730 à 1737. François III est le fondateur de la maison impériale et royale de Habsbourg-Lorraine par son mariage en 1736 avec Marie-Thérèse de Habsbourg (1717-1780), archiduchesse souveraine d’Autriche. À Élisabeth-Charlotte succéda Stanislas Leszczynski, beau-père de Louis XV qui lui offrit le duché de Lorraine cédé sous la contrainte par François III.
  2. Les carmels de Nancy et de Beaune maintenaient cette tradition jusqu’à la fin du XXe siècle.

Saint Nicolas de Port : le gothique flamboyant lorrain

Saint Nicolas (env. 255-334) fut évêque de Myre en Lycie (sud-ouest de l’Asie mineure).

Sa sollicitude pour son peuple auquel il évita la famine, sa foi notamment au concile de Nicée en 325 et son action en faveur de la justice – il sauva à plusieurs reprises des prisonniers injustement condamnés – lui valurent sa réputation dans toute la chrétienté et on le vénéra en Europe occidentale dès le début du 11e siècle.

Une histoire mouvementée, du XIe au XVIIe siècles

En 1087, des marins de Bari allèrent chercher son corps à Myre en Lycie, au sud-ouest de l’Anatolie, pour le sauver des mains des Maures. Au même moment, le lorrain Aubert de Varangéville présent à Bari put emporter (ou voler ?) une relique du saint pour la rapporter chez lui à Port, près de Nancy : le bourg de Port avait une importante activité commerçante due au passage sur la Meurthe et plus tard aux libertés accordées par les Ducs de Lorraine. L’abbé de Gorze dont dépendait Port érigea un édifice consacré en 1093 par l’évêque de Toul pour y déposer la relique, qui fut aussitôt l’objet de miracles et de guérisons. Elle attira des foules de pèlerins au point qu’un prieuré (mentionné en 1181) fut construit pour gérer leur accueil : quatre mille croyants de toute la Lorraine y vinrent en 1583. Une église plus vaste, devenue nécessaire pour le bourg rebaptisé Saint-Nicolas-de-Port, fréquenté tant par des pèlerins que par des marchands de toute l’Europe, fut érigée en 1193. La cité dont le drap de laine était réputé était aussi un foyer culturel : les premiers livres de Lorraine y furent imprimés en 1501. Plusieurs congrégations religieuses y étaient implantées. Saint Nicolas-de-Port était la capitale religieuse et économique du duché de Lorraine.

Un édifice à la gloire de Dieu

La verrière de la grande baie occidentale rappelle les grandes dates qui ont marqué l’église : « 149. coepta, 1554 perfecta, 1635 incensa ».

La légende dit que René II, duc de Lorraine, fit construire à partir de 1481 une église à Port pour témoigner de sa reconnaissance après sa victoire sur le duc de Bourgogne Charles-le-Téméraire à la bataille de Nancy en 1477 : ayant placé ses troupes sous la protection de Saint Nicolas et assisté à une messe à Port le 5 janvier 1477, il défit le même jour à Nancy Charles le Téméraire1, qui y fut tué. Un sanctuaire important se justifiait aussi par l’indépendance toute nouvelle du duché de Lorraine, et René II offrit un reliquaire en forme de bras en orfèvrerie, destiné à recueillir la phalange du saint2 .

Il semble toutefois que la construction avait été entreprise dès 1475 par le prieur de Varangéville dont dépendait Saint Nicolas de Port, et déjà confiée à Simon Moycet3, prêtre séculier, fondateur de l’hôpital de la ville. Le soutien financier de René II, celui du frère de Simon Moycet, riche marchand devenu secrétaire de René II et anobli par lui, ainsi que des fonds rassemblés au cours du jubilé du pape Sixte IV, permirent d’entreprendre ce vaste chantier en 1481. Marie d’Autriche fit un don pour l’achèvement des tours lors de son passage en 1549. Ce fut un siècle de gloire pour la basilique par l’importance des pèlerinages et des visites illustres, la basilique étant la plus grande église de France entièrement réalisée en gothique flamboyant dans un laps de temps très court : sous la charpente de chêne posée entre 1660 et 1666, aux entraits de douze mètres de long, la nef se déploie sur 87 m de long, 36 m de large, et 30 m de hauteur (17 m sous les bas-côtés). La relique de Saint Nicolas y était exposée sur l’autel.

Durant la guerre de 30 ans la coalition franco-protestante de Richelieu s’acharna contre la Lorraine, détruisant la ville, profanant et incendiant la basilique en 1635 : la charpente partit en fumée et les tours menacèrent de s’écrouler. Après 1662, les combles furent rétablis et le couvrement fut entièrement terminé lors de la visite de Louis XIV en 1673. Les tours furent couvertes de bulbes en 17254.

Une architecture gothique audacieuse

Le trumeau est orné d’une remarquable statue de Saint Nicolas, du sculpteur champenois Jacques Bachot, qui témoigne du sommet qu’avait atteint la sculpture gothique en Lorraine dans le premier tiers du XVIe siècle. Les 2 tours latérales s’élèvent sur 5 niveaux et suivant le principe de la cathédrale gothique de Toul, leur dernier étage est octogonal. L’élément le plus remarquable et original de cette façade est constituée par le toit des tours qui figurent parmi les plus belles et les plus hautes de la Lorraine gothique : 2 bulbes polygonaux légèrement dissymétriques. La nef à plan basilical est séparée du chœur par un monumental transept, en fait un « faux-transept double » : 2 bras parallèles sont nettement marqués par 2 baies monumentales dont deux colonnes isolées élancées de 21 m de hauteur marquent les limites. Celle du côté Sud se prolonge par une torsade, celle du côté Nord par des lancettes aveugles. Elles s’élèvent ainsi jusqu’à la naissance des voûtes ou elles reçoivent la retombée d’un bouquet de seize nervures et de 2 arcades jumelles. La torsade décorative de la colonne Sud, placée à cette hauteur, est un exploit technique jamais tenté ailleurs. Les architectes d’Henri IV, de passage à saint Nicolas de Port en 1604, ont considéré ces colonnes comme des « merveilles de l’art ».

Les fenêtres hautes dispensent la lumière en occupant toute la largeur disponible. Chaque travée jusqu’au chœur est couverte d’une voûte à liernes et tiercerons qui accentue l’aspect homogène de l’édifice. Ce n’est qu’en regardant cette voûte que l’on aperçoit une rupture d’axes de la nef, due à la topographie particulière d’un versant de coteau et la limitation de l’espace disponible au moment de la construction : le chœur n’est pas à l’Est mais au Sud-Est. L’axe de la basilique n’est donc pas rectiligne5, mais brisé. Pour les mêmes raisons, le parvis est étroit et plusieurs marches sont à gravir pour accéder au portail central dont le gâble s’élève jusqu’au milieu de la rosace de six mètres de diamètre. Les autres portails sont décorés de nombreuses niches à socles et dais qui n’ont jamais abrité les statues prévues. Seule figure au trumeau du portail central la statue de Saint Nicolas réalisée vers 1525.

Des vitraux conservés

L’ensemble verrier de la basilique est considéré comme l’un des plus beaux d’Europe du début du XVIe siècle. C’est à la famille ducale de Lorraine que l’on doit les verrières de l’abside. Dans l’abside du chœur, les 12 panneaux des 3 fenêtres orientales sont consacrées à des représentations de saints personnages entourant l’Annonciation et sur la fenêtre de droite est figuré le duc René II accompagné de Saint-Nicolas. Sur le panneau de droite se trouve le fils de René II, Antoine, auprès de Saint Antoine de Padoue, et entouré de divers saints. Ces vitraux sont du maître-verrier lyonnais Nicolas Droguet assisté de Jacot de Toul. Dans le bas-côté nord se voit une belle représentation de la Transfiguration de Valentin Bousch qui commença à travailler pour la basilique en 1514. Un ensemble de verrières assez complet et conservées dans la 3e chapelle du côté nord présente des scènes de la vie de la Vierge. Enfin, la « grisaille des Berman », datée de 1544 et rescapée de l’incendie de l’hôtel particulier des Berman, riches marchands portois, peut être admirée dans une chapelle.

Le grand Orgue

Il est placé sur une tribune suspendue en encorbellement dans une travée transept nord : un emplacement inhabituel mais constant depuis l’installation du premier instrument au XVIe siècle. Le buffet aux dimensions exceptionnelles date de 1848. La statuaire en façade représente Saint Nicolas encadré à gauche du roi David et de Saint Joseph, à droite de la Vierge et de sainte Cécile. La partie instrumentale actuelle a été inaugurée en 1994 et ré harmonisée en 2010 : l’instrument comporte 3663 tuyaux, 54 jeux, 4 claviers de 56 notes et un pédalier de 30 notes.

Une curiosité : les échoppes

Six échoppes de marchands créées sous les chapelles du bas-côté nord du cœur mettent à profit la déclivité du terrain. Elles s’ouvrent sur la rue des Fonts, un passage quasi obligé des pèlerins qui accédaient généralement à la basilique à partir de la rue principale située à l’arrière de l’édifice et entraient par le portail latéral nord. Ces échoppes louées par le prieuré vendaient des objets de piété et aussi des cornets en verre ou en métal dans lesquels, selon une croyance populaire, on soufflait pour éloigner les orages.

Au milieu du XIXe siècle, l’état de l’église semble assez alarmant : Prosper Mérimée mentionne dans son rapport à la commission des monuments historiques la ruine imminente de l’édifice, qui est classé dès 1840. Le 18 juin 1940, un obus touche l’église en pulvérisant la voûte qui couvrait les 2 travées orientales proches du cœur et leurs collatéraux Sud. Des réparations permirent de consolider l’édifice, de 1942 à 1951 et Pie XII lui conféra en 1950 le titre de basilique. Une enfant du pays devenue américaine, Camille Croué-Friedman (1890-1980), fit d’abord le don d’un vitrail à l’église, puis légua sa fortune à l’évêché de Nancy « pour reconstruire et entretenir la basilique afin qu’elle retrouve sa beauté originelle ». Ce fut en 1983 le plus grand chantier de restauration patrimoniale d’Europe exclusivement financé sur fonds privés. D’exceptionnelles peintures murales masqués par des badigeons ont été retrouvées et sont en cours de restauration, dont un cycle de la vie de Saint Fiacre. Pour les spécialistes, Saint-Nicolas-de-Port concurrencera l’église de Sillegny qualifiée de « Sixtine lorraine », ce qui ajoutera encore à sa splendeur.

Bibliographie :

Suzanne Braun « Lorraine gothique », Éditions Faton, 2023.

Collectif Association Connaissance et renaissance de la basilique de Saint Nicolas de Port, Académie Stanislas, CRULH-LISCANT-MA, 2023.

Article à paraître dans la revue Una Voce n°348 de Septembre – Octobre 2024


  1. La chronique de Lorraine relate que René II ne voulant s’approprier seul les mérites du combat en rendit l’honneur à « Monseigneur Sainct Nicolas » en le réputant « père du pays, duc et déffense de Lorraine ». Le corps de Charles le Téméraire ne fut pas retrouvé, probablement dévoré par les loups qui abondaient en ce mois de janvier aux portes de Nancy.

  2. François Dominique de Mory d’Elvange, (1738-1794) érudit et numismate, membre de l’Académie, eut le courage de sauver sa forme en dessinant le reliquaire du bras qui, réquisitionné, fut fondu en pleine tourmente révolutionnaire (1793).

  3. Promu en 1508 « gouverneur de l’édifice, de la fabrique et réédification de l’église », titre qu’il conserva jusqu’ à sa mort, il en fut donc maître d’ouvrage, maître d’œuvre, et recruta les architectes Michel Robin et Hans de Moyeuvre.

  4. Comparées par Maurice Barrès à « deux grognards casqués qui semblent monter la garde aux portes du Vermois ».

  5. L’angle de déviation entre la nef et le transept est de 6°.

La sculpture dans les églises parisiennes : l’art sacré pour enseigner, commémorer, émouvoir.

Le COARC a pour mission d’inventorier, de restaurer et de valoriser le patrimoine constitué par les 40 000 œuvres d’art sont conservées donc 96 lieux de culte, la plupart catholiques, appartenant à la ville de Paris. Voici un florilège de cette impressionnante collection.

Église saint Sulpice (Paris VIe) Vierge de douleur d’Edme Bouchardon, Mausolée de l’abbé Languet de Gergy de Michel-Ange Stoltdz.

L’église Saint-Sulpice possède des sculptures classiques de Bouchardon, des bénitiers rocaille de Pigalle, des bas-reliefs des frères Slotdz, et de nombreuses statues de Louis Boizot. C’est un musée de sculptures où se lit l’évolution de la statuaire du 18e siècle. À cette époque l’église est assez vaste pour accueillir une multitude d’œuvres d’art. La petite église devenue trop exigüe pour la population grandissante de la paroisse fut démolie en 1643 et c’est son entreprenant curé Jean Baptiste Languet de Gergy qui organisa en 1719 des loteries pour financer le projet d’un édifice capable de rivaliser par ses dimensions avec Notre-Dame de Paris. La façade est élevée à partir de 1732 par Jean-Nicolas Servandoni, qui superpose 2 colonnades sur le modèle de Saint-Paul de Londres et des grandes basiliques de Rome. Le jeune sculpteur Edme Bouchardon est chargé de réaliser 24 statues pour orner le cœur et la nef, donc seuls 10 seront finalement réalisés et placer sur des piliers du chœur : La Vierge, Le Christ et 8 apôtres. Le mausolée de l’abbé Languet de Gergy décédé en 1747 fut réalisé en 1750 par René-Michel Stoltdz, appelé Michel-Ange Stoltdz au retour de son long séjour à Rome, en raison de son talent. Il créa un tombeau caractéristique de l’art baroque romain qui demeure l’unique témoignage parisien de l’art funéraire du XVIIIe siècle

Saint Gabriel (Paris 20e)

La première pierre de cette église a été posée par le cardinal Verdier le 15 septembre 1934 le territoire de la paroisse correspond au quartier appelé autrefois le « petit Charonne ». On y trouvait les anciennes fortifications, le dépôt des tramways de la compagnie des omnibus de Paris et une usine à gaz. Bénie en 1935, elle ne fut érigée en paroisse indépendante qu’en 1938. La dédicace fut reportée après la date d’édification d’un clocher, qui resta à l’état de projet. L’orgue construit en 1980 par les Frères Steimetz a été restauré et amélioré par la firme allemande Klais en 2006.L’orgue précédent, un Cavaillé-Coll tardif « de salon » qui aurait appartenu à Marcel Dupré, occupe toujours le fond de l’église. Les frères Mauméjean ont réalisé une verrière de 26 m2 en façade . La chapelle Sainte-Cécile désaffectée en 1936, a été démolie en 1966. Il subsiste de cette époque un haut-relief en grès de Charles Desvergnes qui représente Sainte-Cécile dirigeant un chœur d’enfants, dédié à « Saint Pie X, rénovateur de la musique sacrée, au peuple du Petit Charonne ».

Église Sainte Marguerite (Paris XIe) Tombeau de Catherine Duchemin par François Girardon (1628-1715)

Ce remarquable monument funéraire a été exécuté entre 1703 et 1707 pour accueillir la dépouille de Catherine Duchemin, épouse du sculpteur de Louis XIV François Girardon, décédée le 21 septembre 1698. Elle était une peintre de fleurs réputée ainsi que la première femme à avoir été admise à l’académie de peinture et de sculpture en avril 1863. François Girardon lui-même assura le dessin de ce mausolée dont la partie principale figure le Christ descendu de la croix selon un marché signé le 12 juin 1703. Le sculpteur en confia l’élaboration à deux de ses élèves Eustache Nourrisson et Robert Le Lorrain : le premier se vit attribuer la réalisation du Christ et du drapé enroulant la croix, le second celle de la Vierge et de l’ange assis au pied de la croix. Girardon conçut le tombeau en marbre vert au pied duquel le corps de Catherine Duchemin fut déposé, en septembre 1715. Exposé initialement dans l’église Saint Landry disparue à la Révolution, la sépulture fut remontée seulement en 1818, mais privée de son sarcophage, dans le cœur de l’église sainte-Marguerite.

Église Saint Germain l’Auxerrois (Paris 1er) Anonyme, vers 1490

Très rare témoignage de la sculpture parisienne de la fin du XVe siècle en pierre calcaire polychromée, la statue de Marie l’égyptienne serait aussi la seule des statues originales qui ornaient le porche de l’église Saint-Germain l’Auxerrois à avoir été conservée. Elle a été déplacée dans la chapelle de la Vierge à l’intérieur de l’église et remplacée par une copie qui accueille désormais les fidèles et les visiteurs dans une niche sur son pilier. Cette mesure a permis de conserver sa polychromie (visiblement remaniée) qui vient rappeler que le porche de saint-Germain-l’Auxerrois était autrefois peint – on peut toujours en déceler de fines traces à l’intérieur du porche. Marie l’égyptienne, courtisane d’Alexandrie menant une vie de débauche, souvent confondue avec Marie-Madeleine, fut touchée par la grâce et se retira dans le désert. Elle est représentée avec les trois pains grâce auxquels elle vécut soixante ans durant, vêtue de ses seuls longs cheveux dorés.

Église Sainte Croix des Arméniens (Paris 3e) : Saint François d’Assise en extase,

Germain Pilon (1540-1590)

C’est à la fin du du XVIe siècle que Germain Pilon réalisa la statue de Saint François d’Assise en extase : le marbre gris évoque la teinte de la robe de bure du moine nouée à la taille par une corde restituée en plomb ,tandis que le marbre blanc est utilisé pour le douloureux visage ainsi que pour les mains et les pieds marqués par les stigmates cette statue de Germain pilon a probablement été commandée avec la Vierge de douleur conservée en l’église saint-Paul-saint-Louis ( IVe) et la Résurrection exposée au musée du Louvre pour orner la rotonde des Valois. La construction de cette chapelle funéraire adossée à la basilique Saint-Denis et voulue par la reine Catherine de Médicis en mémoire du roi Henri II ne fut jamais terminée et elle fut finalement détruite en 1719. L’œuvre est donc demeurée inachevée dans l’atelier du sculpteur. À sa mort en 1590, elle fut entreposée au Louvre jusqu’à la Révolution avant d’être donnée à la ville de Paris en 1818. Déposée à l’église des Capucins du Marais connue sous le vocable de Saint-Jean Saint -François, elle a été concédée en 1971 à l’église catholique arménienne devenue la cathédrale Sainte-Croix des Arméniens de Paris.

Église de La Madeleine (PARIS VIIIe) : le Ravissement de sainte Marie-Madeleine, Charles Marochetti (1805-1867)

Entreprise en 1834, cette sculpture achevée en 1843, un an après la consécration de l’église, hisse Marochetti au rang des sculpteurs les plus en vue de Paris. Marie-Madeleine, vêtue de sa robe de bure, est enlevée au ciel sur sa paillasse de pénitente par trois Anges. Le rythme tournoyant des Anges et le mouvement ascensionnel de la sainte s’entremêlent avec grâce dans une composition d’une rare virtuosité. L’ange majestueux, sujet de prédilection de Marochetti, arbore d’immenses ailes enveloppantes. La blancheur du maître-autel est relevée par la dorure présente sur le bas-relief devant l’autel. L’épisode du repas chez Simon est évoqué dans une longue frise à l’antique.

Article publié dans la revue Una Voce n°347 de Mai – Juin 2024

« Le mystère ou l’absurde ?  Saint Thomas d’Aquin, Sartre et quelques autres »

Frère Luc Artur,O.S.B. Éditions Sainte Madeleine, février 2024

C’est à une exploration soutenue et fervente de la réflexion sur le mystère et son lien avec l’absurde que s’est livré Frère Luc Artur O.S.B. (abbaye du Barroux) dans son dernier ouvrage.

La préface de l’abbé Bernard Lucien ouvre une voie vers cette synthèse approfondie des œuvres majeures ou moins connues étudiées par Frère Luc en proposant le fil conducteur de la question « l’Être est-il mystérieux ou absurde ? ».

Dans la recherche d ‘un point de rencontre entre la théologie chrétienne et la philosophie, l’auteur prend rapidement de la hauteur, dans un style accessible et précis. L’auteur aborde la paroi lisse du mystère, arrimé de toutes les cordes de sa foi aux pitons bien ancrés d’une vaste culture philosophique et théologique. Saint Thomas et les thomistes (spécialement ceux du XXe siècle, le P. Garrigou-Lagrange, Étienne Gilson, le scientifique Michel Louis-Bertrand Guérard des Lauriers o.p…) sont convoqués et confrontés avec les médiévaux Bonaventure et Duns Scot avant d’aborder Sartre, Cioran, Kierkegaard, Nietzsche, pointant l’impuissance des philosophes face aux mystères surnaturels .. Son chapitre consacré à la tentative de définition du mystère, est une brillante synthèse des apports du P.Michel Louis-Bertrand Guérard des Lauriers o.p., des théologiens Urs von Balthasar et de Pascal Ide. La relation entre le mystère et la musique est évoquée par l’ouverture à la transcendance que permet la musique, « le mystère même » (Gabriel Marcel). Concluant sur la nature « relationnelle » du mystère et l’engagement dans « l’aventure » qu’il implique, l’auteur peut ensuite se pencher sur l’absurde, sa définition, par le destin littéraire que lui ont forgé les chrétiens Tertullien et Kierkegaard, et les athées Schopenhauer, Nietzsche, Mallarmé, puis Sartre, Cioran et Camus auxquels il consacre deux chapitres. Cette puissante synthèse s’appuie sur les travaux des meilleurs spécialistes de tous ces auteurs.

La question finale embrasse avec humilité et profondeur ce travail encyclopédique : « est-ce que rien ne compte, hors du mystère ? » L’humour n’en est jamais absent, comme capacité de relativiser les problèmes traités, en se référant encore au P. Guérard des Lauriers « L’humour, c’est une petite sagesse. Elle est très utile, la petite sagesse, qui monte de la terre ».

Outre un index onomastique de trente pages, une bibliographie très complète d’une centaine d’ouvrages permet, tant la citation des nombreuses et diverses sources, que la poursuite du travail de réflexion par le lecteur auquel incite cet ouvrage. Puisque « dans les ténèbres du nord, se trouve l’éclat de l’or. De même dans les ténèbres où nous vivons, nous trouvons quelques resplendissements, quoiqu’obscurs, de la connaissance divine ». ( St Thomas d’Aquin).

Article publié dans la revue Una Voce n°347 de Mai – Juin 2024

L’Ermitage de Font-Romeu : source de bienfaits pour le pèlerin

Ce petit ermitage à une soixantaine de kilomètres à l’Ouest de Perpignan, cerné par les sommets de Catalogne française : pic Carlit, pic Campcardos, pic des Tres estelles, et proche du mont Canigou sacré pour les Catalans, est un lieu de pèlerinage très populaire, spécialement le 8 septembre.

Ce pèlerinage (« aplec » en catalan) est né il y a plusieurs siècles de la dévotion à Notre-Dame de Font-Romeu, statue romane qui disparut à l’époque de l’hérésie cathare, probablement cachée pour la soustraire aux hérétiques menés par le vicomte de Castellbó qui pillaient les églises de Basse Cerdagne à la fin du XIIe siècle.

Selon la tradition locale, cette statue aurait été retrouvée un siècle plus tard par un bouvier qui gardait son troupeau transhumant dans la forêt de La Calme toute proche. Attiré par le manège d’un taureau qui grattait la terre, le bouvier découvrit la statue près d’une source (« font » en catalan). Le curé d’Odeillo, la paroisse la plus proche, redescendit la statue en procession avec ses fidèles à l’église du village. Ce récit est représenté en trois tableaux à la prédelle du retable, suivant fidèlement l’ouvrage « Jardin de Maria » du Père Camos sur les légendes mariales, publié à Barcelone en 1657 : découverte de la statue, annonce au curé d’Odeillo, première montée en procession.

Le pèlerinage : à la source (font) du pèlerin (le « romeu »)

Au XIIIe siècle, un sanctuaire fut donc élevé sur les lieux de la découverte de cette statue, dite « la Vierge de l’invention », et plus précisément La Moreneta (La « brunette » allusion au bois sombre dans lequel elle fut taillée). L’existence de cette fontaine, et d’autres indices, laissent penser que le site -possession du monastère de Saint Martin du Canigou au XIe siècle- était au Moyen-âge un lieu de passage des pèlerins se rendant à saint Jacques de Compostelle. D’où la dénomination de Font-Romeu, fontaine du pèlerin1, qui fut reprise par l’actuelle station dont la création date du début du XXe siècle.

Depuis le XIIIe siècle, la statue de la Vierge est ainsi portée en procession, de l’église d’Odeillo à l’Ermitage de Font Romeu distant de quatre kilomètres, à 1830m d’altitude) le dimanche de la Trinité. Elle pourra ainsi recevoir l’hommage des pèlerins pendant les mois d’été. Le 8 septembre -ou le dimanche le plus proche- jour du grand pèlerinage qui devint par la suite diocésain, elle est redescendue à Odeillo et y demeure jusqu’au printemps suivant, évoquant le mouvement de transhumance des troupeaux.

La chapelle primitive a été agrandie en 1686 et une hôtellerie construite pour héberger les pèlerins de plus en plus nombreux. Une modeste piscine à l’extérieur du bâtiment, très fréquentée les jours d’aplec complète ces installations.

Une magnifique collection d’ex-voto rend compte de la sollicitude de la Moreneta pour tous ceux qui cherchaient son aide, mettant en scène un vœu de guérison, ou une situation difficile à laquelle son intercession a permis d’échapper.

Le retable de Josep Sunyer (1704-1707)

Alors qu’aucune voie carrossable ne pouvait pourtant atteindre l’ermitage au XVIIe siècle, les pèlerins étaient si nombreux à vénérer la Vierge et à laisser leur obole qu’il a été possible de faire appel au début du XVIIIe siècle à un maître du genre, Josep Sunyer, pour monter un des plus beaux retables de l’art baroque catalan, remarquable par la composition de l’ensemble,le mouvement des personnages, la finesse des traits,la précision et la magnificence des dorures et des polychromies.

Deux anges céroféraires servent de piliers et les statues symboliques de la Foi et de l’Espérance sont surmontées de celles de quatre docteurs de l’Église : Saint Grégoire, Saint Jérôme, Saint Ambroise et Saint Augustin.

Ils sont eux-mêmes encadrés de représentations toutes en mouvement et couleurs de l’Annonciation, de la Visitation, de la Nativité et de l’Adoration des mages. Saint Martin, patron de la paroisse, est juste sous le Père Éternel et cet ensemble encadre la statue de la Vierge, présente l’été seulement.

Dans l’église, au pied de chaque escalier menant au camaril, ont été placés deux retables : le retable dit « de saint Jean-Baptiste », à gauche, en bois doré et peint, et celui de Saint joseph, à droite, plus tardif, dont seule la statue de Saint Joseph est attribuée à Josep Sunyer lui-même.

Pendant les travaux, Josep Sunyer eut la douleur de perdre son fils Pierre et obtint l’autorisation de l’inhumer dans la chapelle de l’Ermitage.

Les trois retables sont classés.

Le camaril

Typique de la décoration intérieure des églises de la région, cette « petite chambre »

est une sorte de pièce de réception de Notre Dame, destinée à la mettre en valeur et mieux se recueillir en présence de la statue miraculeuse. Située à l’arrière et en surplomb du maître-autel, elle est visible en haut d’un escalier de quelques marches, de chaque côté de l’autel. Murs et plafonds sont entièrement lambrissés et peints d’un décor floral et les ouvertures garnies de moulures et de rinceaux finement sculptés Les sculptures : Assomption, Christ en Croix,ont été réalisées par Josep Sunyer à partir de 1718. Trois médaillons présentent les scènes du repos lors de la fuite en Égypte, la Présentation de Marie au Temple et l’Immaculée Conception. Les peintures ont été réalisées entre 1730 et 1734 par l’artiste perpignanais Félix Escriba, également doreur du retable.

Aux quatre angles de la pièce, des anges musiciens de taille d’homme, surmontés d’une large coquille, participent au triomphe de la Vierge, en ce lieu dont se dégage une ambiance intime et de gloire tout à la fois. Ainsi Nostra Senyora de Font-Romeu pouvait-elle recevoir ses fidèles dans le camaril sous l’accompagnement harmonieux de la musique d’anges musiciens.

D’autres exemples de camaril sont visibles à Montserrat, Nuria, en Espagne, Err et Thuir en France.

On peut redire avec Émile Mâle, historien de l’art « c’est ainsi que le Ciel entre dans l’église ».

Bibliographie

Delcor « Les vierges romanes de Cerdagne et de Conflent » Dalmau Éditeur, Barcelone, 1970.

Eugène Cortade « Retables baroques du Roussillon » SINTHE, Perpignan, 1973.

Marcel Durliat «  L’art catalan » Arthaud, 1963.

Article publié dans la revue Una Voce n°347 de Mai – Juin 2024

  1. En occitan (« celui qui va à Rome »). De nombreux toponymes du Sud-Ouest de la France y font référence, ainsi le bourg de La Romieu (Gers) sur le chemin de Compostelle.

Notre Dame de l’Agenouillade : Une rare et ancienne apparition de la Vierge

L’église Notre Dame du Grau érigée au Grau d’Agde en 1583 par le gouverneur du Languedoc Henri Ier de Montmorency, et la chapelle dite « de la Genouillade » toute proche marquent le site d’une source et d’un rocher sur lequel la Vierge, priant Dieu d’arrêter la montée des eaux qui l’envahissaient régulièrement depuis la Méditerranée, aurait laissé l’empreinte de son genou fléchi.

C’est un lieu de pèlerinage très actif sur la via Tolosana d’Arles à Compostelle.

Un environnement sacré et périlleux

Situé entre mer et fleuve marécage et pinèdes, le site a connu de nombreuses occupations : habitat gallo-romain, oratoire fondé en 450 par Saint-Sever, autel à Marie au VIe ou VIIe siècle, couvent bénédictin puis capucin fondé au XVIe siècle par Henri,Connétable de Montmorency. Il ne subsiste aujourd’hui de ce couvent vendu comme bien national à la révolution et partagé en propriété privée que quelques arcades, un puits et des salles souterraines voûtées : une source qui valut à Notre Dame du Grau son nom primitif de notre Dame d’Aigues Vives, prend naissance dans un puits voûté recouvert ultérieurement d’un bâtiment en basalte. Le cheminement de l’eau, couvert par les Capucins, s’effectue en partie par ce réseau de salles souterraines jusqu’au puits de l’ancien cloître.

La géographie du site est particulière : Le phénomène de submersion de l’embouchure de l’Hérault est bien connu à Agde il a été porté à son paroxysme à plusieurs reprises : en 1766 1800,1875, et 1907. Si la mer est en tempête alors que l’Hérault est en crue les eaux au lieu de s’écouler refluent dans les terres. Il faut imaginer le rivage bien plus près qu’il n’est aujourd’hui : l’embouchure du fleuve côtier Hérault n’était alors pas endiguée et s’ouvrait dans la mer par un estuaire (un « grau » en langue d’oc). Toute la plaine était inondée jusqu’au pied du sanctuaire actuel.

Saint Sever, Rinilo, Henri de Montmorency : les bâtisseurs

Au milieu du 5e siècle un riche noble syrien désireux de vivre selon la pauvreté évangélique partit de chez lui, mettant ses richesses et une partie de son personnel sur un bateau en confiant à la providence le soin de le guider. Il aborda ainsi à l’embouchure de l’Hérault (le « grau ») et après avoir donné la liberté à ses gens et ses richesses à l’évêque d’Agde Béticus, il se retira près d’une source afin d’y vivre en ermite dans une cabane de roseaux. Les Agathois voulant avoir ce saint homme auprès d’eux construisirent un monastère près de l’église Saint-André. L’un de ses disciples, Adjutor, voulant fuir le monde changea son nom en Maxence et se rendit en Poitou où il fonda un monastère qui prit son nom( Saint- Maixent). L’ancien ermitage ne fut pas abandonné pour autant et resta habité par quelques religieux. C’est l’un d’eux qui fut le témoin d’une apparition à laquelle on ne peut assigner aucune date et dont le premier récit connu date de 1868. L’abbé Emmanuel Martin d’Agde le rapporte dans sa « Notice sur Notre-Dame du Grau suivie de la vie de Saint Sévère » : «  la mer soulevée avec une violence extraordinaire soutenue pendant plusieurs jours, semblait conjurée avec l’ Araur (l’Hérault) débordé pour engloutir cette contrée jadis sortie de ses eaux. Un de ces tremblements de terre fréquent autrefois sur ce sol vomi tout entier par un volcan sous-marin ajoutait à la terreur profonde des habitants. Un ermite du Grau qui répandait son âme devant l’autel demanda grâce pour Agde et Marie lui apparut : il la vit agenouillée sur la pointe d’un rocher basaltique que l’inondation respectait encore et joignant ses prières à celles de son serviteur. Alors les flots s’abaissèrent, la mer s’éloigna de ces lieux qu’elle ne devait plus menacer et la Pierre signalée à la vénération des fidèles par le dévot ermite fut marquée d’un sceau profond semblable à l’empreinte d’un genou. On éleva à côté une espèce de colonne pour en indiquer la place. Plus tard une église a succédé à la colonne et le peuple est accouru pour vénérer avec respect ce monument de la piété de nos pères et de la bonté de Marie ».

Plus tard, au VIe ou VIIe siècle, un lieu de culte chrétien doté d’un autel dédié à Marie fut fondé sur le site par une vierge pieuse d’origine germanique voire wisigothique, Rinilo, en vue d’expier ses péchés. On ignore si Rinilo appartenait à un état religieux particulier. L’autel à Marie, et un autel dédié à l’apôtre Pierre furent placés près de l’autel principal. La dédicace a pu être ainsi reconstituée :

« Ce lieu de culte fondé par Rinilo, vierge dévouée à Dieu est consacré au Christ, un autel établi à la bienheureuse Vierge Marie et un oratoire sous le vocable de Pierre, apôtre et confesseur. Elle a œuvré pour l’expiation de ses fautes ».

Fundabit hoc templum Rinilo D(e)odicataVirgo sacratum Christo(xPO) Marie Virginis alme condidit altare. Petro apostoli confessor… oratoria titulabit sci..laboribus expiens.

En 1583, Henri de Montmorency (1534-161), figure marquante des guerres de religion, gouverneur du Languedoc et connétable de France, fit construire le couvent des capucins et une église, consacrée en 1609 par l’évêque d’Agde, Henri de Montmorency y fut inhumé en 1614. Sa dépouille revêtue de l’habit des Capucins et son cercueil de plomb furent vandalisés en 1792. Le marbre fut enlevé et vendu, le cercueil fut brisé et fondu pour en faire des balles. Les ossements jetés au fond de la fosse furent recouverts de terre1. Après la profanation de la sépulture une partie des ossements d’Henri de Montmorency a été rejetée dans le caveau accompagné de restes osseux provenant d’une autre sépulture profanée.

Le retable en marbre rouge de Caunes-Minervois enchâssant une statue de la Vierge à l’Enfant fut reconstruit en 1830 après le sac révolutionnaire de 1793. Une petite chapelle latérale conserve un retable de plâtre abritant en son centre une statue de la Vierge en bois doré du XVIIe. Le portail à colonnes doriques en basalte n’est autre que l’ancienne entrée de la cathédrale d’Agde L’église abritait de nombreux ex-voto : tableaux, maquettes, plaques de bois ou de marbre, autant de remerciements des gens de mer en quête de protection, souvent légendés « V.F.G.A », « Votum feci, gratiam accepi ». L’inventaire de 1906 en dénombrait près de cinq cents, dont seulement trente ont pu être sauvés de l’humidité et des pillages et sont désormais conservés au musée d’Agde.

La Chapelle de la Genouillade

La chapelle de l’Agenouillade fut aussi érigée en 1583 par Henri de Montmorency, autour du rocher marqué par l’empreinte du genou de la Vierge. Elle porte sur la toiture une lanterne des morts. Les fresques intérieures, achevées en 1667, représentent les quinze mystères du Rosaire. Le vitrail figurant le miracle, date de 1943.

En 1920 fut construit sur le parvis un rocher artificiel avec une grotte figurant l’ermitage, et une statue monumentale de la Vierge agenouillée. À cette rare apparition de la Vierge agenouillée, « les chrétiens ont porté plus de dévotion et de référence à cette sainte chapelle ou la sainte mère de Dieu accorde tous les jours de nouvelles grâces et faveurs à ceux qui viennent réclamer les secours de la puissante reine des cieux (abbé Maurin, » Notre-Dame du Grau d’Agde », 1928).

Article publié dans la revue Una Voce n°347 de Mai – Juin 2024

  1. Des travaux archéologiques ont permis de découvrir ce caveau dont les caractéristiques sont en tout point identiques à celles contenues dans le récit du saccage.

Hélène de Laage de Meaux et le Rosaire de Notre Dame d’Auteuil

Hélène de Laage, née en 1930, a commencé très jeune à modeler la terre : des petits santons ont été sa première création. À la suite de son père, marin explorateur chargé de réaliser des cartes du Sahara, elle a beaucoup voyagé et rempli de nombreux carnets d’esquisses et dessins. Élève de Georges Murguet (lui-même élève de Bourdelle), elle a collaboré avec lui pour la sculpture des chapiteaux de l’Église Sainte Jeanne d’Arc de Gien (1950) et celle des statues du Christ et de Sainte Thérèse sur la façade de Saint Ferdinand des Ternes de Paris.

Privée momentanément de son outil de travail suite à deux fractures des bras, Hélène de Laage a repris ses œuvres dans un autre état d’esprit, celui de « l’abandon au Créateur ». Il s’ensuivra dans les années 90 du XXe siècle une production très riche et inspirée : Vierge à l’enfant de Nostra Señora de Esperanza de Santiago du Chili (1991), Vierge de l’accueil au collège Passy-Buzenval, Vierge de Notre-Dame de Cotignac, représentations de la Sainte Famille et de la Trinité, dont le « Roc de Lumière » destiné à la Communauté des Fraternités monastiques de Jérusalem à Marcilly-en-Gault…

Sculpture et méditations

C’est en 2006, à la suite du décès de son époux, qu’Hélène De Laage rapporte avoir reçu une inspiration accompagnée d’images très précises, l’invitant à réaliser un Rosaire dans l’esprit du Chemin de Croix qu’elle avait sculpté en résine et brique pilée pendant la maladie de son époux.

Cette réalisation en un seul exemplaire, en terre cuite moulé ensuite en résine polyester l’a mobilisée pendant un an. Ce Rosaire en quatre tableaux est visible dans la crypte de l’église parisienne Notre Dame d’Auteuil où l’a installée le Père Antoine de Romanet après la rénovation de la crypte. Dans l’édition d’un petit opus de photos à l’occasion du Grand Jubilé de la Miséricorde (2016),chaque mystère est accompagné de citations de l’Évangile ou de courtes prières écrites de sa main.

Ainsi le recouvrement de Jésus au temple : « Marie, apprends-moi à recevoir et à garder en mon cœur toutes les paroles de Jésus. Et je n’oublie pas que tu m’as fait connaître l’angoisse de l’enfant perdu et retrouvé »

Les Noces de Cana : « Jésus, par ton premier miracle, Tu as voulu passer par l’intercession de ta mère, et c’est Elle qui me conduit vers Toi. Bénis tous les couples qui s’engagent dans la belle aventure du mariage ».

L’agonie de Gethsémani : « Marie, Voici ton fils dans la solitude de cette terrible nuit de Gethsémani offrant sa vie par amour pour moi. Pardon, Jésus, pour toutes les fois où je t’ai laissé seul dans ta détresse ».

L’Assomption de Marie : « Réjouis toi Marie comblée de grâces, le Seigneur est avec toi. Il a fait en toi des merveilles. Tu seras, n’est-ce pas, au côté de Ton Fils quand Il ouvrira pour moi la porte de l’Éternité. Pour moi aussi, Il a fait tant de merveilles ».

Aujourd’hui âgée de 94 ans, Hélène de Laage a fait sienne les déclarations de Saint Pie X : « Donnez-moi une armée qui récite le chapelet et je ferai la conquête du monde. De toutes les prières, le rosaire est la plus belle et la plus riche en grâces, celle qui plaît le plus à la très Sainte Vierge Marie. Aimez donc le Rosaire et récitez-le avec piété tous les jours » et de Jean Paul II « réciter le chapelet, cela signifie apprendre à regarder Jésus avec les yeux de sa mère. »

Bibliographie

« Sculptures et méditations d’Hélène de Laage » Supplément au « Campanile », 2016
« Hélène de Laage de Meaux, Sculptures « Editions MP, 1998.
Site Internet : https://www.helenedelaage.com/

Article publié dans la revue Una Voce n°346 de Mars – Avril 2023